L’Exorciste du Vatican


Projeté en avant-première dans le cadre du BIFFF en avril dernier, L’exorciste du Vatican, est basé sur l’histoire vraie du Père Gabriele Amorth, une sorte de John Wick des exorcistes. Alors que ce personnage haut-en-couleurs réussit à prendre possession des cœurs du public, ce n’est pas vraiment le cas du film…

Plan rapproché-poitrine sur un Russell Crowe étonné, dans une pièce indéfinie peu éclairée, trempée dans une lumière ocre ; derrière Crowe à l'arrière-plan, la silhouette d'un prêtre qui l'accompagne ; plan issu du film L'exorciste du Vatican.

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In nomine patris et filii et cetera

Scène du film L'exorciste du Vatican où le père Amorth montre un médaillon à un jeune en jogging, penché vers lui, dans la chambre de ce dernier seulement éclairé par des bougies.

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Le genre du film d’exorcisme a largement été exploité, en long, en large, et en travers au cours des cinquante dernières années qui ont suivi la sortie du cultissime L’exorciste (William Friedkin, 1973). Les années 2010 ont été particulièrement prolifiques, avec le démarrage de la saga Conjuring (James Wan, 2013), et aussi, malheureusement, avec une flopée de productions totalement oubliables que l’on retrouve en masse sur les plateformes de streaming. On reconnaît facilement ces derniers à leurs titres qui suivent souvent la même formule, “L’exorcisme de + insérer prénom”, par exemple L’exorcisme de Hannah Grace (Diederik van Rooijen, 2018) ou L’exorcisme de Tamara (Guillermo Amoedo, 2018). Parmi tous ces films relatant des cas de possessions, on comptabilise aussi un grand nombre d’œuvres portées particulièrement sur le thème du Vatican, le lieu saint universel pour les chasseurs et chasseuses de démons. Citons Le Rite (Mikael Håfström, 2011), avec Anthony Hopkins en prêtre mystérieux, et Les Dossiers secrets du Vatican (Mark Neveldine, 2015), dont il n’y a pas grand chose à retenir. On a finalement l’impression d’avoir vu des prêtres dans toutes les situations possibles. Si bien que l’on finit par se lasser un peu du genre, car on se demande ce qu’il lui reste encore à nous offrir. Et pourtant, quelqu’un – plus particulièrement le studio Screen Gems, filiale de Sony – s’est dit qu’il y avait peut-être matière à faire un scénario avec les mémoires du Père Gabriele Amorth – Un exorciste raconte (1992) – qui n’a été nul autre que l’exorciste attitré du diocèse de Rome de 1986 à 2016, excusez du peu. Malgré les supposés 100.000 exorcismes à son actif, ce dernier n’avait jusque là pas intéressé le septième art, à l’exception de William Friedkin qui lui a consacré un documentaire en 2017 – The Devil and Father Amorth – dans lequel il a filmé un exorcisme performé par Amorth lui-même.

Le père Gabriele Amorth (Russell Crowe) entre dans une pièce via une large fente dans un mur de briques, il doit s'éclairer à la lampe torche dans la pénombre ; scène du film L'exorciste du Vatican.

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C’est finalement au réalisateur australien Julius Avery qu’incomba la tâche de réaliser un film consacré à cette légende du milieu catholique. Avery n’en est pas à ses débuts puisqu’il a écrit et réalisé son premier long-métrage Son of a Gun en 2014 qui avait d’ailleurs été nommé au Festival du film de Londres. Par la suite, il a réalisé le film d’horreur Overlord (2017), ainsi que le film d’action Le Samaritain (2018), avec Sylvester Stallone. Niveau horreur, le cinéaste n’en était donc pas à son coup d’essai avec L’exorciste du Vatican. Quant à notre acteur principal, en la personne de Russell Crowe, il faut avouer que c’est assez intriguant de le voir là, lui qu’on a eu l’habitude de voir plutôt dans des drames ou des policiers comme L.A. Confidential (Curtis Hanson, 1997) ou American Gangster (Ridley Scott, 2007), et que l’on connaît surtout pour son interprétation du général romain Maximus dans Gladiator (Ridley Scott, 2000). Le vétéran australien nous offre ici une performance aussi haute-en-couleurs que le personnage qu’il incarne, à commencer par un gimmick sorti de nulle part et qui ne peut s’empêcher de provoquer le rire – surtout dans le cadre d’une séance au BIFFF, où il a été repris pendant toute la séance. Au-delà de ce détail, Crowe incarne donc un homme d’église assez charismatique, qui a toujours un bon mot d’esprit à placer, surtout lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas. On peut tout à fait dire que c’est sur lui que repose le long-métrage, car le reste des personnages ne font que jouer sur des clichés et n’ont pas vraiment de profondeur. Et, au final, ce n’est pas plus mal car il a l’air de vraiment s’amuser et semble même partir complètement en roue libre pour notre plus grand plaisir.

Russell Crowe et son prêtre acolyte en plein exorcisme, brandissant leurs crucifix tandis que des feuilles volent autour d'eux dans le film L'exorciste du Vatican.

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Parlons d’ailleurs de ces clichés, car L’exorciste du Vatican coche toutes les cases, ce qui, en réalité, n’est pas une mauvaise chose si l’on souhaite organiser un bingo pour une soirée entre ami.es, mais dans le cas d’un visionnage au cinéma, c’est un peu moins agréable – hors contexte de festival, bien entendu. On retrouve, tout d’abord, la petite famille qui emménage dans un lieu au lourd passé, dont ils ignorent naturellement tout. Dans ce cas-ci, nos heureux locataires ont hérité d’une ancienne abbaye espagnole après le décès de leur mari/père, et on apprendra plus tard que de terribles événements s’y sont produits à l’époque de l’Inquisition. On passera les clichés de la mère qui a du mal à faire sortir son enfant en deuil de son mutisme et celui de l’adolescente rebelle qui n’avait clairement pas envie de passer l’été dans cet endroit pourri pour directement passer à celui de l’enfant qui se fait posséder par un démon. En effet, cela a été vu et revu, depuis L’exorciste (William Friedkin, 1973) jusqu’à Conjuring 2 : le Cas Enfield (James Wan, 2016). Notre jeune protagoniste se met, comme la plupart de ses prédécesseur.euses, à parler avec une voix rauque, à se contorsionner dans tous les sens, et à grogner en la présence d’un crucifix. On notera cependant que le démon qui le possède n’est pas dépourvu d’humour, tout comme le Père Amorth, ce qui mène parfois à des échanges assez drôles. Ajoutons à cela un sidekick apprenti exorciste qui, au début, saute à pieds joints dans les pièges que lui tend le démon et qui finit par presque dépasser son maître dans un exorcisme final du feu de dieu. Ce combat final n’était d’ailleurs pas inintéressant, mais on regrette l’aspect un peu daté des effets spéciaux… Pas inintéressant, c’est aussi ce que l’on peut dire de la réalisation, qui ne propose néanmoins rien de révolutionnaire. Finalement, il s’agit d’une production qui s’inscrit bien dans la lignée des autres films d’exorcisme, et ne se classe ni tout en haut ni tout en bas. Toutefois, l’allure tellement décomplexée de Russell Crowe nous fait quand même nous demander si tout cela n’est pas en réalité voulu, et dans ce cas-là, on ne pourrait alors qu’applaudir l’effort.


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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