L’éditeur Le Chat qui fume vient de ressortir deux pépites que nous vous chroniquons conjointement. Le premier, Dynamite Jackson (aka T.N.T Jackson en version originale) est un film de kung-fu à la sauce afro-américaine, le second, dont il est question ici, intitulé The Muthers mêle film de femmes en prison, blaxploitation et film d’action.
Expendagirls
Après le gros succès de ses films de prison – ou aussi appelés films de « femmes en cage » – Big Doll House (Jack Hill, 1971) et The Big Bird Cage (Jack Hill, 1972) déjà avec une star de la blaxploitation, l’indémodable Pam Grier – Roger Corman a l’idée de s’en inspirer pour en faire une autre version – s’il on veut – à moindre coût et surfant sur la mode de la blaxploitation. Pour se faire, il propose à son comparse Philippin, le réalisateur et producteur Cirio H. Santiago avec qui il avait déjà réalisé Dynamite Jackson en 1974 (voir notre article publié en marge de celui ci, qui revient plus longuement sur la blaxploitation et la collaboration entre Roger Corman et Santiago) de repartir tourner sur son île, avec les quatre belles afro-américaines de son choix, pour une histoire de femmes noires emprisonnées, à la fois un peu film de pirates et de kung-fu.
En dehors des avantages financiers qu’offre un tournage aux Philippines – je vous renvoie à nouveau à notre article sur Dynamite Jackson – l’autre atout majeur de la destination c’est que son passé colonial offre un large panorama d’acteurs aux origines variées et des panoramas très diversifiés pouvant signifier différents endroits du monde. Petite île perdue dans l’Océan Pacifique, non loin du Vietnam – l’endroit à souvent été utilisé pour représenter ce dernier à l’écran d’ailleurs – les îles Philippines peuvent à la fois faire office de pays asiatique – dans Dynamite Jackson, où le film est aussi tourné, on fait croire qu’il s’agit de Hong-Kong – que d’ersatz de Mexique ou de tout autre pays d’Amérique du Sud. Et pour cause, la colonisation ayant fait passer le pays sous les jougs successifs des Espagnols puis des Américains, en plus des origines asiatiques, les habitants parlent très bien l’anglais et l’espagnol, et certains d’entre eux portent même au sein de leur patrimoine génétique quelques racines hispaniques ou américaines. Ici, dans The Muthers (1976) c’est clairement aux caraïbes que l’on essaie de nous faire croire, avec cette histoire de pirates modernes qui accostent les îles et qui ont tous – hormis les héroïnes noires – des noms hispanisants.
L’histoire est celle de quatre très belles femmes noires qui s’allient pour essayer de faire libérer la sœur de l’une d’entre elle, devenue esclave dans une plantation de café gouvernée par un tyran du nom de Monteiro. Pour réussir leur mission, les quatre filles devront infiltrer la plantation, alors qu’elle est surveillée comme une gigantesque prison à ciel ouvert. Parmi les quatre filles en question, on retrouve une certaine Jeanne Bell, ex-première playmate noire de l’histoire du magasine Playboy et star deux ans plus tôt du hit Dynamite Jackson – dont, vous l’aurez je l’espère compris, nous vous invitons à lire… d’accord j’arrête – mais aussi une autre playmate noire célèbre, Rosanne Katon, petite black énergique habituée aux rôles de lesbienne. A côté de ces deux amies de Hugh Hefner, on retrouve Jane Kennedy – surement la moins connue des quatre – et la grande Trina Park, première James Bond Girl noire de la saga, face a Sean Connery dans Les Diamants sont éternels (Guy Hamilton, 1971).
On retrouve dans le film tous les clichés des films réunissant une fine équipe maniant la gâchette et la baston. Si vous espériez que le projet Expendabelles voit le jour – il doit réunir le fleuron des filles badass du cinéma contemporain dans une version, vous l’aurez bien compris, des Expendables mais à forte poitrine – et bien sachez que Roger Corman avait déjà bien compris le filon. Les mêmes ingrédients sont présents : une troupe de mercenaires qui doit accomplir une mission suicide alors qu’ils sont en sous effectif – ici, quatre nanas contre toute une armée de guerrieros – un méchant aussi ridicule que bad-ass – le Monteiro du film, interprété par J. Antonio Carrion un acteur sur-employé dans les productions d’Amérique du sud et des Philippines – et pléthores de baston à grands coups de mandales, de prises de kung-fu, de jets de couteaux et autres mitraillages à foison. Conçu comme un film d’exploitation – qu’il est – se devant d’être efficace, rythmé et surtout concis, le film ne perd pas de temps à installer son intrigue de sauvetage et se termine, sans fioritures, après une confrontation finale, sur le bateau de nos quatre panthères noires ayant libéré leur copine du joug tyrannique, s’en allant aux gré des vagues, voguer vers une prochaine mission.
Le Chat qui fume a beau nous prévenir juste avant le film que la version présentée n’est pas terrible du fait de la quasi-disparition du film, on ne fera pas la fine bouche. D’une qualité loin d’être catastrophique – l’image est plutôt bonne pour un film d’exploitation de l’époque, mais il manquerait quelques bouts du métrage, perdu avec le temps – cette édition de The Muthers est un must-see pour qui veut ajouter une pièce de choix sur l’étagère blaxploitation de sa dvdthèque. Pas de version française, mais une version originale d’une bonne qualité sonore avec des sous-titres français irréprochables. Le film sortant conjointement avec Dynamite Jackson dans ce que l’éditeur appelle la collection Action Girls, il bénéficie d’une jaquette assez semblable, reprenant l’affiche originale du film dans un packaging rappelant l’esprit des éditions dvd des films Grindhouse de Tarantino/Rodriguez. En bonus, on apprécie le petit reportage sur le film, plutôt bien documenté. Je ne vois décidément pas ce qui pourrait vous freiner.
Joris Laquittant