Il ne serait pas un mensonge d’affirmer que ce film était certainement l’un des plus attendus de l’Etrange Festival. Six ans déjà se sont écoulés depuis l’incroyable Black Death et Christopher Smith, véritable cinéaste hétéroclite, revient avec un thriller nerveux au scénario implacable et au découpage inouï que tous les mordus de montage apprécieront ! Film sombre et solaire à la fois, Détour s’impose comme un nouveau coup de maître.
Un retour sans détour
Christopher Smith sort de divers projets (la série Labyrinth en 2012 et le film de Noël produit par Ridley Scott, puis Get Santa en 2014 : projets bien loin de l’ambition habituelle qu’on lui connaît) et revient avec Détour qui arrive à point nommé pour nous rappeler qu’il reste et demeure l’un des – si ce n’est LE – porte-étendard de la Brit’horror. Ici, nous sommes face à un film noir non loin de Pusher (1996) ou du Drive (2011) de Nicolas Winding Refn en termes d’ambiance. Rappelons que Black Death (2010) n’était déjà pas loin des cieux « refniens » et de son Valhalla Rising. Véritable virée dans l’Ouest américain, Détour est un film qui réunit de nombreuses références, à commencer par l’homonyme Détour de Edgar G. Ulmer (1945) dont l’histoire et le décor contiennent quelques ressemblances avec le film de Smith. Par ailleurs, le côté road-trip du film, le cadre aride et les courses-poursuites rappelleront le magnifique Duel de Steven Spielberg (1971). Il faudra néanmoins préciser qu’ici, plutôt que le désert du Nevada vanté dans le film, Smith réalisera au milieu des grandes étendues désertiques sud-africaines. Détour vient nous montrer combien le cinéaste maitrise la technique et illustre tout simplement l’art du montage. Split-screens, montages parallèles, Smith joue avec les structures temporelles comme il le faisait déjà avec Triangle (2009) – ndlr, Smith a d’ailleurs écrit Détour en pleine pré-production de Triangle – ou comme le faisait aussi Nacho Vigalondo avec Timecrimes (2007) mais encore Duncan Jones avec Moon (2009). Les split-screens seront tout à fait appropriés ici puisqu’ils symboliseront parfaitement le concept de Détour : deux écrans qui ouvrent la porte à deux histoires ou du moins à minima deux possibilités.
Mais de quoi s’agit-il ? Ici, c’est l’histoire de Harper – incarné par l’étoile montante Tye Sheridan (The Tree of life, Mud, Joe, X-men), jeune dandy vivant au domicile familial. Ce dernier accuse son beau-père d’être responsable de l’accident qui a plongé sa mère dans le coma. Lors d’une nuit d’ivresse, il confie à deux inconnus, Johnny, malfrat local et Cherry, une strip-teaseuse, un stratagème pour se venger. Le couple accepte pour 20000 dollars de s’occuper du beau-père. Évidemment, rien ne se passera comme prévu puisqu’au moment de mettre le plan à exécution, Harper hésitera puis tentera de faire marche arrière. Tout le concept du film prendra naissance à ce moment précis puisque le spectateur sera invité à suivre en parallèle la temporalité dans laquelle Harper renonce et celle qui le voit aller jusqu’au bout. Le propos du film est aussi de confronter Harper à ses propres choix. C’est là où se situe aussi la ligne dramatique du film puisqu’en tant que spectateurs, nous assistons à ces choix qui s’offrent à lui et qui se concurrencent l’un de l’autre, de manière non linéaire.
Grand cinéphile, Christophe Smith avouera être un grand amateur d’Hitchcock et notamment de La mort aux trousses (1953) ou Les oiseaux (1963) dont il s’inspire pour ses grands angles extravagants et pour ces trames narratives doubles. Cet art de la narration et de la mise en scène, Smith l’emprunte à Hitchcock et les traduit avec ses propres moyens et son propre style à travers le montage qu’il manie de façon subtile. Enfin, Détour n’est pas avare de situations burlesques et de moments comiques, en témoigne cette scène où ce policier belliqueux se transformera en victime pour enfin finir un personnage drogué en perdition totale ! Ou encore cette scène imprévisible d’ « écrasement » par un semi-remorque ! Le film est une véritable démonstration de l’étendue du talent de Christopher Smith dans lequel le scénario est gonflé à l’adrénaline. La magie et la mise en scène de Smith quasi-maniaque opère au service du film dans lequel nous sommes immergés de la première image au générique de fin. A la différence de Triangle, Détour a un côté plus épuré et moins complexe. Cela étant, Détour reste un thriller intelligent de grande classe que seul Smith et de rares autres savent nous offrir ! Pour voir ou revoir le film, on vous invite à aller chez notre partenaire Shadowz qui propose le film dans son vaste catalogue de qualité.
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