L’avantage quand on considère le Cinéma comme un Art, c’est qu’on tombe très vite sur de jeunes insolents désireux de montrer que si ça se trouve, ce n’est pas le cas tout en balançant des pavés dans l’étang de la bienséance et du politiquement correct. Et en piochant dans le panier des gremlins du 7ème art (gag, donc), il y a des risques de tomber sur un garnement du nom de Sacha Baron Cohen qui était cette année très attendu pour The Dictator, son 400ème coup. Et c’est bien connu, quand on passe son temps à faire des bêtises et à monter des farces de plus ou moins mauvais goût, il y a des fois où on fait moins bien qu’à l’accoutumée, et c’est peut-être le cas ici.
Wadiya Connection
Disons-le franchement, si j’étais un producteur, jamais je ne financerais un projet de Sacha Baron Cohen, pas même en l’épaulant d’un scénariste à ma botte, de peur que bien vite les avocats de François Hollande remontent jusqu’à moi et me fassent payer l’affront d’avoir laissé un acteur faire “dans le cadre d’un film” tournoyer son pénis sur scène lors d’un discours du Président (et Dieu sait qu’en France on ne rigole pas avec ça, et ce ne sont pas Dominique Strauss-Kahn, Frédéric Mittérand et Franky Vincent qui me contrediront). D’ailleurs on se souviendra de cette fameuse 84ème cérémonie des Oscars durant laquelle Baron Cohen en costume de Dictateur s’est brillamment illustré en renversant les “cendres de Kim Jong-il” sur le tapis rouge devant une presse aussi médusée qu’hilare et des vigiles incrédules (ceci dit, on vous avait prévenu que les juifs avaient le sens du buzz). On se souviendra aussi de ses deux spots diffusés le lendemain des élections présidentielles de notre beau pays pour “féliciter” François Hollande, histoire de confirmer les attentes de ceux qui espéraient beaucoup de The Dictator dont le buzz est entretenu depuis suffisamment longtemps pour s’empresser de foncer dans les salles obscures. En plus il y avait la fête du cinéma et la pub du petit cinéphile qui drague une fille qui joue moins bien qu’un gosse 8 ans.
L’histoire raconte celle du général Aladeen, un dictateur ubuesque dont le personnage est entretenu par les divers buzz sus-cités, versé dans le stupre et l’opulence depuis l’âge de raison et parfaitement à l’aise au sein d’une dictature qu’il souhaite ne pas voir détruite au profit d’une de ces ridicules démocraties dont les occidentaux se vantent tant. Seulement, lorsque l’oncle Tamir, son conseiller, la lui fait à l’envers pour berner l’OTAN avec une doublure suffisamment manipulable dans le but d’anéantir un régime gouverné par un tyran qui accorde plus d’importance aux filles de joie qu’au peuple (mais peut-on sincèrement le lui reprocher?), il entend bien faire cesser cette mascarade et empêcher une élite bien-pensante de laisser la parole à ses sujets. Pas de bol, une habile feinte scénaristique fait qu’il se retrouve démuni de sa barbe débroussaillée, ce qui l’empêche alors de prétendre être le vrai Général, admettez que c’est dommage. Comme si la vie en slip dans New York n’était pas suffisamment humiliante, il se fait remarquer et récupérer par un personnage qui illustre parfaitement ce à quoi s’oppose l’idéologie son ancien régime: une féministe écolo militante et mal rasée sous les bras, l’impression d’y voir un Frodon avec des seins. Seulement, Frodon avait pour but de détruire l’Anneau unique pour faire revenir le calme plat dans la Terre du Milieu, alors que notre protagoniste féminin est la directrice d’une boutique bio.
La suite, je vous la donne en mille. Le temps de manigancer un plan pour retrouver sa place, Aladeen va donc travailler dans une boutique bio, tisser des liens avec Zoey le hobbit, en tomber amoureux, mettre en place un plan infaillible pour défaire l’imposture mise en place par l’Oncle Tamir, avouer à Zoey qu’en fait c’est le vrai Aladeen, puis faire un choix entre les putes, les 40° à l’ombre, le chameau farci aux pommes et le véritable amour. Ah. Évidemment, on sait tous comment ça va se terminer, il va choisir en faisant un beau discours celle qui a joué dans Scary Movie et qui a fait la voix de Jeanette dans Alvin et les Chipmunks. Et comme c’est une comédie, il va accepter la démocratie à condition de piéger au C4 l’isoloir dédié au candidat d’en face, on rigole tout de même un peu. J’aime à le dire, quand on sait clairement comment un scénario se termine, il vaut mieux considérer le chemin pris par celui-ci pour nous mener au dénouement que de bouder son plaisir juste parce que: “Pff, la fin est trop évidente”. Je m’explique avec un exemple basique, on sait tous dès le début de The Dark Knight que Batman en aura terminé avec le Joker et fera triompher la justice d’ici la fin de la séance, or ce qui va attirer notre attention, ce sont les différentes péripéties et autres retournements qui donnent de l’intérêt au film (moi, je dis ça, c’est parce que c’est un exemple qui parle au public, je trouve que c’est surévalué, un peu comme les gnocchis, mais cet avis n’engage que moi) . Là où je veux en venir, c’est que The Dictator se prend un peu les pieds dans sa scénarisation dans la mesure où on sait parfaitement comment ça va se terminer, mais on se fait également une toute aussi parfaite idée du chemin qui va être parcouru, puisqu’on a vu ça 50 fois, ne serait-ce que récemment avec Avatar. Du coup, on attend simplement le prochain gag, la prochaine réplique, la prochaine situation burlesque qui nous feront reconnaître l’humour de Borat qui avait assumé un aspect formel lui permettant de donner du crédit aux allusions racistes et aux blagues zizicaca de Baron Cohen.
On est rarement déçu, c’est quand même formidablement insolent, à la manière d’un Borat ou d’un bon South Park, le problème viendra, selon moi, de la forme choisie qui dilue l’impertinence attendue dans une romance vue et revue. De plus, le Dictateur Aladeen est un personnage émergeant d’un buzz savamment entretenu depuis six bons mois et une fois qu’on le voit à l’écran, on a du coup l’impression d’être devant un film adapté dudit personnage alors qu’il était originellement créé pour cette occasion. D’une certaine manière, on peut gratter et décider d’y voir là un phénomène cousin à celui qui fait la force du Dictateur de Chaplin, lorsque le film aurait été privé de ce qui lui confère sa singularité sans ce rapport à son contexte historique. Et histoire d’être encore plus casse-couilles, on pourrait même remettre cette sordide histoire de moustache sur le tapis si l’on considère que The Dictator c’est Borat + Bridget Jones parce que Sacha Baron Cohen aura dans l’un une moustache qu’il rase dans le second, et ça, André Bazin doit être tout deg’ d’être mort pour ne pas en faire un article. Je ne suis pas payé à la ligne et j’estime que c’est déjà trop en dire, puisqu’on passe tout de même un sacré bon moment devant The Dictator qui n’est après tout qu’une comédie, et une comédie est réussie dès lors qu’on rigole en avalant de travers son pop-corn, ce que le film parvient à faire dès la première image.
P.S : Mesdemoiselles, n’hésitez pas une seule seconde, vous y apercevrez le PÉNIS de Sacha Baron Cohen, ce qui au passage mériterait bien un commentaire du genre: “à part dans dans les comédies françaises des années ’70, ça faisait longtemps que le cinéma ne s’était pas autorisé une teub à l’écran juste pour la blague. Jean-Luc Bideau commençait à s’impatienter”.