Faute de sortie en salles, Le Seul et Unique Ivan (Thea Sharrock, 2020) a débarqué il y a quelques temps en catimini, directement sur Disney +. S’il se montre déterminé à émouvoir les petits comme les plus grands avec l’histoire d’un gorille qui réclame sa liberté, on vous dit si ce drame animalier mérite ou non le coup d’œil.
Gare au Gorille
La pandémie n’épargne personne et certainement pas le géant Disney qui se voit contraint de repousser un à un tous les films de ses multiples franchises ou de les sortir sur sa plateforme de streaming Disney +. Tel a été le cas pour Mulan (Niki Caro, 2020) qui a créé la polémique auprès des exploitants français du fait de sa non-sortie en salles, sans parler des frais supplémentaires à débourser pour les spectateurs américains pourtant abonnés à la plateforme. Très récemment, nous apprenions qu’il en serait de même pour le prochain Pixar, le très attendu Soul (Pete Docter, 2020) qui devrait être disponible en France pour Noël directement sur la plateforme. Le Seul et Unique Ivan n’y a pas échappé non plus. Moins attendu que les autres œuvres citées ci-dessus, l’objet a fait une sortie discrète sur Disney + courant septembre, mais mérite néanmoins d’être vu. Au premier abord, on pourrait se dire qu’enfin Disney se décide à sortir autre chose qu’un énième remake en live action. On vous arrête tout de suite, ce nouveau métrage ne diffère en rien d’un Disney classique avec ses animaux mignons qui parlent, ses situations potaches et son scénario simplifié, d’autant plus que l’univers du cirque et la présence d’un bébé éléphant ont tendance à rappeler l’histoire de Dumbo. Mais c’est ici l’histoire du gorille Ivan qui est mise en scène, une “histoire vraie” adaptée du roman primé de Katherine Alice Applegate – d’habitude très prolifique en littérature fantastique pour adolescents – paru en 2012. Sauvé des braconniers par un homme aimant mais qui voit en la possession de l’animal un profit certain, Ivan passe une bonne partie de sa vie comme bête de cirque dans un centre commercial. Dompté à jouer le gorille en colère qui se frappe la poitrine, Ivan est en réalité un être sensible qui accepte son triste sort jusqu’à ce que l’arrivée d’une jeune éléphante déclenche en lui une insatiable soif de liberté.
Pour donner vie à ce récit touchant, Disney a mis les petits plats dans les grands avec un florilège d’acteurs qui prêtent leur voix aux animaux du cirque, avec en premier lieu Sam Rockwell pour Ivan – notamment récompensé pour son second rôle dans Three Billboards : les panneaux de la vengeance (Martin McDonagh, 2017) – Angelina Jolie, également productrice du film, pour l’éléphante matriarche Stella, Danny DeVito pour Bob le chien ou Helen Mirren pour la caniche Snickers. Tout ce beau monde se réunit autour de la prestation de Bryan Cranston – monsieur Breaking Bad en personne (2008-2013) – dans le rôle du patron du cirque. Réalisé par Thea Sharrock, à qui on doit la rom-com riche en émotions Avant toi (2014), le film ne donne pas dans l’originalité mais oscille habilement entre deux tons : celui plus superficiel qui donne dans l’humour parfois potache pour attendrir les plus petits et celui plus sombre car plus réaliste qui propose une réflexion sur le cirque et la condition des animaux qui y sont exploités. Si cette réflexion tarde à émerger, la faute à un rythme inégal qui propose une introduction très longue afin qu’on s’attache aux personnages – et ça marche – ainsi qu’une conclusion quelque peu bâclée, l’arrivée du bébé éléphant Ruby et les dizaines de questions qu’elle va poser à Ivan pour apprendre à le connaitre vont faire naître en lui une envie irrépressible de retrouver la nature, de renouer des liens avec d’autres gorilles, d’avoir une famille qui lui ressemble et avec laquelle il pourra être lui-même sans devoir jouer au gros dur qu’il n’est pas.
Cette introspection certes fictive – qui sait ce que le vrai Ivan avait réellement en tête ? – pourra tout de même émouvoir les spectateurs de tout âge et rejoindre un thème d’actualité qui divise, l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques. Un texte de loi devrait prochainement mettre fin au niveau national à de telles pratiques considérées comme de la maltraitance animale. Bien que le scénario du Seul et Unique Ivan n’entre jamais en profondeur dans le sujet de l’exploitation, certainement par égard envers son plus jeune public, les notions de captivité et de liberté y sont notamment abordées par le prisme des dessins que le gorille exécute, des dessins de la jungle où il est né et où il aimerait retourner. Les plus ambitieux resteront sur leur faim : Ivan est éventuellement transféré dans un large espace naturel au zoo d’Atlanta, donc pas si libre qu’il n’y paraît, mais c’est déjà mieux que de faire le pitre dans un cirque. Malgré une intrigue très simpliste qui rappelle que le long-métrage est avant tout destiné aux enfants, Le Seul et Unique Ivan se laisse apprécier de bout en bout, et ce grâce également à l’excellent travail d’animation des animaux qui passeraient aisément pour des vrais – une technique qui rappelle celle du Roi Lion (Jon Favreau, 2019). On est bien loin du classique Gorilles dans la brume (Michael Apted, 1988), mais à sa façon le film fait la part belle au plus respecté des primates.