3 From Hell


Projet improbable quand on se souvient de la fin du précédent opus, 3 From Hell, le nouveau film de Rob Zombie, était pourtant très attendu en tant que suite de deux des meilleurs ouvrages de son auteur, La Maison des 1000 morts et The Devil’s Rejects. Improbable, le long-métrage l’est bien, mais pas forcément pour le mieux…

Bill Moseley, Sheri Moon Zombie et Sid Haig posent arme à la main, en tenue de hippies destroy, face à une vielle église abandonnée, derrière eux une colline verte mais sèche, plan du film 3 from Hell.

                                       © STUDIOCANAL GmbH

Le Rebut de la trilogie

Un viel homme barbu aux longs cheveux gris est arrêté par un trois policiers en pleine rue dans le film 3 from Hell.

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Le meilleur film de Rob Zombie, The Devil’s Rejects (2005), s’achevait par un carnage inouï qui ne laissait que peu de place à l’idée d’une suite. Cette idée n’est presque acceptable que par le fait de faire une trilogie de cette histoire – entamée par La Maison des 1000 morts – et retrouver ces personnages attachants dans leur monstruosité. Il faut dire que nous les avons aimés ces monstres sanguinaires et dégénérés, semblant tout droit sortis des limbes du cinéma disparu de Tobe Hooper. Malheureusement, rien que là, quelque chose cloche dans l’entreprise. Parmi de multiples embuches de production, on sait que Rob Zombie a dû faire sans son génial interprète Sid Haig, déjà gravement malade et décédé quelques jours avant la sortie du film aux États-Unis. Cette absence se fait cruellement sentir dès le début d’un scénario plus bancal où, après une blague très faible pour justifier la survie de nos anti-héros au carnage du précédent opus, l’auteur fait exécuter à mort le personnage de Haig après une courte scène sans grand intérêt. Au lieu de tirer de cette absence un soupçon de mélancolie dans cet univers outrancier – si ce n’est dans quelques et heureuses séquences malheureusement trop isolées – Zombie décide de se reposer sur des schémas préétablis de sa filmographie, des figures beaucoup trop connues, une vulgarité nerd qui fait rarement mouche. C’était pourtant peut-être le seul intérêt qu’on prouvait trouver à cette suite improbable – regarder les corps vieillis, plus poisseux que jamais, embarqués de nouveau dans une virée infernale et brutale. Au lieu de cela, Zombie filme les mêmes massacres, les mêmes vannes gores sans intérêt, avec un désinvestissement qui laisse souvent pantois.

Le cinéaste avait pourtant montré plus d’une fois qu’il était capable de renouveler le cinéma de genre, et même de surprendre avec des figures très connues et archi-rebattues de sa mythologie – en particulier dans ses Halloween jubilatoires et profonds. Il était probablement le seul à réinvestir cette puissance subversive du cinéma de genres des années soixante-dix – le plus brutal et le plus lyrique, celui des premiers films de Wes Craven et surtout de des territoires interdits de Tobe Hooper – avec une mise en scène qui n’hésitait jamais à faire valser son spectateur du grotesque monstrueux à une explosion de violence qui hésitait constamment entre le délire régressif et la poésie aussi macabre que cathartique. Dans ce pâle 3 From Hell, tout cela ne semble réduit qu’à de la gaudriole hystérique épuisante, qui ne se renouvelle jamais, fait constamment du surplace – après une interminable première partie autour de la prison, le métrage s’enferme de nouveau Blu-Ray du film 3 from Hell édité par Metropolitan Films.dans une maison pour un jeu de massacre assez pathétique, avant de continuer sur un jeu de traque tout aussi attendu et ennuyeux. Il y a évidemment, ici et là, quelques idées cruelles qui font sourire, et toujours des trognes impayables qui évoquent son talent passé, mais l’ensemble sent très fort le réchauffé et accumule les blagues vaseuses, les contrepoints musicaux effarants, les ralentis gores totalement immatures.

Il reste dans quelques séquences de ce 3 from Hell, dans des endroits, des costumes et des décors isolés, les traces d’une ambition et d’un talent qui semblent encore sommeiller en lui, et qui permettent malgré tout de tenir en éveil un spectateur trop désabusé par l’état du cinéma d’horreur contemporain pour ne pas accepter un brin de mauvais esprit et d’horreur à l’ancienne. Cependant, cela n’empêche pas que le constat paraît sans appel : Rob Zombie, après son déjà très décevant slasher 31, semble avoir cédé à la frange la plus décérébrée de ses fans, celles de geeks uniquement avides de gaudrioles gore sans intérêt. On voudrait ne pas désespérer de retrouver un jour sa puissance de frappe et son inspiration originales, mais ce dernier essai laisse au mieux songeur, au pire orphelin…

Il faut pourtant souligner que pour un DTV, 3 From Hell peut jouir d’une belle édition Blu-Ray chez Metropolitan, agrémentée de riches bonii. Un making-of assez fourni sur la mise en chantier inattendue et tumultueuse de ce nouvel opus, en particulier sur le “désistement” de Sid Haig obligeant Zombie à réécrire en toute vitesse. Le master est également de qualité, même s’il ne peut pas sauver une direction de la photographie qui sent malheureusement le simulacre, correspondant parfaitement au sentiment de déception qu’on peut ressentir à la vue du film. En effet, ce dernier a été tourné en numérique – comme toutes les réalisations de Rob Zombie depuis Halloween 2, son dernier bébé argentique – et est affublé d’un étalonnage un peu cradingue pour essayer de retrouver la sublime poisse d’un 16mm tâché de soleil et de sang tous deux brûlants… Peut-être que la matière brute du cinéma de Zombie s’est perdue dans l’abandon obligatoire de son support matriciel.


A propos de Pierre-Jean Delvolvé

Scénariste et réalisateur diplômé de la Femis, Pierre-Jean aime autant parler de Jacques Demy que de "2001 l'odyssée de l'espace", d'Eric Rohmer que de "Showgirls" et par-dessus tout faire des rapprochements improbables entre "La Maman et la Putain" et "Mad Max". Par exemple. En plus de développer ses propres films, il trouve ici l'occasion de faire ce genre d'assemblages entre les différents pôles de sa cinéphile un peu hirsute. Ses spécialités variées oscillent entre Paul Verhoeven, John Carpenter, Tobe Hooper et George Miller. Il est aussi le plus sentimental de nos rédacteurs. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riNSm

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