Junk Head


Fable de science-fiction horrifique animée image par image, Junk Head de Takahide Hori a, de par sa performance artistique et son propos, tout du chef-d’œuvre en devenir. Et on se rappellera qu’on l’a découvert à l’Etrange Festival.

Face à un miroir, un petit robot blanc enlace ce qui a l'air d'être un petit garçon, avec une bouche qui ressemble à un bec, le haut du visage caché par une capuche rouge ; plan issu du film Junk Head.

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Mister Roboto

Si la technique du stop-motion est délaissée au profit de formes d’expression moins contraignantes, il ne faut pas oublier qu’elle possède un certain charme quand elle est bien utilisée. En effet, la stop-motion imite à la fois le réel tout en gardant un aspect artisanal qui peut s’avérer efficace pour traduire l’imagerie particulière d’un metteur en scène. On pense alors à des productions comme L’étrange Noël de Monsieur Jack (Henri Sellick, 1992) dans laquelle cette technique parvient à retranscrire avec perfection l’esthétique démente de Tim Burton. Junk Head est du même acabit, souhaitant transmettre une vision complexe et apocalyptique par un procédé qui imite le réel. Avant de parler du film en lui-même il est essentiel de parler de sa genèse, qui à elle seule révèle de la persévérance d’un homme. Le projet Junk Head était à l’origine un court-métrage d’une trentaine de minutes réalisé par Takahide Hori, tout seul, dans son studio. Au vu des bons échos, celui-ci décida de transformer son court en long. Pour cela, il travailla seul dans son studio pendant quatre ans. Quand on sait combien il est contraignant de réaliser un long-métrage en stop-motion – lire notre entretien de Gints Zilbalodis, réalisateur de Ailleurs, pour s’en convaincre on ne peut que saluer la performance.

Dans une salle des machines, un scientifique avec un cerveau hypertrophié pose sa main sur l'épaule d'un petit robot triste dans le film Junk Head.

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Takahide Hori nous convie à une fable existentielle sur la condition humaine. Junk Head nous narre les errances d’un robot humanoïde high-tech, chargé de ramener des informations nécessaires à la survie de l’espèce humaine. Il est alors plongé dans les angoissants sous-sols d’un monde post-apocalyptique, peuplé de créatures répugnantes et agressives. Si dans ses prémisses, le film nous rappelle Wall-E (Andrew Stanton, 2008), la ressemblance s’arrête-là. Alors que la production des studios Pixar laissait une pointe d’espoir à l’humanité, ici, l’œuvre de Hori propose plutôt le sombre spectacle d’une humanité sur sa fin. Cependant, le cinéaste ne verse pas dans le nihilisme le plus total et montre que si elle peine à être maintenue, la petite flamme de l’espoir se doit d’être ravivée. Le récit est servi par une très ingénieuse mise en scène utilisant les tons sépia pour transformer le moindre décor en un enfer post-apocalyptique, le tout sublimé par de longs plans de contemplation nous décrivant l’univers du film. Cette mise en scène est appuyée par une direction artistique ultra-travaillée, non seulement dans la création des monstres – où le moindre détail permet de comprendre leur origine – mais aussi dans le design cauchemardesque des environnements.

Un petit robot court dans les sous-sols d'un bâtiment industriel, avec de larges câbles au plafond, baigné dans une lumière ôcre ; scène du film Junk Head.

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Ce qui frappe surtout dans le projet de Hori, c’est la fluidité de l’animation. Comme on le sait, dans la stop-motion les mouvements des personnages sont effectués manuellement par l’animateur. Si cette pratique a ses avantages notamment grâce à son caractère authentique qui permet de susciter de l’émotion chez le spectateur, elle a aussi des inconvénients. En effet, pas assez maîtrisée, l’animation peut paraître trop raide et l’image saccadée. On pouvait s’attendre à cela, étant donné que le réalisateur est le seul aux commandes : il n’en est rien. L’animation de Junk Head s’avère extrêmement fluide et plaisante à regarder, c’est même l’une des grandes réussites du film. En effet, son récit fonctionne grâce à une animation dynamique nous permettant de saisir toute l’ampleur des émotions comme des enjeux du récit.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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