On dira ce que l’on veut, mais tout était quand même mieux sous Chirac, y compris l’heroic fantasy. En 1998, Steve Barron achève la réalisation d’un téléfilm d’une qualité rare dans son genre : Merlin. Je ne dirai rien pour Kaamelott, mais avec le Merlin de Gérard Jugnot, il était temps d’enfin publier cet article pour montrer qu’on peut faire des trucs très chouette avec la légende Arthurienne.
Sylvain Mirouf approved
Au risque de vexer les rôlistes, les métalleux et la population geek toute entière, ayons le courage de l’avouer : l’heroic fantasy et tout ce qui s’y apparente, c’est kitsch et ennuyeux. Seulement, nous avons tous été collégiens et c’est cette part d’adolescent boutonneux encore bien présente dans nos petits cœurs qui nous fait pousser de petits cris de pucelles lorsque Peter Jackson sort Le Hobbit. Pis encore, mon pêché mignon à moi, c’est un téléfilm offert à l’époque avec un fascicule aux éditions Atlas pour apprendre la magie. Mais si, rappelez-vous, les trucs avec Sylvain Mirouf tout sourire qui mettaient des étincelles dans les yeux des pré-adolescents les plus crédules (dont moi) avec des tours de magie en carton à 2€ le premier numéro. Ben voilà, c’est comme ça que j’ai connu Merlin. Enfin pas exactement, je voyais simplement que la VHS était offerte avec l’abonnement de 12 mois au magazine que je n’avais pas réussi à négocier, aussi j’ai très longtemps salivé devant cette pauvre image en m’imaginant à quel point ce film devait être génial. Puis un jour, je me rends compte chez un copain plus chanceux, que lui a pu s’abonner au bouzin et possède donc la fameuse cassette. Je n’avais alors pas tant d’yeux pour sa boîte à faire disparaître l’avant bras, l’anneau qu’on fait disparaître sous un foulard et la ficelle qu’on sort de son trou de balle que pour cette fabuleuse VHS. Et là, comme ça, il me l’a prêtée pour une durée indéterminée (comme il m’avait prêté son Age of Empires II pour une durée approximative de deux ans), saint homme. Autant vous dire que cette cassette, je ne l’ai pas usée au point de la rendre inutilisable car je suis bien élevé, mais il n’y a que peu de scènes que je ne connais pas par cœur (je me fais toujours avoir sur les remerciements).
Ce n’est que 10 plus tard, grâce à la magie d’Internet, que je parvins à retrouver le film en question, motivé par une discussion entretenue avec l’un de mes pairs dont j’ai appris l’attachement au film, ce qui a un peu relancé la machine émotionnelle dans mon petit cœur (rien à voir avec celui qui se sacrifie pour Sangohan). La crainte qui étreint alors n’importe quel spectateur sur le point de redécouvrir une de ses œuvres cultes, c’est que la Madeleine de Proust soit toute séchée (là par contre, vous avez le droit de confondre avec Nana Mouskouri). C’est donc avec une légère appréhension que j’ai relancé le film, à moitié enthousiaste à l’idée de telles retrouvailles, à moitié anxieux de devoir le regretter dans l’heure (ou plutôt les trois prochaines).
Merlin, c’est donc un téléfilm – diffusé sur NBC à l’époque – reposant sur les épisodes les plus connus de la légende Arthurienne. Le film aborde donc plusieurs éléments de la vie de notre enchanteur inspirés de diverses versions de la légende car vous le saurez, la légende Arthurienne, ce n’est pas un gros bouquin édité chez Gallimard mais un tas d’interprétations dont certaines encore restées dans l’ombre. Alexandre Astier l’a démontré avec sa gigantesque série Kaamelott, cette légende n’est pas immuable et il est bienvenu d’y apporter sa pierre. C’est ce que Steve Barron a proposé avec Merlin qui retrace les éléments clés de la vie de Arthur mais du point de vue de celui qui donne son nom au téléfilm. Je suis en mal de synonymes et je vous merde. Pour ce faire, le film s’ouvre sur son initiation à la magie et sa rencontre avec la sulfureuse Mab. Ce simple nom m’évoque à lui seul cette sorcière au charme indicible de celles qui s’habillent en nuances de noir/violet et qui se noircissent le bord des yeux (ne t’inquiète pas Xena, tu restes ma numéro 1). Une élève de terminale L avant l’heure en somme. Celle-ci décide donc de créer Merlin et de le soustraire à sa mère biologique pour faire de lui un puissant allié dans son combat pour restaurer les vieilles croyances du peuple anglo-saxon (oui, ceux qui nous ont cramé Jeanne d’Arc, on n’oublie pas). Sa sœur la Dame du Lac n’est pas de cet avis et choisit de laisser sa sœur se démerder. Après un habile flashback, Merlin a grandi, il s’est transformé en Sam Neill et a juré de ne plus trop se servir de sa magie si ce n’est pour détruire Mab. Sa rencontre avec Nimue (Isabella Rossellini, fille de) et son alliance avec la Dame du Lac qui lui remis Excalibur seront les points de départ de cette aventure. Je ne vous raconte plus rien car à partir de là, Steve Barron a décidé d’improviser avec divers rôles de la Légende Arthurienne pour composer sa fresque vidéo. L’ensemble est d’une réelle cohérence car en dehors des anachronismes relevés par de brillants élèves en première année d’histoire de l’art, tout ce beau monde se construit sous nos yeux durant 3h, une durée convenable pour planter un décor un tant soit peu crédible. Et à l’image de cette mythologie qu’il bricole pour échafauder son téléfilm, il bidouille des effets visuels que personnellement, je n’ai jamais croisé en dehors de Merlin. Je n’avais pas le vocabulaire à l’âge de mes 11 ans pour l’exprimer, mais pouvoir deviner Sam Neill sur un fond vert pendant que défile en fond un timelapse de la marée montante, je trouve ça magique. C’est un peu comme ce pantin dont l’on devine les ficelles quand elles passent devant un fond noir, on est rassuré d’avoir identifié la supercherie et on sait que l’on a affaire à un truc, à une astuce pour que l’impossible prenne forme. Et ça c’est beau. Merlin regorge de ces petits effets spéciaux honteusement cheap que renieraient bon nombre de ceux qui ne jurent plus désormais que par les effets qui finalement n’existent plus. Car tout est trop bien fait.
Le truc rigolo, c’est que pour un téléfilm relativement peu populaire – face à la notoriété du Excalibur de John Boorman – c’est un peu la foire aux guests. Pour tout vous dire, j’en ai “découvert” les 3/4 dans ce film avant que 10 ans plus tard, cela fasse chboum là’d’dans en revoyant Merlin. “Ah Putain mais là c’est la voix de Dark Vador ! Et là, c’est Bonham Carter !” En fait c’est assez rigolo de retrouver tous ces acteurs alors typés “seconde zone du Cinéma”, à l’image de Steve Barron en fait (histoire de faire le lien avec l’actualité et si vous ne vous rappelez pas de Sam Neill, allez donc voir Jurassic Park 3D). Il y a même Isabella Rossellini que l’on aura vue récemment dans le merveilleux Du Vent dans mes Mollets. Bref, plein d’acteurs qu’on aime revoir à chaque fois mais pour lesquels il aura fallu du temps avant qu’on en retienne les noms. Et pour Steve Barron, si je vous dis les Tortues Ninja, Pinocchio, Coneheads ? Mieux, vu qu’il a également officié dans le milieu du clip vidéo : Billie Jean ? Don’t You Want Me ? Let’s Get Rocked ? Et oui, entre Mickael Jackson, Def Leppard, Whitney Houston, Paul McCartney et Dire Straits, Monsieur n’a pas réalisé des clips que pour des mickeys. Donc non, Steve Barron n’est pas un pouilleux qui a décidé d’investir dans une cam mini-DV pourrave pour faire jouer à ses potes rôlistes l’adaptation d’un scénario de Donjons & Dragons. On tient là les raisons du succès mitigé de Merlin : téléfilm + réalisateur clips/films alternatifs. C’est d’autant plus injuste qu’il s’agit là d’un excellent film de 3 heures pour bien faire les choses.
Je suis quelqu’un qui écoute encore Offspring à 22 ans, c’est dire si je suis attaché à cet ensemble de produits culturels qui ont bâti aussi bien en amont qu’en aval les années 90/2000, aussi n’y voyez pas d’inconvénient si je trouve une incrustation un peu minable plus attachante que les trois heures de The Dark Knight Rises. Merlin est cette époque, il incarne aussi bien les figures, un savoir faire et la narration que l’on savait mettre en œuvre à cette époque. Peut-être vous rappellerez-vous de cet épisode de Kaamelott dans lequel Arthur se rend sur le marché et s’installe devant un marionnettiste qui rejoue la légende Arthurienne avec des pantins grossièrement taillés dans le bois. Et bien c’est ainsi que j’aime voir et revoir Merlin, retrouver le spectacle de quelqu’un de concerné par ce qu’il raconte plus qu’il ne serait soucieux que les ficelles de la magie du cinéma ne transparaissent. En tout cas, vous voulez une bonne nouvelle ? Merlin a bien mieux vieilli que Miranda Richardson.
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