Adaptation cinématographique d’une série télévisée de Sylvia et Gerry Anderson, Thunderbirds are go! (ou Thunderbirds et l’Odyssée du Cosmos) est l’un des tout premiers films à employer des marionnettes animatroniques, marquant véritablement la naissance d’un sous-genre à part entière dont nous allons vous parler sur Intervista au détour d’un petit dossier analytique.
Les Marionnettes de la Propagande
Thunderbirds (ou Les sentinelles de l’air) est une série télévisée créée par le couple Sylvia et Gerry Anderson dans les années soixante, et qui est en cela fortement imprégnée par les tensions politiques propres à cette époque. Si la série est britannique et non américaine, il n’en demeure pas moins qu’elle est véritablement hantée par le spectre propagandiste de la Guerre Froide, et à la fameuse Guerre des Etoiles que se livrent à distance les Américains et leurs alliés (dont les Anglais) et les pays de l’Union Soviétique. Il y a dans Thunderbirds à peu près toute l’imagerie rêvée d’une coalition de l’Ouest triomphante, celle-là même qui sera parodiée plus de quarante ans plus tard par Trey Parker et Matt Stone avec leur Team America, largement inspiré par la série des Anderson.
Les Thunderbirds du titre, désignent les engins super-révolutionnaires d’une sorte d’unité d’élite appelée la Sécurité Internationale (Internal Rescue en VO). Comme son nom l’indique, cette organisation composée d’une poignée d’hommes seulement – et tous frères! – est chargée d’assurer la sécurité du monde entier en intervenant sur les sites de sinistres majeurs, ou dans les cas d’extrême urgence, tels que des conflits guerriers ou des invasions extraterrestres. Après avoir aidé trente-deux fois à sauver le monde dans leur série télévisée, les marionnettes de la Sécurité Internationale embarquent donc dans une nouvelle mission dans Thunderbirds et l’Odyssée du Cosmos, une aventure qui les mènera dans l’espace.
Première adaptation sur grand écran de la série – suivront Thunderbirds et Lady Pénélope (1968) et une adaptation récente avec de vrais acteurs, Thunderbirds (2004) qui a été un énorme flop – ce Thunderbirds et l’Odyssée du Cosmos se présente d’emblée comme une révolution pour l’époque. Affichant fièrement bénéficier du duo gagnant du Technicolor et du procédé du Supermarionation! Car oui, comme la série télévisée, le film est entièrement réalisé avec des maquettes et des marionnettes animatroniques. Enfin presque, car certains gros plans de mains notamment, sont des prises de vues réalisés avec des acteurs réels. En tout cas, pas de fils ici, contrairement à ce qu’emploiera plus tard son pastiche Team America, ce qui limite considérablement les possibilités d’action de nos personnages: ils restent pendant la bonne heure et demie de l’aventure, assis, immobilisés sur leurs sièges ou dans les cockpits de leurs incroyables vaisseaux. Le caractère figé de ces marionnettes influe forcément sur le rythme général du film, dont la lenteur déstabilise et nous fait osciller entre l’ennui et une sorte d’immersion hypnotique. Par certains aspects, le film peut s’apparenter rythmiquement, et par son atmosphère, au 2001: L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick qui sortira d’ailleurs la même année.
Si Team America se moque de l’américanisme et de la toute puissance auto-proclamée de l’Occident, les Thunderbirds, eux, en sont des représentants au premier degré. Point d’humour ici, mais une volonté aujourd’hui flagrante de promouvoir le programme spatial américain. A ce titre, chacun des Thunderbirds – il s’agit en fait du nom donné aux vaisseaux de la Sécurité Internationale – est différent pour montrer le large éventail de l’équipement de la toute puissante armée des alliés occidentaux: on retrouve donc un sous-marin, une fusée, un satellite, un avion cargo, ou encore un furtif. La combinaison gagnante agit toujours en équipe pour constituer une force imbattable, toujours triomphante.
Si l’objet final que constitue le film reste véritablement intriguant, l’ensemble a plus de défauts que de qualités. En première ligne des défauts, le premier degré du propos, qui renforce l’aspect intriguant du film. C’est un peu comme dans ces nanars, les acteurs semblent tellement y croire, ils semblent tellement penser qu’ils jouent dans un chef-d’oeuvre, que les voir ainsi jouer la comédie si mal mais avec autant de conviction donne quelque chose de véritablement étrange à l’écran. C’est la même chose ici, puisque ces marionnettes dont l’aspect les rend plutôt ridicules, ne sont pas utilisées pour alimenter une quelconque forme d’humour, bien au contraire. Elles transportent donc, là, dans leur corps sans vie, une sorte d’âme éteinte dont transpire une étrangeté désagréable mais hypnotisante. C’est peut-être la seule chose qui nous fait probablement tenir, car le scénario de cette adaptation semble n’être qu’un épisode de la série à peine développée, dont l’intrigue, bien mince, devient très vite d’un ennui mortel.
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