Mamá 4


Si l’on devait décerner un prix au film qui a eu le plus de succès de tout le festival, Mamá serait le lauréat incontesté, battant même Cloud Atlas niveau enthousiasme des festivaliers. Pourtant, la dernière production estampillée Guillermo Del Toro (que l’on adore tous, oui, TOUS, demandez dans votre entourage, vous verrez) n’est pas si exceptionnelle que ça…

Film Review Mama

Mamaaaaaaaaaaa, ouh ouh ouh ouuuuuuuuuuhhhhh…

Argentine, 2008. La crise touche de plein fouet le pays, mais tout le monde s’en fout, Dieg(r)o(s) Maradona est nommé sélectionneur de l’équipe nationale, et comme les argentins ne vivent que pour le foot (comme tous les pays latins, c’est bien connu), la patrie de l’Albiceleste vit dans la joie et la bonne humeur. Mais la même année, un petit gars du nom d’Andrés Muschietti (un nom italien, pas la peine de vous faire un dessin pour vous expliquer la provenance, hashtag #croixgammée) réalise son second court métrage, une perle de trois toutes petites minutes intitulée Mamá, produite par sa sœur Barbara, et qui narre l’histoire de deux filles, retrouvées après cinq ans de disparition dans une cabane abandonnée dans les bois et qui, pendant tout ce temps, se sont inventé une figure maternelle, sobrement appelée Mamá (en réalité un fantôme), qui les protège du danger, comme les hyènes de Bernie Noël. Remarqué par un certain Guillermo Del Toro, qui juge que le film a un gros potentiel pour devenir un long métrage (à raison), Mamá est donc rapidement envisagé comme un feature film, avec tout ce qu’il faut pour broder autour. Andrés et Barbara, qui opèrent comme scénaristes, gardent l’histoire de base, mais placent ensuite les gamines chez leur oncle Lucas et leur tante Annabel (Nikolaj Coster-Waldau et l’Annabelle Jessica Chastain) ; en les plaçant dans une vraie famille, les deux filles vont emmener Mamá avec elles, ce qui donnera lieu à bon nombre de situations fantaisistes et saugrenues, pour ne pas dire farfelues – CETTE DERNIÈRE PHRASE VOUS A ÉTÉ OFFERTE PAR LE DICTIONNAIRE DES SYNONYMES DES MOTS QUI N’ONT RIEN A FOUTRE LÀ.

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Faites-vous plaisir en visionnant le court métrage originel ici (si vous n’y arrivez pas, voici un tuto inutile qui vous explique comment se servir de Youtube – attention, la vidéo a été postée sur… Youtube), mais pas trop, ça risquerait de gâcher votre plaisir de découvrir le film. Car en réalité, cette version d’une heure quarante de Mamá n’est pas si brillante que l’on pourrait le penser. Passées les quelques incohérences et absurdités somme toute insignifiantes (auxquelles beaucoup, pourtant, semblent attacher de l’importance), il faut reconnaître que visuellement, nous sommes plongés dans un univers très sombre et très beau à la fois (je comptais appeler ça le « paradoxe Del Toro », mais ça sonne un peu trop Arènes de Nîmes à mon goût), et la mise en scène est clairement maîtrisée, il n’y a – presque – rien à redire là-dessus. Si l’on sentait déjà l’influence du mexicain barbu (je sais ce que vous allez me dire, les mexicains sont tous barbus, mais en l’occurrence, on ne parle que de l’un d’entre eux, faut suivre) dans le court, sa présence en os et bien en chair dans la fabrication du long ne fait qu’ajouter un peu plus à la qualité et à la richesse de l’univers proposé, et se permet même quelques situations que l’on n’a pas l’habitude de voir dans une production nord-américaine, surtout lorsqu’elle vaut 15 millions de dollars et qu’elle est distribuée par une major (Universal) : la fin, même si je ne souhaite pas vous la révéler, réussit quelque chose de fabuleux en mêlant l’horrible, le glauque oserais-je dire, avec le beau, et croyez-moi, des fins comme ça dans un film de cette trempe sont aussi rares que taboues.

D’un autre côté, ces points que le film gagne en originalité, il les perd aussitôt en sombrant dans la banalité la plus… banale. Certes, c’est estampillé Del Toro, on comprend dès la première seconde que l’ombre du producteur/influenceur plane au-dessus de l’œuvre (le film commence par : « Il était une fois »), mais l’excuse du conte de fées horrifique n’excuse pas tout. C’est bien d’oser, très bien même, mais allez jusqu’au bout, bordel ! Quand on se veut un film d’horreur, on essaie de faire peur un minimum, non ? Certes, on ne peut pas en vouloir plus à Muschietti qu’aux fils de Charlemagne, car c’est devenu un lieu commun de ce genre, aujourd’hui les films d’horreur ne font plus peur mais sont vendus injustement comme tels (pour plus de renseignements, voir Evil Dead (2013)), et inversement, les films qui font le plus peur sont rarement des films d’horreur (pour plus de renseignements, voir Cinéman). Les décors offrent une multitude de possibilités bêtement gâchées par des jump scares vus, revus et re-revus depuis soixante putains d’années, et c’est sans aucun doute l’élément primordial du film, celui qui enlève malheureusement la saveur du cinéma d’horreur au plus profond de ses entrailles.

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Cette semi-réussite très encourageante, d’un point de vue critique et surtout public (pendant son premier weekend d’exploitation, le film a engrangé deux fois son coût, et a confirmé à travers le monde entier ce carton par la suite) pêche aussi par un choix d’acteurs peut-être pas très judicieux, pour son actrice principale du moins. Jessica Chastain a beau avoir une place à part dans mon cœur de jeune amoureux des belles (vraies) rousses (et dieu sait qu’il y en a, à Intervista, qui en rêvent aussi la nuit, de la petite Jessica), le style punkette étant également un gros kif personnel depuis l’époque où je squattais le skate park derrière la patinoire en écoutant NOFX, elle reste finalement peu crédible dans ce rôle qui ne lui offre pas grand-chose, si ce n’est des cheveux courts et noirs. Heureusement que Nikolaj Coster-Waldau s’en tire bien et que les gamines sont bonnes (bonnes ACTRICES, je veux dire, non parce que j’ai pas envie de retourner en taule pour une autre accusation de pédophilie, c’est pas parce qu’on était dans les Vosges que NON MAIS STOP MAINTENANT), mais cela ne nous fera jamais oublier le gâchis qui a été fait de Jessica Chastain. JAMAIS, T’ENTENDS ? Alors je souhaite une très bonne continuation à monsieur Muschietti, et comme beaucoup, je crois énormément en ce garçon talentueux qui a certainement plus d’un tour dans son sac et qui saura nous surprendre encore par la suite. J’y crois.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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4 commentaires sur “Mamá

  • Percolatrice

    Oui, je lève la voix au nom de ceux qui attachent de l’importance aux « incohérences et absurdités somme toute insignifiantes » parce que non, il faut pas non plus nous prendre pour des cons.
    5 ans pour retrouver une bagnole qui, en quittant la route, a laissé des traces de pneus immanquables (JE VOUS ARRÊTE TOUT DE SUITE, LES SCATOPHILES), d’autant que le conducteur est recherché par les autorités à ce moment-là ; l’absence de ceinture de sécurité pour chacun des 3 personnages dans la voitures qui n’a absolument aucune conséquence puisqu’ils s’en sortent indemnes après une série de tonneaux vertigineux (on notera juste un des verres des lunettes très proprement fêlé chez l’ainée, peuchère) ; LES GAMINES QUI NE GRANDISSENT ABSOLUMENT PAS EN CINQ ANS (!), à moins qu’elles ne soient atteintes de nanisme, mais c’eût été bath de nous prévenir ; l’oncle hospitalisé qui ne revient toujours pas après avoir annoncé sa sortie sous 24h… Bref, j’en passe et des meilleures. Le film étant plutôt prévisible dans sa forme, ce sont « ces points de détails de l’histoire » (n’ayons pas peur des mots, diantre) qui, cumulés outrageusement de la sorte, me font bondir de mon siège (en plus de la sale gueule de Mama, mais c’est une autre histoire).
    Bref, cessons de prendre le spectateur lambda pour un abruti. Pour le reste, tout d’accord.

    Ceci était une minute de violence gratuite.