Brand New Cherry Flavor (Mini-Série)


Fraichement débarquée sur Netflix, la mini-série Brand New Cherry Flavor (Nick Antosca & Lenore Zion, 2021) dévore les entrailles d’Hollywood et dénonce ses jeux de pouvoir écœurants en y mêlant revanche et sorcellerie.

Sur fond noir, une jeune femme nous regarde droit dans les yeux ; sur sa langue un oeil et du sang qui coule ; visuel de promotion de la mini-série Brand New Cherry Flavor.

© SERGEI BACHLAKOV/NETFLIX

T’as de beaux yeux tu sais !

Certaines séries Netflix débarquent en grande pompe, d’autres passent par la petite porte : telle est l’injustice du marketing qui cherche à ratisser large. Brand New Cherry Flavor fait partie de ces œuvres qui auraient presque pu passer inaperçues mais dont l’originalité a quand même été détectée par les spectateurs les plus téméraires. Car téméraire, il faut l’être un minimum pour regarder les huit épisodes de cette mini-série qui oscille entre thriller psychologique et body horror, avec pour but de renverser les relations de pouvoir et la dichotomie bourreau/victime qui règnent dans le petit milieu du cinéma hollywoodien. Inutile de citer une énième fois les deux David, Cronenberg et Lynch, comme influences simplement parce qu’il y a du body horror, que ça cause d’Hollywood et que ça se déroule beaucoup la nuit. Ces comparaisons sont aussi flatteuses qu’elles sont au final réductrices. On sent la patte de certains auteurs, mais quitte à citer des noms, le premier épisode (J’existe, S01E01) pourrait plutôt être vu comme une relecture de The Neon Demon (Nicolas Winding Refn, 2016) – et pas seulement pour ce fameux gobage d’œil ! Une jeune femme y débarque à Los Angeles pleine d’ambition et se retrouve aux prises avec une industrie qui la manipule et l’objectifie : la revanche sera exercée à coups de rituels cannibales… Similitudes de scénario au premier abord, mais surtout énormes ressemblances esthétiques avec des lumières néons dans les mêmes tons roses, rouges et bleus, des scènes de nuit en voiture où Los Angeles est dépeinte comme une ville presque fantasmagorique, le tout enveloppé dans une mise en scène qui soigne ses cadres. On se croirait presque dans un film d’auteur indépendant, bien loin de l’esthétique un tant soit peu sommaire d’autres séries d’horreur Netflix.

Dans ce qui semble être une galerie d'art, six hommes et femmes apprêtés contemplent une "oeuvre" posée sur un socle blanc : il s'agit d'une tête d'homme chauve ; scène de la mini-série Brand New Cherry Flavor.

© SERGEI BACHLAKOV/NETFLIX

Néanmoins, l’idéalisme lié à l’arrivée de Lisa (Rosa Salazar) à Los Angeles laissera la place dès le second épisode (A rebrousse-poil, S01E02) à une réalité bien plus sombre, et en conséquence, à une mise en scène plus conventionnelle sans être pour autant banale. Quand un producteur (Eric Lange) lui vole les droits de son film puis l’agresse physiquement, Lisa n’a qu’une idée en tête : lui ruiner la vie en retour. Elle va alors s’enticher d’une sorcière (Catherine Keener) pour lui jeter un sort, sans se douter de la dangerosité de cette alliance et des conséquences désastreuses sur son entourage. Ce serait fâcheux – et, admettons-le, assez compliqué – de révéler davantage l’intrigue qui nourrit les huit épisodes de la série, tant elle sait se montrer surprenante. Réalisée par plusieurs metteurs en scène (Matt Sobel, Jake Shreier, Gandja Monteiro, etc.), on note de temps à autre quelques coups de mous au niveau du rythme, voire même quelques répétitions dont on aurait pu se passer, mais qui n’entament en rien la qualité globale de l’œuvre. Du côté des codes du body horror, la réalisation ose véritablement, sans pour autant que sa violence graphique soit rédhibitoire pour les âmes les plus sensibles. Un équilibre qui permet à Brand New Cherry Flavor de ne pas mettre sur le côté celles et ceux qui ne seraient pas déjà acquis au genre. Chaque épisode fourmille de bonnes idées de filmage (flous artistiques, mise en abyme, parallèles ingénieux, références maitrisées, etc.) qui évitent toute monotonie d’un point de vue artistique. En adaptant le roman de Todd Grimson et en donnant carte blanche à des réalisateurs talentueux, les showrunners Nick Antosca et Lenore Zion – qui avaient déjà collaboré sur l’anthologie horrifique Channel Zero (2016-2018) – ont donc tapé dans le mille.

Dans un couloir d'immeuble de nuit, baigné dans une lumière jaune, un homme avance une machette à la main dans la mini-sérié Brand New Cherry Flavor.

© SERGEI BACHLAKOV/NETFLIX

On ne va pas se mentir, même si l’intrigue est pas mal et que l’esthétique est léchée, ce sont surtout les performances phénoménales des acteurs qui nous motivent à poursuivre le visionnage tout du long. À contrepied total de son personnage presque angélique dans Alita : Battle Angel (Robert Rodriguez, 2019), Rosa Salazar crève l’écran dans le rôle de la jeune réalisatrice prête à tout pour récupérer son dû, et peut-être même plus… Le talent de Catherine Keener n’est quant à lui plus à prouver mais continue de fasciner avec ici ce rôle de sorcière destructrice non sans rappeler certaines facettes de son personnage psychologue/psychopathe de Get Out (Jordan Peele, 2017). Eric Lange est lui aussi impeccable dans son interprétation du porc de service, et on a plaisir à retrouver Manny Jacinto – plus connu pour sa performance d’idiot du village dans The Good Place (2016-2020) – dans un autre registre. Si le sujet des jeunes femmes prêtes à tout pour percer à Hollywood n’est pas nouveau, Brand New Cherry Flavor re-dynamise cette trame éculée pour l’amener dans un terrain complètement chaotique mais néanmoins jouissif à explorer. Dans la même veine, on recommande aussi le long-métrage Starry Eyes (Kevin Kölsch, Denis Widmyer, 2014) toujours disponible sur Shadowz qui se montre encore plus convaincant.


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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