Plus qu’un simple court-métrage, Captain EO est avant tout un film culte. Un petit graal que tout cinéphile qui se respecte se doit d’avoir vu en salles au moins une fois dans sa vie. Et pour cela, il n’existe qu’une seule solution: se rendre dans l’un des quatre parcs Disneyland à travers le monde, qui rejouent le film depuis 2010, en hommage à Michael Jackson, star du film. Ne m’en voulez pas si je fais partie de ces cinéphiles intrépides et chanceux.
Nous sommes là, pour changer le monde.
En 1986, la Walt Disney Company a pour ambition de réaliser pour son parc d’attraction américain une nouvelle expérience audiovisuelle révolutionnaire: un film en 4D. Néanmoins, prétendre que Captain EO serait le premier film en 4D serait une énorme erreur, plus encore une injure, à la mémoire du réalisateur et producteur William Castle qui s’employa toute sa vie à agrémenter les séances de ses films de séries Z d’effets plus ou moins réussis, et ce pour améliorer l’immersion du spectateur. On s’accordera toutefois sur le fait qu’avec l’attraction Captain EO, la Walt Disney Company parvint à transformer les bricolages dudit William Castle en une nouvelle façon de concevoir l’expérience de la salle de cinéma.
Pour la réalisation de ce film événement, les parcs Disneyland déployèrent la somme colossale de 30 millions de dollars – et ce, seulement pour dix sept petites minutes, ce qui fait de Captain EO, encore aujourd’hui, l’un des films les plus chers jamais produits “selon la base du prix à la minute” – et parvinrent à réunir le top of the pops de l’industrie culturelle et populaire du moment. Car oui, Captain EO c’est avant tout la rencontre historique des meilleurs artistes des années ’80. L’écriture du film, sa production et son esthétique sont confiés à George Lucas. Le papa de Star Wars travaille en étroite collaboration avec les Imagineers des parcs Disney pour concevoir l’univers de space opera de Captain EO – un univers qui n’est par ailleurs pas étranger à celui de la célèbre saga de La Guerre des Etoiles (1977). La réalisation est quant à elle confiée à Francis Ford Coppola, qui, avant ses deux Palmes d’or à Cannes, avait déjà oeuvré dans le film musical avec La Vallée du Bonheur (1968) et Coup de cœur (1982). Ce duo, inédit, ne se prive pas pour s’entourer par ailleurs des meilleurs techniciens d’Hollywood. La photographie est signée Vittorio Storaro, l’un des plus grands directeur de la photographie européen, habitué du cinéma de Coppola et grand collaborateur de Bertolucci. Les maquillages et créatures sont quant à eux réalisés par une pointure du milieu en la personne de Rick Baker, l’homme derrière le King Kong de John Guillermin (1976), les loups garous de Hurlements (Joe Dante, 1981), ou plus récemment le bestiaire alien de Men in Black (Barry Sonnenfeld, 1997) associé aux meilleurs techniciens de ILM et LucasFilms. Mais Captain EO ne serait rien sans son univers musical, et de ce côté là aussi, la Walt Disney Company et George Lucas vont réunir le gratin, associant les talents du compositeur multi-oscarisé James Horner, du chorégraphe Jeffrey Hornaday (Flash Dance, 1983) et du Roi de la Pop en personne: Michael Jackson. En pleine ascension, quelques mois seulement avant la sortie de l’album Bad (1987), le chanteur collabore à l’élaboration du film, y amenant son style si particulier dans les chorégraphies, et en écrivant les deux chansons du film (We Are Here To Change The World et Another Part of Me)
Le film raconte l’histoire de Captain EO (Michael Jackson) et l’équipage de son vaisseau spatial en mission pour offrir un cadeau à une méchante reine extraterrestre appelée la Supreme Leader (Anjelica Huston). Dès lors, il apparaît très clair que nous sommes là dans un space-opera,mais à la différence de Star Wars, le terme “opera” prend ici toute sa consistance puisque le film est aussi une comédie musicale. Il faut dire que le pouvoir de Captain EO réside dans sa capacité à transformer le plus sombre du monde en vague d’espoir et de bonheur, par la force de la musique, usant des rayons musicaux qu’il projette du bout des doigts pour changer le triste et sombre monde autour de lui. L’univers visuel rappel éminemment la saga de George Lucas, si bien que Captain EO pourrait tout à fait en être un spin-off. Les charmantes créatures extraterrestres qui accompagnent Michael Jackson dans son périple ne feraient absolument pas tâche dans la foule de la planète Coruscant. De même, on retrouve quelques clins d’œil évidents: C-3PO, le droïde si célèbre de la Guerre des Etoiles trouve ici quelques nouveaux cousins et certaines scènes telles que le combat spatial dans les travées de la ville, rappellent tout à fait les courses-poursuites effrénées et visionnaires de L’Empire contre-attaque (1980).
Si le film est désormais visible très facilement sur internet, il faut admettre que sa vision en salles, dans son format original de présentation, confère un plaisir tout bonnement démultiplié. Lunettes 3D vintage bien fixées sur le nez, on assiste à un véritable spectacle technologique, qui a certes beaucoup vieilli, mais qui donne au film une dimension épique et ludique particulièrement réjouissante. Montée sur des énormes verrins hydrauliques, les sièges bougent, sursautent, vrombissent, aux rythmes des pas des danseurs et des sauts de Michael Jackson. Le spectateur est happé par le rythme, la musique l’englobe et la quatrième dimension opère avec brio. La magie tient aussi des multiples jeux de lumières qui accompagnent les scènes avec une synchronisation parfaite. Pour exemple, lorsque Captain EO apparaît à l’écran, la salle s’illumine, comme éblouit par son aura. L’expérience est totale, étonnante et particulièrement jouissive.
Relancé dans les parcs Disneyland en 2010, après la mort de Michael Jackson, le film ne devrait plus rester très longtemps à l’affiche, puisque si l’on en croit les rumeurs il devrait très vite être remplacé par un film sur la saga Tron ou sur l’univers Star Wars. Malgré tout, après une longue interruption de plus de six mois, Captain EO est de retour à Disneyland Paris depuis le 1er Octobre 2012, mais pour les cinéphiles qui n’ont toujours pas eu la chance de découvrir le film en salles, l’interrogation demeure: pour combien de temps encore?
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