La planète des vampires 1


Seule et unique incursion dans la science-fiction pure et dure pour le maître Bava, La planète des vampires est sans surprise une autre grande réussite du cinéaste de Sanremo, qui lui donne l’occasion de s’illustrer dans un genre peu représenté au-delà des Alpes. Retour sur le film à l’occasion de sa ressortie en Blu-Ray édité par La Rabbia et M6 Vidéo.

Personne ne vous entendra crier

Nul n’est prophète dans son pays, voilà un dicton qui sied parfaitement à Mario Bava. S’il a été tout de suite considéré comme un maître du cinéma de genre dans de nombreux pays (Royaume-Uni, France, États-Unis…), ce n’était pas le cas de l’Italie où il était bien trop souvent considéré comme un simple faiseur de séries B avant que son génie ne soit proclamé haut et fort dès les cinéastes de la génération suivante, notamment Dario Argento, pour qui Bava travaillera en tant que responsable des effets visuels sur Inferno (1980) aux côtés du grand Germano Natali, mais aussi en tant qu’assistant réalisateur sur le même film avec son fils Lamberto. Et après huit films en cinq ans (et presque autant de chefs-d’œuvre), Super Mario décide de franchir un cap et pas des moindres puisqu’il tente de se lancer, avec un budget honteusement réduit, à la conquête de la science-fiction. Adapté d’une nouvelle de Renato Pestriniero inédite chez nous, La planète des vampires nous emmène dans un voyage spatial à bord de deux vaisseaux, l’Argos et le Galliot, qui reçoivent un SOS provenant de la planète Aura. Décidant d’y aller, l’Argos est en proie à une force inconnue qui fait perdre connaissance à l’équipage, sauf au capitaine Markary (Barry Sullivan). Atterrissant en douceur sur Aura, les astronautes partent à la recherche du Galliot pour découvrir finalement que tous les membres de l’équipage de la seconde navette sont morts. Ce sera le début de l’enfer pour les astronautes survivants…

Si elle est un tantinet inégale, cette tentative de la part de Bava de faire de la SF est assez remarquable. Flirtant parfois, dans sa filmographie, avec l’esthétique de la science-fiction (Diabolik, L’espion qui venait du surgelé), le cinéaste fait preuve une énième fois de l’inventivité sans limites qui lui est propre en proposant une œuvre à l’esthétique très particulière, créée avec trois bouts de ficelle : Bava déclarait que pour créer le décor de la planète, il disposait en tout et pour tout de deux rochers récupérés sur le tournage d’un péplum…Ce qui rend aussi touchants et passionnants les cinéastes italiens qui se sont illustrés dans le film de genre, c’est leur tendance à souvent exagérer leurs propos, notamment lorsqu’ils parlent des difficultés qu’ils ont rencontrés. Quoi qu’il en soit, il sait parfaitement tirer profit du manque de moyens en créant une planète des plus inquiétantes : brumeuse, avec un sol constamment recouvert de fumée, elle ne nécessite pas d’artifices monumentaux mais seulement d’un jeu de lumières et de couleurs qui suffisent à instaurer une atmosphère peu rassurante, combinée à quelques trucs et astuces on ne peut plus artisanaux. La plus grande force du film et les séquences les plus mémorables sont d’ailleurs indéniablement celles qui se déroulent sur la planète, comme celle, impressionnante, du réveil des morts.

Le scénario, signé Bava et Alberto Bevilacqua (qui avaient déjà coécrit le chef-d’œuvre Les trois visages de la peur), contient quelques moments remarquables, comme la découverte du vaisseau alien ou l’inattendu retournement de situation qui clôt le long-métrage. Il est impossible d’évoquer La planète des vampires sans parler d’Alien (Ridley Scott, 1979) : Scott, Dan O’Bannon et H.R. Giger ont toujours nié avoir vu l’œuvre de Bava à l’époque où ils travaillaient sur le film qui marquera la science-fiction, mais force est de constater que la ressemblance entre certaines idées ou entre l’esthétique de certains décors contenus dans les deux productions n’est pas fortuite. On retrouve la séquence de la découverte d’un vaisseau alien sur la planète, à l’intérieur duquel un squelette géant rappelle clairement celui du space jockey ; la forme du principal vaisseau, l’Argos, fait inévitablement penser à celle que possède le vaisseau alien du film de Ridley Scott ; l’ambiance de la planète, qui se fait inquiétante par le biais d’un silence glacial, est également présente dans les deux films. Troublantes ressemblances donc, qui cachent sans aucun doute une forte inspiration de Bava. Par ailleurs, et cela semble boucler la boucle, c’est Carlo Rambaldi, créateur des effets spéciaux de La planète des vampires, qui créa la tête animée du xénomorphe d’Alien…Qui lui permettra d’obtenir son premier Oscar.

Après une belle édition en 2014 par Artus Film dans une copie de haute qualité, le film bénéficie à nouveau d’une nouvelle vie en vidéo, dans un sublime coffret édité par La Rabbia, dans lequel on retrouve le long-métrage en Blu-Ray, dont la qualité aussi bien du côté de l’audio – remarquable pour un son stéréo – que de l’image, avec notamment un excellent rendu des couleurs. Dans le coffret nous retrouvons également un livret de 40 pages ainsi que des beaux bonus, dont 16 minutes du film en super 8 (en version allemande). Le must des bonus reste le documentaire de 40 minutes, autour de La planète des vampires, faisant intervenir Nicolas Winding Refn (qui insiste encore et toujours sur le plagiat opéré par Ridley Scott pour Alien), Christophe Gans et de nombreuses personnes ayant participé à l’œuvre de Bava, des costumes aux décors.

Lien vers la bande-annonce.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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