Récompensé de deux Oscars, deux Golden Globes et d’une Palme d’Or en 1979, Apocalypse Now s’est très rapidement imposé comme un chef-d’œuvre instantané, malgré ses quelques détracteurs. Alors qu’il avait réduit son ambition à la sortie originale, le réalisateur, Francis Ford Coppola, ressort le long-métrage en 2001 dans une version nommée Apocalypse Now Redux, et plus longue de quasiment une heure. Cette année, c’est par le biais d’un Final Cut, que le chef-d’œuvre ressort en salles et en Blu-Ray 4K. Prêt pour une nouvelle virée dans l’apocalypse de la guerre du Viêt-Nam ?
Tonnerre sous les tropiques
Francis Ford Coppola n’est pas le premier à retravailler, encore et encore, l’une de ses réalisations, cherchant constamment à livrer une nouvelle version plus aboutie et plus proche de sa vision originale. Avant lui, ses amis George Lucas et Ridley Scott, respectivement pour les six premiers opus de Star Wars (1977-2005) et Blade Runner (1982), avaient modifié, à plusieurs reprises, leurs longs-métrages, donnant vie à plusieurs versions et perdant les spectateurs dans cette accumulation de différents montages, année après année. Ici, Apocalypse Now subit, “seulement”, sa troisième version et se veut comme le compromis parfait entre la version cinéma et la version Redux, enlevant vingt minutes à cette dernière. De l’aveu du réalisateur lui-même, ce Final Cut est, enfin, la version qu’il avait toujours souhaitée…Bien qu’on l’imagine mal affirmer l’inverse pour d’évidentes raisons marketing. Néanmoins, comme évoqué plus haut, cette nouvelle mouture tire les profits des deux versions précédentes à son avantage, ajoutant suffisamment de scènes coupées de la version cinéma pour épaissir les propos, tout en raccourcissant la durée Redux jugée par beaucoup comme trop longue. Si les coupes, réalisées sur cette dernière, ne se font pas sentir, elles se trouvent essentiellement dans les « petits moments », comme celui où le colonel Kurtz lit un article du Times au lieutenant Willard, et ne viennent jamais amputer une séquence charnière. Ultime montage donc, pour une production qui aura tant marqué l’Histoire du cinéma depuis sa sortie, redéfinissant le genre des films de guerre.
Depuis 1979, de nombreux papiers, textes et essais ont été écrits à propos du chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola. Et tout, ou presque, a déjà dit et répété à son sujet. Néanmoins, si ce nouveau visionnage offre un œil neuf sur l’œuvre cinématographique, c’est pour en faire ressortir ses qualités, déjà connues, encore plus évidentes qu’elles ne l’étaient. Comment ne pas tomber sous le charme complet de la photographie de Vittorio Storaro ? Comment ne pas être amusé et admiratif du travail d’interprétation de Robert Duvall, qui, en l’espace de quelques minutes seulement, marque l’esprit du spectateur à jamais ? Comment ne pas être tétanisé devant un Marlon Brando fantomatique, invincible et vulnérable à la fois ? Comment ne pas être impressionné de la surcharge de travail, pour toute l’équipe, qu’a dû être une telle aventure à tourner et concrétiser ? Apocalypse Now, ce sont toutes ces questions où chacune des réponses est une évidence. D’un roman réputé comme inadaptable et prenant place en Afrique Noire, Francis Ford Coppola et le scénariste John Milius livrent un pamphlet violent et onirique sur la guerre du Viêt-Nam. L’odyssée de ce bateau et son équipage qui remontent le fleuve vers une destination mystérieuse et dangereuse est très éloigné de ce que l’on connaissait des films de guerre auparavant. Ici, le rêve, la déambulation et le songe sont placés en première ligne. Parfois, on se demande presque si les événements sont réels, dans la diégèse du long-métrage, ou s’ils ne sont que des illusions nées de l’esprit de nos personnages, sombrant de plus en plus dans la folie. Apocalypse Now trouve une résonance toute particulière dans ce jeu de miroir entre l’histoire du long-métrage et l’histoire du tournage, tous deux au cœur d’un ouragan plus fort qu’eux, et où les protagonistes ne choisissent pas ce qui leur arrivent mais le subissent. C’est ainsi que Au cœur des ténèbres : l’Apocalypse d’un metteur en scène (Fax Bahr et George Hickenlooper, 1991) ne reste pas un simple documentaire sur le chef-d’œuvre aux multiples récompenses, mais davantage un visionnage nécessaire, aussitôt après celui de Apocalypse Now.
Si ce Final Cut, édité par Pathé, est une édition ultime, c’est aussi par la présence dans ses bonus de ce documentaire complètement nécessaire à la compréhension d’une telle œuvre. Au cœur des ténèbres : l’Apocalypse d’un metteur en scène (Fax Bahr et George Hickenlooper, 1991) plonge le spectateur dans les conditions très spéciales de ce tournage hors normes, rendant l’achèvement du long-métrage encore plus prodigieux qu’il ne l’était déjà aux yeux de tous. Ce n’est pas le seul bonus de cette édition anniversaire pour les quarante ans du film, ils sont légion avec plus de huit heures de bonus, tout de même ! De petits modules sur la création jusqu’à sa présentation à Cannes, chaque phase de développement est mise en avant et possède son supplément. Il est appréciable de découvrir des choses aussi diverses et variées que la conférence de presse cannoise de Apocalypse Now Redux en 2001 ou encore deux entretiens-fleuves que mène Francis Ford Coppola avec John Milius, le scénariste, et Martin Sheen, l’acteur principal, des années après la sortie, permettant un sacré recul sur leur travail. Quelques bonus mettent également en avant les différents modifications subies par le film au cours des années, des formats et des versions, pour arriver jusqu’à cette formidable copie 4K, restaurée depuis les négatifs originaux. En plus de proposer un Final Cut, mais également la version cinéma et Redux, cette édition est nécessaire, avant toutes choses, pour le formidable travail de restauration 4K des trois montages. Comme The Doors, il y a quelques mois chez StudioCanal, Pathé propose un objet total, une édition définitive d’un des longs-métrages les plus importants de leur catalogue. Nous n’avons aucune excuse pour refuser un tel voyage dans ces conditions… Et il est difficile de résister à l’appel des Walkyries, la chevauchée est trop tentante.
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