Le fils de Frankenstein


On continue sur la lancée Frankenstein avec un autre rejeton de la collection Cinema Monster Club née chez Elephant Films. Pas des moindres, puisqu’il s’agit de l’édition DVD du Fils de Frankenstein, troisième volet de la trilogie familiale du Monstre mythique.

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Histoires de famille

Au risque de gonfler mon lectorat, s’il y a des classiques c’est qu’il y a une raison. Pensez-y, la prochaine fois que vous ferez les gros yeux en observant votre pote pétri(e) d’admiration devant Pickpocket (Robert Bresson, 1959) Le septième sceau (Ingmar Bergman, 1957), ou L’enfance d’Ivan (Andreï Tarkovski, 1962) : si ces films, si ces metteurs en scène sont là, c’est, qu’on aime ou pas, qu’il faut les voir, qu’il y a quelque chose d’important…La postérité n’est pas si pute qu’on aime à le dire. Ainsi, je n’ai aucun scrupule à rappeler que le Frankenstein de James Whale (1931) est un des plus beaux films fantastiques jamais réalisés, par son approche à la fois humaine et sombre, raffinée et frontale, naturaliste et expressionniste. Sa suite, La fiancée de Frankenstein (1935) est un cran en dessous (rythme précipité, scénario manquant de finesse et parfois brouillon…), mais bénéficie de l’inventivité d’un cinéaste, Jamesson-of-frankenstein Whale, qui séduit rien que par sa gestion des raccords dans l’axe…C’est dire. Confiée à Rowland V. Lee, Le fils de Frankenstein, deuxième suite, ne voit elle le jour qu’en 1939, juste avant….La naissance de votre Papi René, bien vu. Elle est encore en dessous des deux autres, mais nous allons y attarder quand même.

Plusieurs années après les événements de La fiancée de Frankenstein et la destruction du laboratoire dans laquelle le Monstre a été enseveli, le fils du Docteur Frankenstein, le Baron Wolf Von Frankenstein, revient tranquillou dans le manoir familial avec sa femme et son petit blondinet de chiard. Les villageois, qui n’ont pas trop oublié les méfaits du Monstre, accueillent ce dernier avec animosité et une méfiance qui les poussent à l’exclusion. C’est l’occasion que saisit Igor (un bossu qu’on qualifierait aujourd’hui de « marginal ») pour révéler à Wolf que la création de son père n’est pas morte…Le fils du Docteur Frankenstein va alors s’empresser de continuer les expériences menées par son papa, au détriment des villageois et du Monstre lui-même, manipulé en fait par le sombre esprit de vengeance d’Igor…Ceux qui ont vu les deux volets initiaux remarqueront déjà que ce synopsis est (un chouïa) plus épais que ses prédécesseurs. Ça peut être considéré comme une qualité pour ceux qui trouvent les films de James Whale (surtout sof278le premier) trop secs dans leur narration, Le fils de Frankenstein convoquant plusieurs éléments étoffant son scénario, mêlant entre autres le fantastique à une touche de film noir (l’espionnage faussement courtois de l’inspecteur Krogh). Hélas, l’intrigue tissée éloigne de ce qui fait le principal, et de ce qu’on est en droit d’attendre : le Monstre.

Rien que l’idée de placer le Monstre sous l’influence néfaste d’Igor, lui dénuant toute capacité de discernement, en fait un personnage plat, qui n’intéresse pas le spectateur. Là où dans ses préquelles, il était tour à tour personnage majeur, allégorie ou catalyseur de thématiques fortes (Promethée moderne et horrifique dans Frankenstein, figure christique dans La Fiancée de Frankenstein) il n’est dans le troisième volet qu’un élément narratif. Le Baron et son rapport à son père, à l’inspecteur, à sa famille, et aux villageois et à Igor prennent toute la place, ce qui ne fait pas non plus du Fils de Frankenstein un mauvais film, au contraire, c’est une honnête série B. Mais il ne dégage pas grande tendresse ni attrait pour une créature dont la fin sera d’ailleurs expédiée et révélatrice du traitement général du personnage. Si encore, il faisait peur, comme un monstre mythique se doit de le faire et 81ZbGGeRrvL._SY500_comme il le faisait sous la caméra de James Whale en 31, ça compenserait…Même pas, les scènes de tension ne fonctionnant pas vraiment malgré le savoir-faire de Rowland V. Lee. Un savoir-faire à la beauté plastique indéniable pour certains plans larges isolant étrangement la famille Frankenstein au sein d’un manoir qui n’a jamais été aussi expressionniste.

Comme le reste de la collection, le DVD bénéficie en bonus d’une bande-annonce et surtout de deux présentations de Jean-Pierre Dionnet, l’une sur le film à proprement parler et la série des Frankenstein, l’autre sur la genèse littéraire du personnage, mais toutes les deux intéressantes, bien qu’assez peu objectives (et c’est peut-être ça qu’on aime, en fait). L’image du disque rend justice à ce que l’oeuvre a de meilleur, une photographie aux contrastes profonds et un cadrage et une composition de l’image, comme dit plutôt, saisissants sur certaines séquences. Par contre, comme sur la précédente édition Blu-Ray de La fiancée de Frankenstein (Zone A), il est nécessaire de bannir la VF, sous peine de faire fondre vos tympans. De toute manière, tous les films sont meilleurs en VO.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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