Après avoir produit le remarqué What Keeps You Alive (2018), Kurtis David Harder revient en tant que réalisateur avec Spiral, un film d’horreur à la critique sociale, présenté en compétition au PIFFF 2019.
Mon voisin le tueur
Le réalisateur, scénariste et producteur canadien Kurtis David Harder, grand habitué des festivals, repasse derrière la caméra pour Spiral (2019), un film qui explore les tensions raciales et homophobes dans une petite ville de campagne. Son dernier long métrage peu connu Incontrol remonte à 2017, mais côté production Harder s’est fait remarquer avec What Keeps you Alive (Colin Minihan, 2018), l’histoire d’un couple lesbien dont le week-end en amoureux tourne au cauchemar. Ce long-métrage a été acclamé en festival donc l’attente est grande autour du nouveau projet du Canadien qui n’a pas choisi son casting au hasard. On y retrouve Jeffrey Bowyer-Chapman (Malik) qui a joué dans American Horror Story : Apocalypse (2018), Ari Cohen (Aaron) vu dans Ça : Chapitre 2 (Andres Muschietti, 2019), et comment ne pas mentionner Lochlyn Munro (Marshal) dont le nom ne vous dit peut-être rien mais dont vous reconnaitrez forcément le visage tant sa carrière est prolifique (y compris une longue liste de nanars) – on se souvient surtout de lui dans le rôle de Greg dans Scary Movie (Frères Wayans, 2000).
Situé en 1995, Spiral met un scène un couple gay et interracial, Malik et Aaron, qui s’installe dans une petite bourgade avec la fille adolescente d’Aaron – autant pousser le truc à fond, toutes les conditions sont réunies pour que ça parte en vrille. À la manière de Get Out (Jordan Peele, 2017) – et la comparaison s’arrêtera ici – le partenaire blanc se fond dans la masse sans problème tandis que le partenaire noir fait preuve de méfiance et ne parvient pas à s’intégrer. Les voisins du couple, Marshal et sa femme Tiffany, sont particulièrement dérangeants : lors de leur première rencontre, Tiffany confond Malik avec le jardinier avant de se justifier « on ne voit pas souvent des gens comme vous par ici ». Stigmatisation réussie ! Déjà traumatisé par une attaque homophobe qu’il a subie étant plus jeune – et que le réalisateur nous fait partager à coups de flashbacks malheureusement trop répétitifs – Malik devient de plus en plus convaincu que quelque chose se trame dans cette petite communauté (blanche) rurale. Après avoir été témoin de ce qu’il pense être une scène de rituel – au secours, encore un rituel – le jeune homme décide de mener l’enquête. Bien mal lui en prendra.
Présenté par le peu de critiques déjà publiées comme un mélange entre Get Out et Hérédité (Ari Aster, 2018), on se doit ici de répondre avec un bon gros N-O-N. Certes on a un semblant de rituel, mais si peu défini qu’on ne peut pas du tout comparer ça à toute la mythologie développée dans Hérédité ou Midsommar (Ari Aster, 2019). Là où Aster a poursuivi un vrai travail de recherche et a fourni une cohérence sans faille à ces deux derniers scénarios, Spiral arrive avec ses gros sabots et surfe sur la vague des productions à rituels bizarres, presque comme une solution de facilité pour expliquer le rejet de l’Autre. Et c’est là aussi qu’on ne peut pas mettre en parallèle Spiral et Get Out où Jordan Peele dénonce une stigmatisation et une fétichisation particulières, à savoir celles des Afro-Américains spécifiquement aux États-Unis. Harder, lui, jette tout dans la même marmite : gays, lesbiennes et diverses minorités semblent tous être les cibles dans cette petite ville. Encore plus qu’une question de race ou de sexualité, on peut se demander si le réalisateur n’explore pas au final les tensions et peurs liées à la différence, quelle qu’elle soit, où tous ceux qui ne se conforment pas à la norme du couple hétérosexuel blanc finissent par être marqués puis sacrifiés – le film s’appelle ainsi car Malik remarque un dessin de spirale dans sa maison, signe qu’il est la prochaine proie.
Si Spiral se situe donc un cran en dessous des réalisations de Peele et Aster en raison de son manque de subtilité et un soin à l’image parfois approximatif, Harder parvient quand même à un travail prenant et il le doit surtout à son acteur principal, Jeffrey Bowyer-Chapman, qui réussit à entrainer le spectateur dans sa paranoïa finalement amplement justifiée. On n’est pas aussi convaincus que par What Keeps You Alive, mais on guettera quand même Summerland, le prochain projet du réalisateur, actuellement en post-production.