Sortie en DVD chez Artus Film, nous vous parlons aujourd’hui du Pionnier de l’espace réalisé par Robert Day en 1959.
Quand le monstre rentre à la maison
Le pionnier de l’espace est un film sorti en 1959, en pleine Guerre Froide. Il a été réalisé par Robert Day, qui n’avait réalisé alors qu’une comédie et deux films d’horreurs – vous verrez c’est important. First Man Into Space raconte donc l’histoire d’un pilote de vaisseau spatial, le premier, qui fait des tests et des essais pour aller dans l’espace. Après quelques problèmes, qui nous permettent de connaître son frère qui est aussi son supérieur, et sa copine. Il est réexpédié en test, mais s’enfuit et va vers l’espace. Après sa disparition des radars, notre tête brûlée de pilote explose dans une gerbe de poussières cosmique. Le vaisseau se crashe, le capitaine reçoit l’enquête par la magie du cinéma quand ils se rendent compte que le pilote s’est transformé en monstre atroce qui massacre des gens.
Bon, commençons par le plus visible : ça a mal vieillit, et ce n’est pas l’état de l’image de cette édition vidéo qui va me faire dire le contraire. Les limitations de l’époque ont sûrement contraint de réduire le budget des décors et effets spéciaux. La couche protectrice spatiale créée par la poussière de météorite est en réalité un simple drap et l’explication de « c’est un matériau souple » ne tient pas. Même si le drap est bien fait, ça reste un drap. Le film est rempli de choses comme ça, même si le monstre est par contre très bien réalisé. Et c’est sans doute le plus gros problème du film. C’est maladroit, autant pour introduire une relation entre les personnages que pour l’enquête ou la science-fiction spatiale. Le sujet du film varie beaucoup. Dans le prologue et donc un bon tiers du film, on introduit le pilote d’abord, et sa relation avec son frère (bien sûr on oublierait vite qu’ils sont frères si cela n’était pas rappelé de temps en temps)… Alors oui, on montre un capitaine distant qui ne prend pas soin de son petit frère et qui ne s’est pas renseigné sur lui depuis longtemps, mais quand même, leur relation est si peu traitée qu’on a l’impression qu’ils ne se sont jamais vu ! Dommageable quand on sait que par la suite, c’est justement le jeune frère qui deviendra le personnage principal. Pendant encore un tiers, on assiste à une enquête de la trempe d’Inspecteur Gadget, puis on passe directement à la neutralisation du monstre. Enfin, à la compréhension du monstre. Car on apprend qu’il est toujours conscient de qui il est et a besoin d’être dans une atmosphère beaucoup plus forte que sur Terre pour pouvoir respirer. Dans l’atmosphère terrestre il ne voit rien et veut du sang. Son frère se sacrifie même pour rester avec lui malgré l’atmosphère car il n’arrive pas à utiliser les boutons pour fermer les portes.
Difficile d’être toutefois complètement contre le film. Déjà parce que même si le film est rempli de maladresse, il offre un nouveau regard sur la Guerre Froide, un regard britannique et non américain. Ici, on est pas en train de dire que les communistes sont les méchants, on questionne davantage la science et le fait que les scientifiques qui sacrifient des gens, sont les vrais monstres. A la fin, on a même le droit à une morale sur les gens qui seraient trop cyniques pour sacrifier impunément des innocents – une métaphore à peine désavouée du cas Hiroshima ? Ensuite, on ajoutera qu’il ne s’agit pas pas d’un film de science-fiction tel qu’on l’entend. Pas question de partir à la conquête de l’espace, on reste sur Terre, le reste est un prétexte à voir un monstre. Et un monstre bien réalisé, bien étrange et surtout humain. Ici, c’est l’humanité que l’on cherche à voir à travers le monstre rappelant à bien des égards un autre film que nous vous avions chroniqué, le fameux Le Météore de la Nuit (Jack Arnold, 1953).