Masters of Horror, une série d’anthologie proposant des moyens-métrages réalisés par des maîtres du genre (d’où le nom), dont Landis qui y a apporté sa contribution aux deux saisons. L’occasion pour le réalisateur de revenir sur des thèmes lui étant chers, à savoir le film de monstre avec La Belle est la Bête (Deer Woman, 2005) et la comédie macabrement glauque avec Une famille recomposée (2006).
Landis, Maître de l’horreur ?
John Landis a été affublé du titre de maître de l’horreur dès la sortie de l’une de ses œuvres phares, Le loup-garou de Londres (1981). Bien qu’ayant en réalité réalisé très peu de films au potentiel effrayant ou sanglant, le titre l’a suivi tout au long de sa carrière jusque dans les années 2000, où un producteur friand de cinéma de genre, Mick Garris, se met en tête de réunir les plus grands noms du cinéma d’horreur pour réaliser une série de moyens-métrages. Précisons que ce monsieur est l’auteur de plusieurs adaptations télévisées d’œuvres de Stephen King, entre autre Le Fléau (1994) et Désolation (2006). Les plus fameux réalisateurs répondent tous favorablement, de Dario Argento à Tobe Hooper en passant par John Carpenter ou le japonais Takashi Miike. John Landis, à l’époque davantage habitué au petit écran qu’au grand se fait une carrière télévisée aussi courte que peu affluente, dans laquelle on notera sa participation en tant que producteur exécutif de la sitcom Dream On (1990-96) et la série Chérie, j’ai rétréci les gosses (1997-2000). Il réalisera également un épisode de la série anthologique de fantastique Fear Itself (2008), l’héritière, si l’on veut, de Masters of Horror pour laquelle il a signé deux épisodes dont il sera question ici.
Pour la saison 1, Landis se retrouve en sandwich entre Joe Dante et John Carpenter pour la diffusion de Deer Woman (La Belle est la Bête en français, mais vous avouerez que c’est moins accrocheur). Joie des fans, qui voient le retour du réalisateur à l’horreur et à l’épouvante. Déception des mêmes fans, en s’apercevant que le moyen-métrage tient davantage du navet à la mise en scène ratée que d’un petit bijou d’horreur. L’histoire reprend une légende amérindienne, impliquant une magnifique femme prenant l’apparence d’un cerf pour piétiner les hommes qu’elle séduit (voir notre article sur la masterclass de John Landis pour en savoir plus sur la genèse du scénario, écrit par son fils Max). On y suit l’inspecteur Faraday, chargé du meurtre violent d’un homme par la fameuse femme biche. L’enquête traîne en longueur, où les scènes de discussions sur l’identité absurde d’un cerf tueur servent de running gag à l’humour lourd, voire exaspérant, on ne sait plus s’il faut rire ou être gêné. Les personnages se succèdent, tous plus clichés les uns que les autres, de l’inspecteur surpassé et divorcé à l’assistant sidekick aux remarques aussi pertinentes que lourdes, en passant par la jeune médecin légiste rebelle et macabrement gothique. La musique n’aide en rien, ponctuée de percussions indiennes et autres carillons dès l’apparition de la femme-biche, et de synthés dignes des années 80 pour le reste du moyen-métrage. La femme monstre quant à elle reste très (trop) secondaire, ne parlant pas, séduisant les hommes à l’aide de sourires niais et trop forcés. Les effets spéciaux sont de maigre qualité, et je vous déconseille fortement le doublage français qui vous fera saigner des oreilles. On appréciera quand même le petit clin d’œil au Loup-garou de Londres, lorsque l’inspecteur évoque un accident provoqué par un gros loup en plein Piccadilly Circus, citant la même date que la sortie du film. Résultat des courses : un moyen-métrage au pitch décalé, digne de la patte de Landis qui s’embourbe dans une mise en scène qui ne lui ressemble en rien : un retour télévisé raté et un gâchis de talent considérable.
Masters of Horror signe sa deuxième saison en 2006, où parait alors en deuxième épisode Une famille recomposée, seconde collaboration avec Landis. L’histoire narre le quotidien d’un quarantenaire solitaire, Harold, se révélant être un tueur se servant des squelettes de ses victimes pour créer sa vision de la famille idéale. Sa névrose le pousse à interagir de manière directe avec sa « famille », enchaînant disputes, conversations et déplacements dans la maison. Les victimes passent à l’écran de squelettes à véritables personnes vivantes dans une mise en scène astucieuse et amusante, jouant avec l’humour si connu du réalisateur. Le spectateur partage la vision du personnage principal jusqu’à un certain niveau de normalité, personnage incarné par George Wendt, ayant déjà travaillé avec Landis sur le clip de Michael Jackson Black or White (1991). Un jeune couple vient d’installer en face de chez Harold, qui y voit l’occasion d’agrandir sa famille, voire remplacer sa (défunte) femme. On plonge ainsi dans le quotidien d’un gentil voisin/serial killer, le suivant jusque dans ses enlèvements et autres tentatives, déroutantes de par une mise en scène efficace et comique. L’horreur n’est pas pour autant mise de côté, notamment avec l’ouverture du moyen-métrage présentant la préparation d’un squelette, cadavre plongé dans une baignoire d’acide. Un joyeux mélange en somme, entre l’horreur et le comique de situation, produit en majeure partie par les quelques discussions entre Harold et ses squelettes, qui agrandit au fur et à mesure sa famille selon son bon vouloir, et ceux des autres membres. Drôle, avec ce petit rien de nouveauté qu’il faut, Landis replonge dans la comédie horrifique, assurant un moyen-métrage surprenant, divertissant, au final imprévisible et particulièrement réussi.
Dans le rayon de la série d’horreur anthologique, Masters of Horror a surpassé ses sœurs, entre autres Contes de la Crypte (1989-1996), Fear Itself (2008) ou encore Au-delà du réel (1963-65) et ce, en deux saisons seulement. Landis en aura profité pour signer deux moyens-métrages très différents, mais qui marquèrent son passage à la télévision. Certains qualifieront ces épisodes de retour du maître de l’horreur, mais l’est-il réellement ? Hormis le petit bijou qu’est Le Loup-garou de Londres, Innocent Blood et ces deux épisodes réalisés pour la série Masters of Horror, Landis est avant tout un habile manipulateur se retrouvant dans n’importe quel film, tant qu’il peut le faire à sa sauce. J’aurai personnellement toujours à cœur de considérer John Landis comme un joyeux farceur s’essayant à tous les genres possibles en imposant son propre style, vision et humour.