Wonder Woman 3


Survendu comme « le meilleur film DC Comics depuis The Dark Knight (Christopher Nolan, 2008) » ce Wonder Woman s’est aussi vu rapidement affublé de l’écusson « film féministe ». Voyons voir, avec plein de spoiler, ce qu’il en est vraiment.

Miss Univers

Elle avait beau relever un peu le niveau du pitoyable Batman v. Superman : L’Aube de la Justice (Zack Snyder, 2016), annonçant par ailleurs l’arrivée prochaine du film Justice League (Zack Snyder, 2018), je peine à comprendre pourquoi gravitait autant de hype autour de la première aventure solo de la super-héroïne Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017). Origin story comme on n’en peut plus d’en voir, le film qui s’organise comme un énorme flashback a pour ambition de raconter la naissance du personnage et de ses pouvoirs et de tisser le lien avec la grande réunion à venir. Si le personnage est véritablement iconique, figure de proue du féminisme et de la libération de la femme dans les années 50 et 60, beaucoup espéraient que cette nouvelle aventure, parce qu’elle était réalisée de surcroît par une femme, serait aussi militante qu’énervée. Que nenni.

L’histoire démarre sur l’île de Themyscira où grandit au milieu d’une tribu d’Amazone la jeune Diana. Fascinée par ses aînées, de grandes guerrières redoutables, la petite se rêve à devenir la plus grande guerrière d’entre elles. Sur cette île, pas un seul homme. La légende dit que les jeunes Amazones naissent des mains de leurs mères, sculptées dans l’argile, et qu’elles prennent vie par la grâce de Zeus lui-même. Rien que ça. Quelques années plus tard, on retrouve la jeune Diana, devenue une top model israélienne en bikini-cuir et jupe corsetée, qui va faire la rencontre d’un soldat américain, Steve Trevor, héros de la Première Guerre Mondiale comme on en voit que dans les comics : gueule d’acteur au lissage parfait, beau gosse américain au charisme de bulot. En découvrant l’éphèbe échoué sur la plage, la jeune femme, yeux écarquillés, est immédiatement conquise. En face, le mollusque est quant à lui emerveillé par la beauté de la Miss Israël qui se penche sur lui, comme à peu près tous les mecs qu’elle rencontrera par la suite. Propulsée à Londres en deux ou trois coups de rames, Diana va se lancer dans une nouvelle guerre, persuadée que le responsable de la 1GM est le dieu Arès lui-même. Si l’on appréciera l’idée de faire d’un personnage féminin une leader guerrière née et une combattante hors pair au courage sans faille, cela ne suffit pas tout à fait à remplir les conditions pour être estampillé manifeste féministe.

Car oui, en dehors de n’être considérée pendant plus de deux heures que sur ses qualités physiques – à se demander s’il est inscrit dans le contrat de Gal Gadot qu’il faille préciser plus de trente fois par film qu’elle est magnifique – le personnage ne fait qu’aller où les hommes lui disent d’aller, fond littéralement en émoi à la vue d’un bébé (!), tombe profondément amoureuse du premier sosie de Ken qui passe et défend les valeurs sacrées de l’amour face aux affres de la guerre… Qu’on puisse défendre que ce film est le meilleur film DC Comics depuis The Dark Knight (Christopher Nolan, 2008), pourquoi pas – il faut dire que les deux derniers, dont Suicide Squad (David Ayer, 2017) était tout proche du navet – que l’on souligne encore que ces séquences d’action sont particulièrement bien gaulées, bien entendu, mais que l’on qualifie bêtement le film de féministe alors qu’il véhicule les pires clichés machistes me paraît véritablement incongru. Une seule et unique scène, osée et cocasse, dissertant sur le plaisir (solitaire) féminin, rappelle un temps ce que le film aurait pu vraiment être. Mais non les petits gars, le fait qu’un film met en scène une super-héroïne et qu’il soit par ailleurs réalisé par une femme, n’en fait pas automatiquement un film féministe. Quant au reste, si l’on attendait que le film de Patty Jenkins permettent enfin aux adaptations cinématographiques du DC Universe de concurrencer sérieusement la suprématie de Marvel, c’est là aussi raté. Si on leur accordera toutefois l’audace d’avoir donné à un personnage féminin un film solo bien avant le studio concurrent, on ne pourra que noter qu’un(e) super-héro(ïne) qui poutre des Allemands avec un bouclier, ça nous rappelle vaguement quelque chose… De même qu’un royaume mythologique caché des êtres humains duquel sort des semi-dieux complètement pétés. Force est de constater, qu’ayant pris dix ans de retard sur la concurrence, DC et Warner semblent condamner à exister dans l’ombre de Marvel.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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3 commentaires sur “Wonder Woman