Exhumeur des bas-fonds encore plus oubliés que le plus oublié des bas-fonds (genre le fond derrière le bas fond), le petit mais vaillant éditeur Crocofilms sort en DVD une parodie vintage et surtout X du clip “Thriller” de Michael Jackson, intitulée avec finesse Driller (« la perceuse »).
Nique-anthrope
La parodie hard, c’est un art de vivre. Je ne citerai même pas d’exemples tellement c’est répandu et lié à l’univers du X (allez si, un des derniers qui m’a bien fait rire : la gueule du DSK de DXK réalisé par Christopher Clark, je vous invite à faire une recherche, c’est top). L’industrie pornographique est unique par sa faculté d’évolution si rapide, sa réactivité rendue évidemment plus aisée par la minceur des budgets et la relative complexité du genre (une bite, une chatte, un cul, un sein, non deux c’est mieux), et par là même sa facilité à prendre une tendance au moment opportun, la suivre ou s’en moquer. On l’oublie aujourd’hui à cause de la démocratisation web qui a amené d’une part à une amateurisation simpliste (« moua ki pren ma feme ds le ku » filmé au téléphone sur YouPorn) et de l’autre (mais les deux sont liés) à une hardcorisation du contenu accessible au plus grand nombre (pratiques extrêmes rendues par le net plus visibles à n’importe qui…) : le cinéma pornographique est, à ses origines, léger et rigolard. Volontairement conscient de ce qu’il est, avec un réel aspect de divertissement. Si les scénarios des boulards des 70-80’s n’étaient pas forcément plus riches que ceux d’aujourd’hui, les films transmettaient comme une volonté « Filmer du cul c’est cool, mais ça suffit pas faut qu’on amuse le spectateur », exactement l’inverse du porno tel qu’il règne dans l’industrie de nos jours avec le Roi Gonzo (une scène de baise et puis c’est tout). Cette fraîcheur amusée, ce jeu, est une des caractéristiques de Driller, parodie parmi tant d’autres donc initiée en 1984 par Joyce James suite au succès délirant de l’album Thriller de Michael Jackson et de ses clips musicaux.
Lucie est une jeune femme vouant une admiration sans bornes à Driller, chanteur vedette aux chorégraphies, à la voix et au look sacrément gays. A la sortie d’un concert et après une piètre soirée avec son petit ami un peu porté sur la chose et qui de toute évidence ne l’émoustille que modérément, Lucie se couche, et, dans ses rêves, se retrouve emportée par Driller et des zombies surgis dans sa chambre dans un monde de plaisir étrange et fantastique…Sur cet argument reprenant le canevas du clip Thriller donc, légitimant par le rêve toute scène de sexe même si elle n’a aucun sens, sans se soucier de temporalité, de lieux, ou du fait que les gens qui s’inter-montent soient des êtres humains (y a des zombies et un loup-garou qui baisent, pour ne citer que deux « espèces ») Driller, lors de scènes de danse oniriques livrées par le chanteur éponyme et ses drillerettes, offre aussi à nos oreilles ébahies des reprises fuck-copyright de Billie Jean et Wanna Be Startin’ Somethin’. Hormis ça, il n’y a pas grand rapport avec le grand Michael Jackson car la majorité du film est constituée des errements de Lucie dans un château des plaisirs où elle croise plusieurs créatures lubriques et finira elle-même sujet d’un gang-bang soft, avant de se réveiller et de découvrir une belle surprise sur son palier…
L’humour omniprésent du film atteint son paroxysme dans des séquences carrément absurdes qui font presque oublier la vocation excitante du film pour ne devenir que des scènes de comédie…A moins que voir un lycanthrope se masturber et éjaculer noir, ou un homme avec un masque de Richard Nixon prendre en levrette une dame en maugréant sur son affaire du Watergate ne vous excite. Cela dit, le soin apporté aux lumières, à l’ambiance, et quelques idées m’amènent à penser que bien plus que le clip de Thriller (réalisé par John Landis pour lequel nous avons concocté un joli dossier d’ailleurs), Driller s’inspire du beau et mythique Derrière la porte verte (Artie & Jim Mitchell, 1972), X à la beauté plastique surnaturelle qui devrait être montré en école de cinéma plus que tous les films de John Ford (et nettement plus bandant que John Wayne de surcroît). C’est un plan d’une éjaculation colorisé en rouge et bleu qui m’a mis la puce à l’oreille, copiant en beaucoup plus kitsch et moins envoûtant une scène clé du film des frères Mitchell, ce dernier fonctionnant par ailleurs de la même manière avec son personnage féminin qui est emmené dans un lieu irréel où des gens ne font que forniquer, en dehors des races et des âges. Référence un peu moins connue que le clip de Micky, mais pas dégueulasse non plus.
Surprenant vue la confidentialité du long-métrage présenté, Crocofilms a pu mettre la main sur une VF et une VO (elle-même un doublage en post-synchro en fait), un master au mieux certainement de ce qui doit rester de la pellicule de ce truc avec une image en format 4/3, et surtout sur un entretien de près d’un quart d’heure avec le producteur Timothy Green Beckley. Un personnage gouailleur, pas peu fier de son rejeton (« un des meilleurs films X de cette époque » se vante-t-il), mais riche en anecdotes qui mettent un peu de poil à gratter dans les perceptions générales (le maquilleur soit-disant oscarisé et le chorégraphe, étant des renommées dans leur domaine, auraient participé au film incognito sous un pseudonyme) pour peu qu’elles soient vraies. Quand en plus il en place une pour préciser qu’il est un des ufologues les plus respectés au monde, on ne peut qu’être séduit par tant de swag.