La Cabane dans les bois 3


N’ayons pas peur de le dire, La Cabane dans les Bois est sans aucun doute l’un des films d’horreur les plus originaux de l’année, et peut-être même de la décennie. Alors, vous ne m’en voudrez pas, mais pour étayer tout cela et profiter pleinement de cette originalité, cet article va nécessairement dévoiler l’intrigue du film et ses rebondissements rocambolesques. Aussi, je vous conseille plus que vivement d’aller voir le film avant de revenir me lire. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenu.

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Et maintenant, la jeunesse.

Il aura fallu attendre trois ans pour que La Cabane dans les Bois daigne ouvrir ses portes aux spectateurs. Tourné en 2009, le film a accompagné la longue traversée du désert du studio de la MGM qui dut même vendre les droits du film à Lionsgate pour renflouer ses caisses. Aussi, lorsqu’un film est lâché sans scrupules par une firme, bien souvent, c’est que le résultat ne doit pas peser bien lourd et que son potentiel marketing est limité. Mais voilà, la MGM n’avait pas anticipé le succès faramineux des Avengers réalisé par Joss Whedon. Lorsque, trois ans après, en 2012, Lionsgate lance La Cabane dans les Bois en salles, le studio ne se prive pas pour surtitrer “par Joss Whedon le réalisateur d’Avengers“, et le tour est joué. Le film connaît un bon succès en salles, aux Etats-Unis comme en France. Il réussit à séduire la critique au passage, et s’offre même une bonne entrée sur le marché de la vidéo, il y a seulement quelques semaines.

La Cabane dans les bois, c’est d’abord l’association de deux noms très en vogue à Hollywood : Joss Whedon – on l’a dit, réalisateur de The Avengers mais aussi créateur de la série Buffy contre les Vampires – et Drew Goddard – qui passe ici pour la première fois derrière la caméra après avoir été le scénariste de Cloverfield (2008, Matt Reeves) ou de la meilleure série jamais faite, Lost, les Disparus. Le film apporte donc clairement un sang neuf dans la production américaine actuelle, il faut le dire, un peu aseptisée d’idées, à une époque où les meilleurs réalisateurs du genre – de Carpenter à Craven en passant par Romero – ne font plus que se répéter. La Cabane dans les bois commence d’ailleurs par une première séquence se déroulant dans une grande firme scientifique où des laborantins discutent de tout et de rien autour de la machine à café. Puis ils viennent à parler de leur boulot. Ils dressent un constat sur leur activité à l’échelle internationale. L’une de leur collègues vient les informer que Stockholm s’est planté. Et qu’il ne reste plus qu’eux, les Américains, et le Japon. “Nous devant, le Japon juste derrière”, dit-elle. Comme si ces scientifiques eux-mêmes dressaient le constat du cinéma de genre d’aujourd’hui. Un constat propre à Whedon et Goddard, et habilement dissimulé dans le double sens évident de leur dialogue. Ce double sens, d’emblée, sera appliqué au film dans son ensemble, puisqu’il s’avérera que ces scientifiques sont en fait les grands manitous d’une sorte d’ersatz de télé-réalité pour on ne sait quel public. Le principe est simple, on prend des jeunes un peu clichés, et on les enferme dans une maison. Ici ce n’est pas un loft tout confort avec piscine, c’est une cabane dans les bois, ambiance trappeur. Comme le dit lui-même Joss Whedon, cette cabane lugubre au fond des bois est un lieu commun du cinéma d’horreur. Mais là où le film devient très intéressant, c’est qu’il fait de tous les lieux communs qu’il surexploite des rebondissements absolument inattendus.

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Les scientifiques ou producteurs de shows tv, appelons-les comme on veut – mais bon, ils ont des blouses blanches, ce qui n’est pas vraiment la tenue habituelle au siège d’Endemol – ont donc ces jeunes gens à portée de main, et des milliers de caméras pour filmer leurs agissements. D’une simple commande, ils peuvent appuyer sur le bouton “Phéromones”, et ainsi forcer une jolie fille à se laisser aller à une partie de va-et-vient forestière avec Chris Hemsworth. L’idée originale de leur “émission”, c’est que ce sont les jeunes d’une certaine manière, qui vont choisir comment ils vont mourir. Encore un autre bouton de poussé, et voilà la trappe de la cave qui s’ouvre, laissant en son intérieur des tonnes d’artefacts dont chacun correspond à une sentence différente. Lequel de ces artefacts sera actionné le premier ? Voilà ce qui importe nos charmants laborantins derrière leurs écrans de contrôle. Pour ces jeunes là, la lecture d’un vieux recueil latin libérera de terre des zombies affamés. Vu et revu, me direz-vous. A cet instant du film, le spectateur oscille entre l’ennui et la surprise. Car oui, les zombies, en ce moment, c’est un peu le B.A. BA du cinéma d’horreur, le plus lieu commun des lieux communs, mais on jubile toutefois de les voir dézinguer aussi sauvagement ces abrutis de jeunes. Et à la vitesse où ils s’exécutent, on comprend vite que ces revenants ne seront pas le clou du spectacle.

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Alors que la plupart de ces jeunes sont désormais six pieds sous terre, ou baignant dans leurs tripes, nos amis laborantins jubilent et fêtent gaiement la fin de leur (é)mission. Une victoire d’autant plus savoureuse que leurs comparses japonais viennent de rater complètement leur show, leur fantôme tout droit sorti de The Grudge ayant fait copain-copain avec la classe de maternelle qu’il devait massacrer. Pour eux, c’est fait. Les Américains, avec leurs habituelles ré-exploitations des codes du genre, viennent de stopper la vague japonaise. Mais voilà, ces vieux briscards se sont un peu rapidement assis sur leurs lauriers. Deux des jeunes ont non seulement survécu, mais l’un d’eux à mis à nu tous les artifices. C’est réellement à cet instant que le film prend toute sa dimension. Le scénario de Whedon et Goddard est en réalité une satire brûlante du cinéma d’horreur américain, trop gouverné à leur goût par des vieillards n’ayant plus d’idées. Les scientifiques qui actionnent leurs boutons pour lancer des événements pré-conçus sont comme des scénaristes usant des bons vieux tuyaux pour repomper une vingtième fois la même histoire. Sous les blouses blanches, c’est donc un peu George Romero, John Carpenter ou Wes Craven. Les deux compères partent donc en croisade contre ce cinéma qui n’a plus d’idées, de la même façon que leurs deux jeunes rescapés décident d’aller découvrir ce qui se cache sous ce massacre.

En prenant un ascenseur qui les mène dans les salles de contrôle, ils découvriront que le laboratoire tient en fait prisonnier une collection de monstres du cinéma d’horreur. Des loups garous, sorcières, vampires, aliens, serpents géants et même des licornes ! Tous entreposés là, dans des centaines de ces mêmes ascenseurs. Chacun aurait donc bien pu être libéré par les jeunes s’ils avaient actionné dans la cave, l’artefact qui le représente. Comme Frankenstein jadis, c’est un autre lieu commun que de voir une expérience – qui plus est monstrueuse – se retourner contre son créateur. Et c’est exactement ce qui arrive quand les deux jeunes, ayant découvert une partie du secret, sont pris en chasse par des unités d’élite en charge de les éliminer. Cachés dans une salle de contrôle, nos deux héros parviennent à actionner le bouton des ascenseurs et donc à libérer l’ensemble de ces monstres qui se prêtent alors à un jeu de massacre absolument jouissif pendant plus d’une demie-heure.

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Nos deux jeunes finiront par découvrir que tout cela n’est pas une émission de télé-réalité. Non, il s’agit bel et bien d’un sacrifice rituel perpétué depuis des années aux quatre coins du monde pour garder au calme des titans, divins ancestraux. Nos deux jeunes ont deux choix, se sacrifier pour calmer les dieux et sauver le monde, ou bien les libérer. Cette révélation faite par Sigourney Weaver – dans une apparition totalement inattendue elle aussi – donne une nouvelle fois corps à la dimension de pamphlet du scénario de Whedon et Goddard, puisqu’elle leur explique que depuis des temps immémoriaux, on sacrifie les hurluberlus de leurs espèces pour les “punir de leur jeunesse”. Serait-ce là le sentiment de Whedon et Goddard sur Hollywood ? Chaque jeune souhaitant faire du cinéma d’horreur à Hollywood ne serait il pas sacrifié sur l’hôtel des anciens, son sang neuf conservé pour nourrir les dieux de la discipline, et les laisser reposer en paix, bien pépère, sur leurs lauriers ? De même que dans leur film, leurs héros décident de ne pas se sacrifier et de libérer les dieux, Joss Whedon et Drew Goddard prouvent avec La Cabane dans les Bois que la jeunesse n’a plus peur de froisser les anciens. Plus encore, ils démontrent, équations à l’appui, qu’il est tout à fait possible d’être original en ré-exploitant des lieux communs. Et c’est exactement ce qui définit La Cabane dans les Bois. Son titre , son pitch, ses personnages, tout semble avoir été déjà vu mille fois. Et pourtant, on n’avait jamais vu ça.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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