Présenté conjointement à L’Etrange Festival de Paris et au Festival du Film Fantastique de Strasbourg, focus sur Bliss (Joe Begos, 2019) véritable trip visuel qui nous choppe à la tête et aux tripes avec sa descente cocaïnée filmée en 16 mm au cœur d’un Los Angeles nocturne.
Bad Trip Advisor
On le sait, nombre d’artistes aussi anciens que contemporains ont eu recours aux merveilles de la drogue et autres spiritueux pour trouver l’inspiration et créer ce qu’ils espéraient être leur masterpiece. Dezzy, héroïne et artiste peintre portée par l’incroyable Dora Madison Burge, n’échappe pas à la tradition dans ce qui se révélera finalement être un bad trip des plus mémorables. Alcoolique et camée sans filtre, tout dérape lors d’une soirée avec son amie Courtney qui entrainera la première session d’une longue série nocturne qui libérera aussi bien sa créativité que sa soif de sang. Au vu du résultat final, on serait légitime de se demander si Joe Begos n’a pas lui-même pris un peu de sa « diablo », drogue fantasmée et mortelle dont Dezzy deviendra accro en quelques rails.
Si l’envolée artistique de la jeune femme se transforme rapidement en une série de black-outs sanglants, on ne peut que retenir la déclaration d’amour de son réalisateur pour toutes les références qui constituent Bliss. Avec en plus le pari audacieux de réaliser un tel objet en 16 mm, donnant ainsi l’impression d’un véritable bad trip esthétique, Begos pioche aussi bien du côté de Gaspard Noé que de Nicolas Winding Refn en passant par l’américain Abel Ferrara. Impossible également de ne pas penser au Grave de Julia Ducournau à la vue de certaines scènes crues, et ainsi Begos créée un véritable objet cinématographique à l’identité aussi indéfinie que multi-parentale à travers une galerie visuelle marquante, léchée et genrée. Mais ce métrage ultra référencé se suffit-il à lui-même tant sur le fond que la forme ? Oui et non, mais on en ressortira avec l’impression d’avoir assisté à une véritable violence cinématographique qui ne peut pas laisser indifférent. En cours de route, Begos fait le choix de réinventer la figure du vampire sous drogue, laissé en second plan au dépit de l’aspect plus trippant qui plombe un peu le métrage et provoque malgré lui des longueurs qui sont prétexte à des séquences de trips hallucinogènes. On finit par presque oublier le seul élément fantastique de ce récit qui n’en devient pas central, mais fait figure de rappel lors d’un dénouement pour le moins sanglant.
Bliss ne plaira pas à tout le monde, en agressera plus d’un avec sa soundtrack techno et ses bad trips expérimentaux, mais on ne peut pas reprocher à Begos d’avoir voulu livrer un travail soigné, aussi osé et original tout en jouant avec les références.