Nolan m’a tuer 9


A quelques jours de la sortie de The Dark Knight Rises, film-événement s’il en est, il est temps d’arrêter de se voiler la face, et dire tout haut ce que l’on pense tout bas depuis des années. Et puis pourquoi est-ce que l’on se priverait, de toute façon, personne ne nous lit. Peuples du monde, rendez-vous à l’évidence: Christopher Nolan est tout l’inverse du génie que tout le monde croit être.

Une toupie tourne sur une table grise, gros plan issu du film Inception de Christopher Nolan.

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Beaucoup de bruit pour rien

La sortie de The Dark Knight à l’été 2008 a été un moment charnière pour le blockbuster, au moins autant qu’Avatar l’année suivante. Porté au ciel par les critiques, les spectateurs et les fanboys du justicier de Gotham, le film de Christopher Nolan a laissé quasi-instantanément une profonde empreinte dans l’histoire du cinéma hollywoodien du vingt-et-unième siècle. Contrairement à Batman Begins, qui souffrait de beaucoup de défauts, tant dans la technique que dans l’histoire et la construction des personnages, The Dark Knight est certes beaucoup plus réussi, mais il ne se révèle être au final rien de plus qu’un blockbuster lambda, qui n’a ni la noirceur ni le « style Nolan » que tout le monde lui trouve, et qui n’a, pour principal intérêt, que l’excellente interprétation du Joker par Heath Ledger, qui bouffe littéralement le personnage de Christian Bale et qui le relègue presque au rang de second rôle dont tout le monde se branle un peu.

Et puisque l’on parle de ça, qu’est-ce que le « style Nolan », au juste? Si l’on regarde de plus près, il n’y a rien, dans la mise en scène ou le montage, qui atteste d’un style propre au réalisateur. D’aucuns citeront Memento, le second long-métrage du bonhomme, pour prouver ce statut d’auteur, qu’on lui attribue à tort. Un récit non-chronologique, l’utilisation du noir et blanc, des personnages naïfs évoluant dans un milieu sombre… Bref, rien de révolutionnaire, ni même de simplement nouveau, d’autant plus que l’on ne rencontre ces éléments, qui font, soi-disant, le style de Nolan, dans une minorité de ses films seulement (en réalité, seuls ses trois premiers films attestent ce « style », le dernier étant justement… Memento). Le cinéaste britannique devient alors l’exemple le plus intéressant de ce que l’on appelle, à tort, un « auteur ». Ce mot, qui apparaît presque comme un titre honorifique, lui est attribué en grande partie par des journalistes très (trop?) enthousiastes et par de jeunes cinéphiles qui, à l’évidence, ont encore beaucoup à apprendre sur l’histoire du cinéma. En ayant grandi avec la toute-puissance de Spielberg sur le blockbuster US, avec des films comme Les Goonies, Retour vers le Futur, Les Gremlins, etc., à une époque où blockbuster signifiait encore divertissement familial, il est vrai que voir Nolan débarquer dans l’univers Batman, qui plus est après Joel Schumacher et la déception qu’il a amené aux fans du célèbre justicier, ça fait un petit choc. Et l’on crie au génie parce qu’il sait très bien donner l’illusion qu’il réinvente un mythe. D’autant plus qu’il créé de toutes pièces un casting composé d’acteurs que l’on imagine volontiers dans autre chose qu’une grosse production hollywoodienne: Christian Bale, Michael Caine, Gary Oldman, Heath Ledger, Cillian Murphy… Mais une illusion ne trompe pas forcément tout le monde, et il est aisé de se rendre compte que le mythe de ce Batman dark est un coup d’épée dans l’eau. Il suffit de prendre pour preuve certains comics, dont Nolan semble s’être inspiré: The Dark Knight de Frank Miller (publié en 1986), notamment, qui est un chef-d’œuvre de noirceur et de complexité, surtout autour du personnage de Batman, et qui n’a rien à voir avec la pseudo-noirceur de Nolan, dont on a peine à croire que le Batman/Bruce Wayne est un personnage mentalement torturé.

Nolan serait « un auteur », donc, parce qu’il écrit ses propres films (un fait rare à Hollywood, il est vrai, mais passons). Bien. Encore faudrait-il que le terme « auteur » au cinéma ait le même sens qu’en littérature, ce qui n’est pas le cas. Et puis, la recherche esthétique dans la construction technique chez Nolan n’est finalement pas plus profonde et minutieuse que chez un Roland Emmerich ou un J.J. Abrams. Même lorsque l’on regarde un film comme Inception, qui se veut plus personnel et recherché (non, sérieusement, mec, C’EST UN BLOCKBUSTER. Un blockbuster personnel et recherché, SERIOUSLY ?), ce qui est clairement privilégié, ce sont les effets spéciaux (par ailleurs très réussis), le spectaculaire ayant une place toute spéciale dans ce film. D’ailleurs, une grande partie des dialogues d’Inception n’est que remplissage, des explications tirant sur le philosophique qui sonnent faux, pour donner l’illusion d’un long-métrage profond qui se termine sur une fin prévisible et trop facile. Ajoutez à cela des dialogues moralisateurs et vous aurez le scénario des deux Batman (et, on s’en doute, du dernier aussi). On comprend donc pourquoi personne n’écrit jamais ses propres films, à Hollywood.

Cette intellectualisation du blockbuster devient presque menaçante pour le cinéma à gros budget, beaucoup de spectateurs lambda ayant par exemple apprécié Inception pour sa fin « difficile d’accès » (je cite). Doit-on comprendre alors que faire d’un blockbuster un film compliqué équivaut à révolutionner le genre? Car c’est bien l’expression qui est souvent employée pour parler de Christopher Nolan: il révolutionne le genre. Et révolutionner un genre, lorsque l’on a aucun style, c’est dur. A sa sortie, Inception avait souvent été comparé à Shutter Island, sorti quelques mois plus tôt, à cause de leur ressemblance: deux films jouant sur le mental, dans lesquels Leo DiCaprio est à la fois l’instigateur et la victime de l’intrigue principale, et avec une fin pouvant être interprétée de deux manières opposées. Mais là où Scorsese ressort glorieux, Nolan s’embourbe dans un océan d’explications tordues et de facilités scénaristiques, certes très bien camouflées, mais tout de même bien réelles. A l’inverse, chaque plan de Scorsese est vicieux, si bien qu’il est presque impossible de voir une première fois Shutter Island sans croire aveuglément à l’explication qui est la plus simple (le personnage de DiCaprio est fou), et revenir entièrement sur cette réponse à la deuxième vision, sans plus savoir distinguer ensuite le vrai du faux. Et malgré ce minutieux travail, Scorsese n’a jamais été considéré comme un auteur, ou alors, pas avec l’enthousiasme que l’on a aujourd’hui pour Nolan.

Pourtant, la vérité est que Mr. Christopher Nolan n’est ni plus ni moins qu’un simple produit d’Hollywood qui devient, à force de compliments et de propos démesurés venant de toutes parts, un hybride d’auteur, inquiétant pour l’avenir du cinéma d’auteur, le vrai. Celui qui est créé de toutes pièces par des cinéastes bouillonnant d’idées originales et intelligentes (vous aurez donc compris que des cinéastes tels que Philippe Garrel ou Christophe Honoré n’ont pas leur place dans cette catégorie). Mais c’est un hybride qui devient inquiétant également pour le blockbuster hollywoodien, car si un blockbuster est, par définition, un film trop démesuré pour qu’il soit réel, les films de Nolan sont, eux, l’illusion d’une illusion. Dans tous les multiplexes, toutes les salles un peu plus petites, ses films sont distribués. Un cinéma qui est, donc, à la portée de tout le monde, et que le public gobe, les yeux ébahis devant des œuvres dont le ton les transporte en leur faisant croire à un film original, mais qui n’est rien de plus qu’un pur produit à l’américaine, entièrement formaté et calculé à l’avance. Ne serait-ce que dans la musique, souvent composée par Hans Zimmer (notamment sur la trilogie Batman), qui est sans aucun doute le plus ennuyeux, le plus insipide, bref, le pire compositeur de bandes originales. Quand des cinéastes tel que Joel Schumacher, Michael Bay ou Roland Emmerich sont assassinés par une majorité des critiques lorsqu’ils sortent un film (peu importe qu’il soit bon ou mauvais), en prenant comme argument principal « un budget trop élevé », je tiens à rappeler, dans toute leur mauvaise foi, que le budget de production de The Dark Knight Rises est de 250 millions de dollars, ce qui est plus que celui d’Avatar (je parle en coût de production seul, sans les coûts de promotion) ou de Transformers 2, qui était pourtant le film le plus cher de la série avec 200 millions. Et je terminerai en affirmant que chez des cinéastes comme les trois qui ont été cités plus haut, on trouve une vraie sincérité qui peut rendre les films un peu niais, parfois, mais qui est malgré tout la pierre angulaire de leur style. Je fais un peu mon Zola et accuse, donc, Mr. Christopher Nolan et tout le bruit incessant qu’il y a autour de lui, alors que l’on devrait plutôt commencer par considérer à leur juste valeur ces Michael Bay, Joel Schumacher et consorts. J’attends.

Valentin Maniglia


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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9 commentaires sur “Nolan m’a tuer

  • Jean Rouche-Fort

    J’avouerais même avoir bien aimé le Batman de Shumacher avec T.Lee Jones et Jim Carrey, j’ai passé un bon moment devant et au final, je ne sais pas si on doit s’attendre à plus devant un film de super-héros, là où Nolan semble préférer tapper dans le thriller/film de gangster avec un super-héros. Du moins, c’est la nuance que j’interprète devant ses films. Je me suis repassé The Dark Knight la semaine dernière, après le médiocre BBegins, je n’ai pas perdu mes deux heures, ça reste un film devant lequel ça ne me dérange pas d’être assis, et ce sera le cas pour TDKR, j’imagine, mais effectivement, le film n’est sauvé que par le Joker et la mise en scène de celui-ci. Et encore, le Joker de Ledger est un psychopate caustique, tandis que Nicholson était le bouffon dangereux proche de celui du sacro-saint dessin animé.

  • Antoine Giampaolo

    Bonjour,

    Malheureusement vous avez un lecteur et qui plus un fan inconditionné de M. Christopher Nolan.

    Je ne vais pas crier au scandale et dire que vous n’êtes qu’un menteur mais je voudrais apporter quelques nuances et appréciations à cette plainte.

    Premièrement vous pointez du doigt l’utilisation de l’expression « le style Nolan » d’abord en insultant les « jeunes cinéphiles » qui n’ont surement pas votre culture cinématographique démesuré et qui sont donc aveuglés par leur naïveté et qui apprécient tranquillement un film. Excusez moi mais, avant de vous plaindre de n’avoir que très peu de lecteurs, essayer d’éviter de les insulter en prônant que votre goût est suprême et qu’il faut révéler au monde la réelle nature du plus grand usurpateur de l’histoire du cinéma, j’ai nommé : Christopher Nolan.

    Vous rajoutez à propos de ce fameux « style » que :  » il n’y a rien, dans la mise en scène ou le montage, qui atteste d’un style propre au réalisateur ». Je ne suis pas totalement d’accord avec ça. D’abord, je pense qu’il y a réellement dans les films de Nolan une manière et un style de monter tout comme une certaine mise en scène, vous le dites vous même avec une pointe d’ironie : « Ajoutez à cela des dialogues moralisateurs et vous aurez le scénario des deux Batman (et, on s’en doute, du dernier aussi) », visiblement vous lui reconnaissez tout de même une certaine homogénéité. Si l’on prend, justement, Memento, le film est monté en deux parties à l’envers. Vous me direz que ce n’est repris dans aucun de ses films. Et encore heureux. Si le style de montage devait se définir par le fait d’une narration à l’envers en deux parties, je préfèrerais faire des bons films plutôt qu’avoir du style ! Vous ajoutez : « Bref, rien de révolutionnaire, ni même de simplement nouveau » en parlant de Memento. En effet, c’est un film noir assez classique, pourtant, je n’ai jamais vu de film qui lui ressemble particulièrement. Le film a été reconnu d’ailleurs surtout pour son scénario et en aucun cas pour son aspect nouveau et révolutionnaire.

    Vous accusez ensuite Nolan d’être reconnu en tant qu’auteur et vous ajoutez : « Nolan serait « un auteur », donc, parce qu’il écrit ses propres films ». Vous faites erreur. On n’accorde en aucun cas le statut d’auteur à Nolan pour l’écriture de ses films mais simplement pour le contrôle qu’il a dessus. Et vous ne mettez pas en évidence le fait que justement, Nolan fait partie du système hollywoodien tout en réussissant à imposer ses scénarios, dont il est d’ailleurs le plus souvent co-scénariste, et en imposant aussi son montage final. Chose rare dans un système où le producteur détient le final cut.

    Vous vous attaquez ensuite au fait que Nolan fasse des blockbusters. D’abord en réinventant totalement la définition du terme : « Inception, qui se veut plus personnel et recherché (non, sérieusement, mec, C’EST UN BLOCKBUSTER. Un blockbuster personnel et recherché, SERIOUSLY ?) ». Je tiens donc à préciser que le terme blockbuster ne donne qu’une information quantitative quand au budget et à l’équipe déployé. Et personnellement je trouve Inception 1000 fois plus intéressant d’un point de vue cinématographique que Transformers. Bien que je trouve beaucoup de défauts à Inception. Donc, oui, on peut faire un blocbkbuster un peu plus recherché.

    Dernièrement, vous dites :  » Quand des cinéastes tel que Joel Schumacher, Michael Bay ou Roland Emmerich sont assassinés par une majorité des critiques lorsqu’ils sortent un film (peu importe qu’il soit bon ou mauvais), en prenant comme argument principal « un budget trop élevé » ». Non je ne crois pas. Je ne crois vraiment pas que l’on critique le budget des films. Mais plutôt leur contenu. Les films de Nolan bien qu’ils ne soient pas des chefs d’œuvres de cinéma d’auteur, véhiculent tout de même une certaine idéologie, une vision de la société. Ce que ne fait, à priori pas, Transformers ou (puisque vous citez Emmerich) 2012. Vous arrivez même jusqu’à accorder une certaine « sincérité » chez ces réalisateurs. Excusez moi, mais avant d’être sincère, il faudrait dire quelque chose et faire une proposition.

    Effectivement les films de Nolan sont des films spectaculaires, à grand budget. Je ne vois pas en quoi ces deux adjectifs seraient incompatibles avec l’idée de faire un bon film. Puisque visiblement vous savez ce qui est bon ou pas pour « le peuple », masse de moutons invertébrés, sans cervelles, bon a être engraisser : « Dans tous les multiplexes, toutes les salles un peu plus petites, ses films sont distribués. Un cinéma qui est, donc, à la portée de tout le monde, et que le public gobe, les yeux ébahis devant des œuvres dont le ton les transporte en leur faisant croire à un film original ». D’accord, peut être que je déforme un peu, mais pas tant que ça. Dites nous donc, au grand prêtre du cinéma, ce qu’il serait bon d’aller voir, pour réussir à ne pas aimer les films de Nolan. En tout cas, personnellement je prend énormément de plaisir à voir ses films qui sont pour moi des divertissements un peu moins « no brain » que certains films que vous citez. Et je crois que c’est l’important. Je n’accorde pas à Nolan le statut de génie du cinéma mais c’est pour moi un réalisateur qui sait avant tout transporter le spectateur et le divertir. Et en effet, malgré le fait qu’il soit totalement intégré à Hollywood (puisqu’il est bankable) je lui accorde un certain style : que je définirais comme un mélange de blockbuster, film noir et thriller psychologique. Et,en effet, même si je peux comprendre que l’on n’aime pas, il faut, à mon avis, lui accorder le fait qu’il soit à peu près le seul à faire ce genre de film (je ne sais pas si vous avez vu le dernier spiderman mais c’est pour moi bien une tentative d’imitation du style Nolan en essayant d’introduire plus de psychologie au niveau des personnages).

    Sur ce, je vous laisse, je dois aller me préparer pour aller voir l’avant première de « The Dark Knight Rises » au Grand Rex.

    Au plaisir,
    Antoine Giampaolo.

  • Joris Laquittant

    Je laisserait Valentin répondre plus précisément, l’article reflétant d’avantage son point de vue personnel. Par contre j’ajouterai que la notion « d’auteur » qui est mis en avant par la plupart des fans absolu de Nolan contribue encore d’avantage à cet espèce de gloubi-boulga autour de ce terme, qui « tri sur le volet » qui l’est et qui ne l’est pas : et ce sur le succès d’un film, ou l’insuccès d’un autre.

    1) Peter Jackson écrit ses films, et en a un total contrôle. Jamais je n’ai lu dans la presse qu’il était un auteur. Il en est de même pour James Cameron…

    2) Si avoir le contrôle total de ses films révèle la patte d’un « auteur » : alors Michael Bay est un auteur.

    3) Ici en France, l’auteur est celui qui fait tout, qui écrit et réalise, à ce titre Nolan et Jackson en serait donc. Mais pour la presse et les cinéphiles, dès lors qu’on s’éloigne de nos frontières, et qu’on s’approche des Etats-Unis, un auteur est celui qui fait des films jugé un peu plus « brain » pour reprendre tes dires.

    Hors à mon sens, un auteur se considère selon sa filmographie, et l’évolution de cette dernière. Dès lors que la lecture et l’analyse de celle-ci peut s’articuler d’un film à l’autre, et s’organiser sur une réflexion logique. Qu’importe l’argent misée ou qui à écrit le scénario. David Cronenberg n’a pas écrit 1 film sur 5 de sa filmographie, et il demeure à mon sens l’un des réalisateurs actuel les plus « logiques » dans la construction d’une oeuvre, d’une filmographie. Voyons Clint Eastwood, aux détours de films sensiblement différents sur la forme (Prenons par exemple « Space Cowboys » et « Gran Torino ») il constitue de véritables thématiques d’Auteurs qui permettent aujourd’hui de facilement déceler des réflexions que je nomme « d’auteurs ».

    Et sur cette logique là, on peut plus aisément déceler (pour le moment) chez James Cameron ou voir même chez Roland Emmerich (bien que je ne sois pas très friendly de ces deux là) une logique d’auteur, de thématiques, au sein du circuit Hollywoodien. Qu’est-ce-qu’une « patte », une empreinte technique ou une recherche thématique ?

    Christopher Nolan a probablement son empreinte technique (je trouve qu’il s’agit d’un des meilleurs techniciens visionnaires de sa génération) mais comme Fincher (l’ancien Christopher Nolan en soit) ils restent aujourd’hui, de part leurs choix de films, des faiseurs très brillants, très prodiges, mais pas (encore) des auteurs. Je ne vois aucune autre articulations logiques, que sa maitrise technique, entre ses Batmans, son remake d’Insomnia, Le Prestige, Memento ou même The Following.

    Je ne pense pas que par son article, Valentin souhaite dire que Christopher Nolan est une merde, Valentin use toujours d’une certaine ironie et d’une grande provocation (ce qui lui vaut de se faire insulter voir taper dans les soirées, et je le plains pas, ça me fait marrer) mais je le rejoint en tout cas sur l’idée que l’adulation de Christopher Nolan est probablement trop anticipée. Et à ce titre, rappelons nous de ce que certains cinéphiles disaient de David Fincher, à l’époque de « Seven » ou « Fight Club », pas loin de ce que disent aujourd’hui les adulateurs de Nolan. Aujourd’hui, le débat se pose presque plus pour dire que Fincher est avant tout un habile faiseur, capable de placer sa « patte technique » sur à peu prêt tout les moules Hollywoodiens. On en reparlera pour Nolan dans cinq ou dix ans. Pour le moment, je ne vois rien d’autre que de la poudre aux yeux, très belle poudre au demeurant !

  • Antoine Giampaolo

    Je suis totallement d’accord avec toi.

    Quand je défendais le statut d’auteur de Nolan c’était plus pour faire barrage à l’idéologie générale de l’article qu’à en défendre le sens.

    Et je suis assez d’accord avec ta définition de l’auteur. Sauf que je mettrais tout dans le même panier quand à : « Qu’est-ce-qu’une « patte », une empreinte technique ou une recherche thématique ? »

    Et je suis d’accord avec le rapprochement entre Fincher et Nolan si bien qu’il est dit que Nolan pourrait reprendre aussi un James Bond. Et en effet on ne peut pas dire que son oeuvre globale soit particulièrement cohérente. Encore que… je trouve que si l’on prend The following, Memento, le prestige et Inception il y a quand même beaucoup de liens même si pour moi avec Inception, Nolan a vraiment franchis la barrière mais bon.

    Toujours est-il que je réagissait plutot par rapport au fait que je prend beaucoup de plaisir à voir ses films et que je crois que c’est malgré tout un très très bon réalisateur. Même si effectivement, (et je crois que ça ne va pas aller en s’arrangant) il se dirige plutot vers une carrière à la Fincher qu’à la Cronenberg.

  • Joris Laquittant

    Je crois que l’article de Valentin est volontiers provocateur en ouvrant vers des noms beaucoup décriés comme Bay ou Emmerich (et je sais qu’il les aiment) et je crois, mais il complétera, qu’ils les aiment parce que ces derniers assument totalement d’avoir une orientation, une réflexion, autour du produit hollywoodien et du cinéma d’action, et qu’ils ne masquent pas ça derrière des apparences intellectuels. Je dis bien apparences.

    Le réel problème de Christopher Nolan selon moi c’est de ne pas assumer d’être un très très très bon réalisateur de film d’action. Il semble vouloir surfer sur l’idée générée par ces fans qu’il fait du cinéma intelligent et qu’un cinéma « brain » et « intelligent » est forcément un cinéma de texte, un cinéma non pas de dialogue, mais de parlote. Je trouve pour synthétiser, que la part « auteur » de Nolan, se résume à une faculté à brouiller les pistes, à aveugler tantôt, embourber par ailleurs, entremêler le spectateur dans un ramassis d’informations… il y’a déjà ça dans « Batman Begins » l’un des plus mauvais Batman selon moi (Shumacher compris ! Et J’aime beaucoup The Dark Knight !) et encore plus dans « Inception », qui s’organise sur un amoncellement de récits poussifs destinés à aveugler « d’intellectualisation » le spectateur par des enchevêtrements d’informations, si bien que toute incohérence scénaristiques est noyée dans l’univers trop fournis qu’il propose. Tout ça, c’est de la poudre aux yeux, c’est un pendule qu’aurait pu avoir le magicien dans « Le prestige », qui est là, pour hypnotiser le public, et finalement, le prendre bien plus pour un idiot, l’âne face à sa carotte, incapable de réfléchir. Et ce bien d’avantage que Michael Bay avec « Transformers » qui lui, s’il ne demande pas à son public de réfléchir, ne se fait pas plus intelligent que lui. (Bon j’avoue que moi, les délires destructeurs à coup de robot-ferrari ça m’enmerde vachement quand même).

    Pour en revenir à la thématique de l’auteur, et de la cohérence d’auteur (car c’est ainsi que je préfère parler d’auteur) par comparaison pure et simple entre deux versions de Batman, les Batman de Burton parviennent bien plus que ceux de Nolan a l’alchimie rêvé entre l’univers du comics dont il est adapté, et l’univers de son réalisateur : et ce dernier même s’il a un peu effrité sa superbe ces dernières années, peut se targuer d’avoir su réellement en imposer un, d’univers, d’une cohérence sans faille, et qui plus est, d’un éventail bien plus étendu et complexe que la pseudo-complexité du cinéma de Nolan…

  • Antoine Giampaolo

    Effectivement,

    Il y a une alchimie sure dans les batman de Burton, pourtant en tant que cinéphile ce n’est pas fatalement ce que je recherche.

    Personnellement j’aime être percuté, et j’avoue que TDK me percute beaucoup plus que Batman le défi (qui est d’ailleurs un de mes préférés après ceux de Nolan). Je trouve que Nolan à réussi à enlever tout l’univers kitsch des batman précédemment réalisés. Et comme le disait Christian Bale dans une interview (je ne me souviens plus des masses) si un mec porte un costume c’est soit un clown soit un mec qui va pas très bien. C’était grossièrement ça. Du coup je trouve que Nolan arrive parfaitement à réactualiser le truc. Malgrés l’histoire et le comics, je trouve qu’il en fait quelque chose de beaucoup plus poignant parce que plus réaliste (en même temps Burton c’est pas son truc).

    Et finalement auteur ou pas, l’important pour moi c’est quand même l’objet cinématographique. Et finalement quand je compare un Burton avec un Nolan bah je prend quand même beaucoup plus de plaisir à voir un Nolan.

    Tout ça pour dire que oui, il y a chez Nolan un côté parlotte, très prononcé surtout dans Inception, mais pour moi ça fait aussi sa force et son charme.

    Quand à la compléxité, si on prend Memento, c’est pas un film simple. Du coup je crois que ce n’est pas de la pseudo-complexité. En tout cas ça en était pas au début. Inception OK. Mais encore une fois je le porte pas spécialement dans mon coeur.

    Quand à TDK je pense pas que le film tienne uniquement grâce à la performance de Heath Ledger. Evidemment ça joue pas mal en sa faveur mais un film c’est aussi une question d’équilibre et en effet le Joker prend beaucoup de place alors qu’au final il a pas tant d’apparition que ça mais je pense que si ça fonctionne c’est aussi parce que ya un peu de construction. Et le Joker tout seul même avec Heath Ledger sans Batman il est pas grand chose.

    Alors après je comprend que tout le battage médiatique qu’il y a autour de Nolan soit un peu énervant mais bon au final on sait bien que la presse dit des conneries alors bon…

    • Valentin Maniglia Auteur de l’article

      Cher Antoine,

      Pardonnez ma réponse tardive, je vais essayer de prendre en compte le maximum d’éléments dans tout ce que vous avez dit, afin de vous répondre.

      Je souhaite, pour commencer, préciser que je n’ai insulté personne, que je ne me vante pas d’avoir « une culture cinématographique démesurée », et que je n’ai pas la prétention de décider ce qui est bon à voir ou pas. Il y a beaucoup d’ironie et de second degré dans mes propos, dans cet article comme dans la plupart des autres que j’ai écrit. Je ne suis pas là pour insulter les spectateurs, juste pour proposer mon point de vue. A en croire mon âge, je suis moi-même un jeune cinéphile qui a grandi avec les productions Spielberg, que je considère encore maintenant comme un grand monsieur du cinéma américain, malgré une récente petite période d’égarement.
      Ce qui me gêne chez Nolan, c’est sa façon de faire, le gros manque de sincérité qui émane de ses films et, par conséquent, le fait qu’il soit considéré par une énorme partie des cinéphiles, journalistes, blogueurs, etc. comme un génie et un auteur. Alors oui, je ne lui fais que des reproches dans l’article, mais c’est volontaire, chaque mot, chaque tournure de phrase est choisie exprès. Il donne l’impression (mais peut-être suis-je le seul à le voir) qu’Hollywood a été sa seule chance de s’imposer, et par conséquent, des films comme Le Prestige ou Inception apparaissent comme un effort de la part de Nolan de faire quelque chose de différent. Comme s’il se forçait à faire un film original. Et quand on se force, les défauts n’en sont que plus visibles; de fait, Inception et Le Prestige (pour ne citer que ceux-ci) sont de purs produits hollywoodiens, formatés pour un large public, sous l’enveloppe d’un film original. La trilogie Batman, quant à elle, ne se cache pas: ce sont de purs films d’action, qui malheureusement ne sont pas assumés, et sont obligés de se cacher derrière des dialogues verbeux et qui sonnent faux. Voilà ce que j’appelle le « manque de sincérité », chose qui révèle que Christopher Nolan n’a pas grand chose de plus intelligent à dire que Michael Bay. Bien sûr que ses films sont divertissants, et l’on passe un bon moment devant, mais il n’y a pas grand chose de plus à dire sur son cinéma. Son remake d' »Insomnia », qui reste pour moi son meilleur film, est très discutable aussi, car beaucoup trop formaté pour un public habitué aux films gentillets à coups de millions de dollars et de casting en or. Bien sûr, j’exagère un peu, j’utilise de l’ironie, mais « l’idéologie générale de l’article », comme vous dites, n’est autre que celle-ci.
      Lorsque vous dites que Nolan a « réussi à enlever tout l’univers kitsch des Batman précédemment réalisés », il n’a, en réalité… rien enlevé du tout. Il a simplement adapté une BD qui se voulait déjà à l’époque très noire et réaliste, a bien édulcoré sa version, et en a fait trois films. Burton s’est plutôt inspiré du Batman des années 50 à 60, un peu plus kitsch, certes. Il aurait pu adapter The Dark Knight, d’ailleurs, car il était déjà sorti à l’époque, mais il n’aurait peut-être pas fait mieux que Nolan. Nicholson est moins bon que Ledger, mais leurs Jokers sont très différents l’un de l’autre, car basés sur des visions différentes du personnage dès l’origine.
      Tout cela pour dire, en résumé, que Nolan a du talent en tant que simple faiseur, mais pas en tant qu’inventeur (ou auteur, ou appelez ça comme vous voulez). Il se cache derrière de nombreux artifices qui le font croire, mais malheureusement, ça ne fonctionne pas pendant toute la durée du film.

      PS: Oui, j’ai vu le dernier Spiderman, qui pour moi est largement supérieur à ceux de Sam Raimi, mais je ne trouve pas que c’est une imitation de Nolan. Pour moi, le seul imitateur de Nolan, c’est Zack Snyder (dont j’avais adoré son Watchmen, parce que déjà fan de la BD d’origine), mais c’est un autre débat…