Eli Roth ne se contentant pas de sortir un seul film à la fois (so 2015), The Green Inferno succède à quelques semaines près à un Knock Knock qui n’a pas fait l’unanimité, et encore moins dans nos pages. Souhaitons-nous « Bon appétit » à son film de cannibales ?
Anti-vegan
N’ayant pas eu l’opportunité de me rendre à l’avant-première au Grand Rex dévoilant pour une séance unique The Green Inferno sur grand écran, j’ai dû découvrir comme une immense majorité d’individus le film sur son support moderne, le e-cinema. En d’autres termes, vous payez pour une séance, en ligne, sur votre ordinateur. Évidemment signe des temps, source de recettes supplémentaires, et pourquoi pas plus grande facilité d’accès à la distribution pour de futurs cinéastes, le jeune vieux que je suis ne peut pas s’empêcher de regretter de découvrir un long-métrage du type sur un 15 pouces, surtout quand il se présente comme le digne héritier du film de cannibales rital des années 70-80, genre on ne peut plus graphique. Heureusement, serais-je tenté de dire, que le film ne tient pas assez ses promesses.
Étudiante idéaliste et fille d’un fonctionnaire de l’ONU, Justine s’embarque dans une association tiers-mondiste de sa faculté. Le prochain projet ? Aller s’enchaîner à des arbres pour empêcher la déforestation (et le déplacement de population qui va avec) d’une zone d’Amérique du Sud. Tout se passe pas comme sur des roulettes évidemment, et sur le chemin du retour leur avion se crashe en pleine pampa. Ils ne tombent guère sur un endroit idyllique genre « L’île de la tentation », avec femmes offertes et festin tous frais payés par la prod, mais sur une tribu de cannibales…Festin tous frais payés quand même finalement, sauf que c’est eux le repas. Nous suivons alors les jours de captivité des jeunes survivants à l’accident d’avion, enfermés dans une cage au beau milieu du village anthropophage, et réduits à voir plusieurs d’entre eux servir de casse-croûte cérémonial. Sur ce point, Roth remplit le contrat. Les scènes gores le sont réellement, et vraiment susceptibles de secouer les estomacs fragiles pour notre plus grand plaisir chelou. Quand en plus, Eli nous gratifie de succulents détails d’humour noir (cette séquence naturaliste où l’un des autochtones passe le pinceau sur une chair grésillante, sans musique, sans théâtralité ni violence, comme le ferait Madame Douriot, ma voisine du cinquième, avec son rôti de veau), il signe tout simplement les meilleurs séquences de son film. Car pour le reste, The Green Inferno est une vraie déception.
Souffrant de facilités d’écriture (les étudiants s’enfuient deux fois de leur cage soit-disant surveillée, presque comme si de rien n’était) d’un problème de rythme, et d’une énorme pruderie (on voit à peine un bout de nichon les gars, un scandale pour quiconque affectionne les films de cannibales), The Green Inferno manque de cette tension, de cette nervosité, de cette crasse qui caractérisaient les productions irrespectables dont il dit s’être imprégné à l’image de l’immense Cannibal Holocaust (1980, Ruggero Deodato). Le film malgré son contenu parvient à paraître fade, et ça n’est pas étranger à la façon dont son discours est transmis. Charge contre l’impérialisme des ONG, la notion de sauveur du monde qui domine le discours américain et occidental (cf crise des migrants), Roth tape là où ça fait mal, en cassant le cou de ceux qui pensent faire le bien en allant défendre des causes qui au final se retournent contre eux, de surcroît en ayant aucune conscience des véritables enjeux de cette lutte (le vrai altruisme n’existe pas). Hélas il le fait avec une grossièreté dommageable : si vous ne comprenez pas son point de vue n’ayez pas peur, un de ses personnages ou un gros plan insistant va vous le résumer à un moment ou à un autre jusqu’au point d’orgue, la confession-mensonge finale de Justine rescapée…Ou comment sacrifier la logique psychologique et la crédibilité de son héroïne sur l’autel d’un message anti-quelque chose.
Sur le papier qui de mieux pourtant (avec Rob Zombie peut-être) qu’Eli Roth pour livrer l’hommage nécessaire à un genre honni par la grande histoire du cinéma ? Quel dommage que le cinéaste n’ait pas, déjà, mis de côté une éthique cinématographie que ses prédécesseurs n’ont pas eue (en même temps à filmer sa propre gonzesse, je peux concevoir qu’il ne lui ai pas écrit de scène de viol avec un crocodile nain), puis ensuite conçu un scénario plus subtil, avec non moins d’idées mais moins assommantes pour le spectateur, exprimées plus finement, ou au moins, à demi-mots, par la métaphore. Tu sais le faire, Eli, regarde Hostel dont The Green Inferno n’est qu’une variation, finalement. Allez, j’attends de pied ferme ton prochain crachat à la gueule de la bien-pensance occidentale.
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