Quand le slasher à la Scream (Wes Craven, 1996) rencontre Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985), cela donne Time Cut (Hannah MacPherson, 2024) ; le film d’horreur le plus débilos de l’année – et il n’est même pas produit par Jason Blum. À découvrir de toute sans trop d’urgence sur Netflix pour une soirée arrosée entre potes…
La machine à perdre son temps
Une jeune femme voyage dans le temps afin de stopper les sombres desseins d’un tueur masqué façon Playmobil : non vous n’êtes pas en train de lire la critique de Totally Killer (Nahnatchka Khan, 2023) que nous avions signé il y a un an tout juste, mais celle de Time Cut qui reprend son concept en intégralité. La seule différence ? La plateforme sur laquelle vous regarderez la chose puisque le premier était produit et distribué par Amazon Prime et le second l’est via Netflix. Après tout, la formule synthétise deux topos du cinéma que nous chérissons tant : les tueurs et les voyages dans le temps. Pour ceux ayant grandi dans les années 2000 alors là c’est le jackpot. Jugez-plutôt : en 2003, une série de meurtres s’abat sur une petite ville américaine typique et c’est au tour de Summer de passer à la moulinette. Vingt-et-un ans plus tard, Lucy, sa petite sœur qui ne l’a pas connue, est à son tour au collège et se sent invisible aux yeux de ses parents vivants dans le passé et le deuil de leur première fille. C’est pendant un recueillement familial que Lucy tombe sur une machine à voyager dans le temps, qui traînait dans une grange. Elle est propulsée en 2003, quelques jours avant l’assassinat de sa sœur…
Vendu comme un slasher, de son titre à son affiche évocatrice, il faut d’emblée se rendre à l’évidence que ce n’est pas devant Time Cut que nous serons amenés à ne serait-ce que frémir. Les séquences de meurtres ou de poursuites sont filmées avec un tel manque de savoir-faire qu’il faut avoir un sens suffisamment aiguisé de la projection pour arriver à se figurer ce qui se passe à l’écran. Ne soyons pas de mauvaise foi, il est évident que le film de Hannah MacPherson est tourné vers les plus jeunes et se veut être une porte d’entrée vers le genre. Preuve en est, les mises à mort sont toutes filmées hors champ. Au fond, seuls deux aspects du slasher sont à la fête : le masque et la mystérieuse identité du tueur. Le masque est totalement raté – c’est encore une fois quasi le même que dans Totally Killer, mais en châtain – et le whodunnit fonctionne plutôt bien compte tenu de ce que l’on a se mettre sous la dent. Non, pour l’horreur, on repassera et ce ne sont pas les clins d’œil très appuyés à tout un pan de notre cinéphilie déviante qui sauront rattraper l’affaire – on pense notamment à une reprise de la scène de la grange du pas très bon Halloween 5 : La Revanche de Michael Myers (Dominique Othenin-Girard, 1989) que l’on serait prêts à pardonner grâce à Time Cut.
L’autre argument marketing, c’est bien entendu le voyage dans le temps amenant notre héroïne dans les années 2000. Là encore rien de bien réjouissant puisque le concept et la machine arrivent comme un cheveu sur la soupe et ne sont absolument pas incorporés correctement au récit. Le prétexte ayant poussé les auteurs à revisiter cette époque est minime, et le mot est faible. Après le regain d’intérêt autour des années 80 voici celui des années 90, ça y est, nous y sommes, la décennie du Bigdil et de Lorie est devenue vintage et la réalisatrice met les bouchées doubles pour nous y replonger. Sans subtilité aucune. Un CD gravé ou un poster des stars de l’époque comme seuls accessoires pour y croire, des vêtements sur-colorés comme marqueurs d’une mode – dont votre serviteur ne se souvient pas, ou se persuade d’avoir oublié – ou des tubes d’Hilary Duff ou Fat Joe pour faire tenter d’y croire un peu. C’est bien maigre. Alors on se raccroche, là aussi, aux « gags » de situations autour des méconnaissances des uns et des autres ou aux répliques anachroniques qui ne font jamais mouche. En fait, on ne ressent jamais la nostalgie dans laquelle essayent de nous immerger les auteurs de la chose. Donc il est vrai que sur les deux promesses faites par Time Cut, on n’est pas très loin du zéro pointé…
Ce n’est pas la réalisation plate et sans saveur qui relèvera quoique ce soit de l’ensemble. On sent bien que MacPherson essaye pourtant de nous dire quelque chose autour des thèmes de la famille et de l’acceptation du deuil, cependant il eut fallu plus d’habileté ou de talent pour réussir à faire naître un début d’émotion. Pourtant le miroir entre les deux sœurs était un outil idéal pour insuffler de l’humanité dans ce monde de brutes à travers les époques. Hélas le manque d’idées de mise en scène et les approximations visuelles ont raison de toutes les bonnes intentions de la réalisatrice. Si les voyages dans le temps ont toujours drainé leur lot de paradoxes temporels de toute sorte, on ne parle pas du final où les lois du genre sont complètement annihilées par un je-m’en-foutisme qui frise l’insolence. Quant au jeu des comédien.nes, seule Madison Bailey arrive à tirer son épingle du jeu – et comme elle porte l’histoire et le film, ce n’est pas une mauvaise chose ! – tant le reste du casting est au mieux insignifiant, au pire affligeant de médiocrité. En somme, tout le monde est au diapason d’un niveau pas bien élevé… Beaucoup de questions restent lettres mortes à la fin du visionnage – quelle est cette entreprise qui semble liée à la machine à voyager dans le temps ? – et, après réflexion d’une demie seconde, pas sûr qu’on ait envie d’en connaître les réponses via une suite pas franchement nécessaire…