Aquaman


Faisant suite à une première tentative de s’éloigner de son univers partagé avec l’inégal mais sympathique Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017), c’est au tour d’Aquaman de voir paraître son propre long-métrage. Le talentueux James Wan en profite pour s’essayer au genre du super héros, mais pas que …

                                            © Warner Bros / DC

Sur la vague

Après les échecs successifs de ses films phares Batman v. Superman : L’aube de la Justice  (Zack Snyder, 2016) puis Justice League (Zack Snyder/Joss Whedon, 2017), DC essaie de redorer son blason et de se différencier une bonne fois pour toute de Marvel en délaissant son univers cinématographique partagé. Il décide de s’intéresser plus personnellement à ses héros et s’attaque cette fois-ci à l’un des moins populaires. S’il est assez compliqué en terme de réception publique de prendre des libertés avec les personnages de Superman – comme le rappelle le fameux scandale de la disparition du slip rouge de Man of steel (Zack Snyder, 2013) – ou de Batman – là aussi, il faut se rappeler la polémique du Batman meurtrier de Batman v. Superman – il est en revanche beaucoup moins risqué de s’amuser avec Aquaman. Émancipé des contraintes d’un univers partagé et du scepticisme d’un public, James Wan jouit d’une relative liberté sur son métrage, et il compte bien en profiter pour montrer l’étendue de son ambition.

© DR – Warner Bros / DC

Partant de la base d’un film de super-héros, James Wan construit son récit comme un voyage initiatique. Dans le sillon de son personnage principal partant en quête à travers le monde pour retrouver un trident légendaire, c’est le spectateur qu’il fait voyager, à travers les genres cinématographiques. On enchaîne tour à tour les codes des productions super-héroïques, les codes du film catastrophe, d’aventure/archéologie, d’horreur et même du space-opera. Car hormis les cheveux flottant des personnages lors des scènes sous-marines, aucun indice ne nous donne l’impression d’être véritablement sous l’eau. Ajoutez à ça des cités « flottantes », des véhicules volants, et des batailles laser, et vous vous demanderez vite s’il ne s’est pas servi d’Aquaman et de son gros budget comme moyen pour réaliser son propre Star Wars ! Généreux, James Wan parvient régulièrement à nous emporter dans un dépaysement agréable. Loin de se conformer à un cahier des charges formaté et sans saveur, à l’image des insipides frères Russo chez Marvel, Il prend le risque de porter plus loin le genre du super héros. Il réussit plus adroitement son mélange que le triste duo sur Captain America : Le soldat de l’hiver et son faible penchant pour le film d’espionnage.

Le réalisateur de Conjuring (2013) se démarque également par une mise en scène plutôt audacieuse, parvenant à mener un exercice d’équilibriste entre les séquences contemplatives et les séquences d’actions ultra-dynamiques et puissantes. Les premières seront mises en valeurs par de longs plans à la composition travaillée et au jeu de lumière très efficace, que ce soit pour susciter le rêve avec des baleines volantes, ou la peur avec un contraste entre le fond marin sombre, rehaussé par la rouge lueur d’une fusée de détresse. Les scènes d’actions et de combats seront elles rythmées à coup de plan-séquence d’une fluidité et d’une clarté honorable. Ceux-ci feront clairement le sel de toutes les scènes envolées, en liant les différentes parties d’un combat tout en faisant émerger un réel sentiment de puissance. Il suffira de s’émouvoir du simple combat dans l’espace confiné d’un salon au début du récit pour s’en rendre compte : depuis son médiocre Fast and Furious 7 (2015), James Wan a fait bien des progrès pour filmer les scènes d’action.

© DR – Warner Bros / DC

Malheureusement l’audace a ses limites et James Wan, à vouloir trop expérimenter, succombe parfois au piège du mauvais goût à l’image de la sur-valorisation de son personnage principal qui ,faute d’être réellement “badass” en devient assez ringard.  Cet état de fait témoigne d’un traitement assez décevant de l’homme-eau. Si l’on appréciera la bonne idée de nous le présenter au départ comme un anti-héros, en laissant mourir un ennemi tout en lui rétorquant qu’il l’a bien cherché et avant d’aller pinter dans le bar du coin avec une tripotée de loubards, il passe bien vite à la moulinette du super-héros type, droit et lisse. Il ne se posera alors aucune question sur ses agissements douteux et plus jamais ne se remettra en question. Aquaman représente ainsi la plus mauvaise partie du long-métrage : la partie super-héroïque en tant que telle. Elle convoque, de manière grossière tous les défauts des films de super héros récents, que ce soit en déployant un casting, pourtant talentueux, dont la seule prouesse sera d’afficher son nom en haut de l’affiche plutôt que de briller par l’interprétation de personnages d’une vacuité déconcertante, ou de tenter de faire adhérer le spectateur à des enjeux relativement faibles, motivés par des incohérences comportementales des protagonistes. En cela, Aquaman est un objet étrange et paradoxal : intéressant quand il s’éloigne de sa condition de film de super-héros, et diablement frustrant quand il s’en rapproche.


A propos de Benoit Dechaumont

Etudiant à la Fémis dans le Département Exploitation, Benoît travaille pour porter un jour les séries dans les salles de cinéma. En parallèle, il écrit sur ce qu’il voit sur petit et grand écran avec une préférence pour les histoires de voyage dans le temps. D’ailleurs il attend que son pouvoir se développe pour devenir l’intrépide Captain Hourglass. Ses spécialités sont les thrillers, les films de super-héros et la filmographie de Brian De Palma.

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