Tobe or not to be 8


Troisième des célèbres papys du cinéma de genre qui nous quittent après Wes Craven et George A. Romero, Tobe Hooper a une place particulière dans notre cœur sensible…Ça valait bien un hommage aussi ému que subjectif à l’auteur éternel de Massacre à la tronçonneuse.

Tobe or not to be

La litanie commence déjà à se répéter : un réflexe de survie (c’est con, quand on parle d’un mort), une volonté de bien tout remettre à sa place et de NE PAS TROP regarder en face la vérité des choses alors qu’elle n’est pas si dégueulasse que ça. Parmi les amateurs de cinéma de genre, tel qu’on y a eu le droit pour le décès de George A. Romero, l’épitaphe « Tobe Hooper, ce n’etait pas que… » se grave un peu partout, notamment dans le livre que nous vous avions chroniqué  : Les territoires interdits de Tobe Hooper. C’est vrai que le bonhomme a certainement filmé des choses intéressantes qui ne sont pas son chef-d’œuvre, à l’image de Massacres dans le train fantôme (1981) ou Poltergeist (1982). En soi, je ne dis pas le contraire…Je dis juste que je m’en fous et pour cause : de la filmographie de Tobe Hooper je n’ai vu que Massacre à la tronçonneuse (1974) et Massacre à la tronçonneuse 2 (1986). Il aurait pu en faire 175 autres, que je regarderais tous, je n’en démordrais pas comme d’un instinct grégaire : Hooper est l’homme d’un seul film.

Parce que merde en fait, est-ce si terrible d’avoir accouché de la Joconde horrifique de la seconde moitié du XXème siècle ? Combien d’artistes échangeraient leur CV blindé mais anecdotique, ou tout juste très bon, voire excellent, contre une seule comète qui donne un ticket dans les bouquins d’histoire du cinéma ? Oui Massacre à la tronçonneuse éclipse une carrière, mais ce premier choc n’éclaire-t-il pas aussi une filmographie qu’on aurait suivie avec moins d’intérêt si elle n’était pas celle de Monsieur Leatherface ? La question ne se règle pas car elle est uniquement paradoxale. C’est à celui qui se la pose d’y répondre par un choix, en l’occurrence j’ai fait le mien, ou plutôt il s’est imposé à moi.

Le rapport au cinéma de genre est personnel et sentimental…Je ne pense pas être le seul à s’imaginer plus ému de rencontrer John Carpenter que Woody Allen ou Martin Scorsese. J’ai fait la queue pour une dédicace une seule fois dans ma vie, près de deux ou trois heures en septembre 2014, et c’était pour Tobe Hooper. Derrière la réputation de son unique chef-d’œuvre n’est pas la problématique du « succès qui cache une filmographie », c’est que Hooper a signé un film tout simplement trop gros pour lui, comme il aurait été trop gros pour la plupart des réalisateurs… Parce que si Massacre à la tronçonneuse est un chef-d’œuvre, ce n’est même pas un chef-d’œuvre « normal », c’est une de ses rares œuvres qui font littéralement naître des vocations, et c’est pour ça qu’il est à cette place si particulière et dure à porter pour Hooper lui-même. C’est pour ça qu’il est tant cité par les artistes depuis, par les spectateurs, par les critiques : The Texas Chainsaw Massacre n’est pas seulement un film, c’est une porte d’entrée pour le cinéma. C’est la révélation d’une cinéphilie ou d’une envie d’en faire son métier. Je me souviens l’avoir vu seul après l’avoir emprunté au vidéo-club (non c’était pas en 1986, j’ai pas 65 ans merci), à mes 14 ans, et m’être dit «  Si le cinéma est capable de faire ça, alors je veux faire du cinéma ». Y en a d’autres qui m’ont donné envie, des moins ensoleillés et des moins violents, mais Tobe Hooper depuis ce jour il reste là. Alors, est-ce qu’on va plaindre l’ami Tobe, vraiment, lui qui a réussi à être le Papa de cœur de plusieurs générations…Quelle poignée de cinéastes peut se vanter de transmettre le cinéma comme une fièvre, et donner du sens à une vie ?


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

12 − 4 =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

8 commentaires sur “Tobe or not to be