Le Paris International Fantastic film Festival – ou PIFFF – vient de débuter sa sixième édition et c’est le film de André Øvredal qui a la lourde tâche de lancer les hostilités.
A corps ouvert !
Après le found-footage/documenteur de bonne facture qu’est The Troll hunter (2010), André Øvredal revient avec l’intriguant The Autopsy of Jane Doe ; un film aux antipodes de son précédent effort tant dans le fond que dans sa forme. Après la découverte d’une boucherie par les forces de l’ordre locale, Tommy Tilden et son fils Austin, légistes et croquemorts de leur état, reçoivent le corps sans aucun rapport apparent avec la tuerie d’une inconnue ou Jane Doe – nom donné aux corps de sexe féminin non identifiés aux Etats-Unis – afin de l’examiner. Voici le point de départ de ce huis-clos rondement mené et fichtrement efficace. Si le scénario n’a rien de très révolutionnaire en soi, il doit beaucoup à sa structure qui se dévoile au fur et à mesure que nos protagonistes vont découvrir de nouveaux détails sur ce corps, chacun amenant son lot de phénomènes paranormaux. Le film doit également beaucoup à la mise en scène de Øvredal. Un décor sublime, des compositions saisissantes, une photographie somptueuse et un montage en somme bien équilibré…tout respire une honnêteté et la volonté de son réalisateur de proposer un film prenant qui ne souffre de presque aucun temps mort. Øvredal s’affranchit ici du found-footage dans lequel on aurait pu l’enfermer pour délivrer un film où la caméra est comme animée par une force obscure, toujours placée de façon assez maligne. La mise en scène du réalisateur cherche à distiller la peur d’une façon assez particulière : fuyant l’approche « classique » du huis-clos, Øvredal s’affranchit de la claustrophobie habituelle pour favoriser une mise en scène où le décor devient presque plus grand qu’il ne doit l’être en vrai. De plus, il parvient à quadriller son espace d’une manière à ne jamais perdre le spectateur dans la lecture de l’action. Øvredal révèle également un sens du rythme assez bien pensé et nous propose une œuvre oscillant entre la volonté de faire peur le spectateur à travers l’indicible à la manière de Lovecraft et un gore disséminé avec parcimonie, sans jamais être gratuit.
Le film doit beaucoup aussi à son casting : Brian Cox et Emile Hirsch. Les deux acteurs interprètent avec justesse ce tandem père/fils au passé lourd et confrontés face à des forces qui les dépassent. Mais n’oublions pas la jeune Olwen Kelly qui interprète le cadavre inconnu. Øvredal parvient en effet à bâtir une tension qui va crescendo tout au long du film avec ce corps inanimé, source de tous les malheurs et véritable épicentre des phénomènes qui vont s’abattre sur les Tilden. L’actrice nous offre une performance en déployant une maîtrise incroyable de son corps au point de faire penser à son absence au profit d’un mannequin que l’on pense reposer tranquillement sur une table d’acier inoxydable. Mais l’élément le plus intéressant reste le soin apporté au son. Très détaillé et sublimement travaillé, le paysage sonore est dans un sens le vrai moteur dans la création de la tension. Des gants chirurgicaux effleurant la peau du cadavre aux sons d’os que l’on découpe, fracasse, tout est là pour donner au film un aspect presque surréaliste mais aussi très organique et dérangeant. Mais c’est là que l’on peut relever l’un des bémols du film incarné par sa musique originale. Cette dernière semble parfois superflue et phagocytant l’immense soin apporté au design sonore au point d’offrir un véritable capharnaüm auditif au détour de certaines scènes. Le film souffre aussi de l’utilisation de quelques jump-scares qui, si certains servent le récit ou l’ambiance créée, d’autres deviennent complètement superflus et malaisés. The Autopsy of Jane Doe est un film honnête et travaillé qui refuse de nous lâcher jusqu’à son final pour le moins assez intense. Dérangeant et maîtrisé, Øvredal nous offre une très bonne entrée en matière pour cette nouvelle édition du PIFFF.