Après son sacre aux Oscars et aux Golden Globes avec le sublime La Forme de l’eau (2017), Guillermo Del Toro revient à la production avec Scary Stories. S’il a plusieurs productions en cours – comme le film Antlers de Scott Cooper récemment annoncé – et qu’il prépare son retour à la réalisation avec Nightmare Alley, le réalisateur du Labyrinthe de Pan (2006) confie l’adaptation de ces recueils d’histoires horrifiques cultes aux Etats-Unis à Andre Øvredal. Et on peut dire que le résultat est assez surprenant.

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Do you like scary stories ?

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Un groupe de jeunes vivant dans une petite ville américaine réveille par mégarde, le soir d’Halloween, une entité à travers un livre d’histoires terrifiantes qui prennent vie. A mesure que des gens disparaissent de façon horrible comme dans les histoires, ils décident de résoudre le mystère et de se confronter à leurs propres peurs. C’est à partir de ce postulat que Del Toro et Øvredal délivre avec Scary Stories un long-métrage surprenant à travers une mise en scène maitrisée. Le réalisateur de The Jane Doe Identity (2016) nous montre à nouveau l’étendue de son talent et passe à la vitesse supérieure. En plus d’apparitions d’un bestiaire frôlant pour notre plus grand plaisir l’iconisation, la réalisation évite de nombreux écueils. A l’heure où une partie de la production horrifique se base quasi intégralement sur une simple équation “jump scare = peur” (voir notre article : 2018, même pas peur !), Øvredal s’intéresse moins à appliquer des recettes toutes faites qu’à apporter un soin particulier à la composition de son image. L’idée n’est donc pas de surprendre avec « le chat qui entre brusquement dans le cadre » et une musique dissonante, mais plutôt de bâtir les fondations d’une vraie tension, par l’usage de mouvements de caméra très précis ainsi que par l’étirement des plans qu’il adopte pour filmer une situation qui aurait été, chez d’autres, sur-découpée, telle que l’apparition d’une créature démembrée qui se recompose. Les plans sont longs, le montage réduit à un très petit nombre de coupes afin de révéler une peur non cachée mais inéluctable. Soit un travail d’orfèvrerie, mené de main de maître par un grand artisan.

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L’efficacité de cette peur doit beaucoup aussi à son casting de jeunes acteurs, dont la complicité est plus que palpable. L’identification est maximale et l’attachement quasi immédiat, donnant au film une saveur, un ton, mais aussi une connexion émotionnelle puissante entre les enfants, devant faire face aux épreuves empreintes d’un certain sadisme qu’ils doivent traverser. L’autre point fort est sans conteste son bestiaire. On retrouve l’amour de Del Toro pour les monstres qui sont absolument sublimes et terrifiants tout en étant d’une fidélité incroyable aux illustrations de Stephen Gemmell, qui ont largement participé au succès des livres. Ces créatures, tout droit sorties de nos pires cauchemars, sont d’une beauté saisissante à l’image de la pale lady. Si le long-métrage fait la part belle à l’utilisation de costumes et de maquillages, un très grand soin est tout autant apporté aux créatures en images de synthèse, elles aussi très impressionnantes. Pur plaisir horrifique, Scary Stories impressionne par son aspect formel, aimantant notre regard à l’écran, jusqu’à l’exposition à vif de nos nerfs. Mais il surprend aussi par ses thématiques car si l’on pouvait s’attendre à une énième œuvre sentant l’opportunisme dans son exploitation abusif du cadavre des années 1980 – oui c’est de toi dont je parle Stranger Things (Duffer Brothers, 2016-En Production) – Øvredal nous prend de court avec une habilité sans commune mesure et un rapport moins distant qu’il n’y parait aux codes qu’il manie. En filigrane, le scénario dévoile une vraie et passionnante interrogation sur le pouvoir des histoires, mais aussi leur impact sur nos vies. Ces dernières peuvent nous blesser voire nous tuer, mais elles peuvent aussi nous guérir et nous permettre de faire face au monde et à ses difficultés – ici les difficultés de l’adolescence, de l’abandon d’un parent ou de l’envie de fuir la mort. Hélas, Scary Stories souffre d’une fin un peu trop « facile », malgré le soin apporté à la construction de la tension et de la poésie macabre sublimement déployée tout au long du métrage. Pour autant Scary Stories se place comme un hommage aux contes, une ode à l’imagination qui recrée avec panache l’esprit de ces histoires que l’on se raconte pour se faire peur autour du feu : le feu de camp étant remplacé par une immense toile blanche.