Promotheus: Commando Stellaire 2


Ce petit film indé sorti directement sur le marché de la vidéo, dénommé Hunter Prey a été renommé par les distributeurs français Promotheus: Commando Stellaire, bien évidemment parce qu’il est mauvais, et que la forte probabilité que le Prometheus de Ridley Scott soit un chef d’oeuvre, entraînera éminemment la confusion des acheteurs dans quelques mois : “Bon dieu de bordel, c’est quoi cette merde, c’est pas la pure tuerie de SF que j’ai vu au cinéma ?!”. Mais soit : on commence à être habitués à ces changements de titres disgracieux destinés à nous prendre toujours plus pour des abrutis finis. Ce n’est pas vraiment ça qui m’a intrigué et mené à regarder ce petit film sans budget: c’est plutôt parce que le réalisateur au nom plein de virilité – Sandy Collora – s’est fait connaître sur le net pour ses fan films de Star Wars ou Batman. Aussi, cela m’intriguait de voir comment cette petite star du net s’en était tiré avec son premier long métrage.

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Space-Cake Opera ou Space-Fake Opera ?

Avant de refaire le portrait de son premier film, il m’apparaît important de dresser celui de son réalisateur. Sandy Collora, contrairement à beaucoup de réalisateurs émergents du web, n’est pas un petit jeune qui débute. Il a la quarantaine passée, et qui plus est, a déjà un curriculum vitae assez important. Avant de se destiner à la réalisation, il a eu une carrière assez riche dans le milieu des maquillages et effets spéciaux puisqu’il a travaillé au sein de l’écurie de Stan Winston qui était l’un des maîtres à Hollywood dans le domaine. Son travail au sein du studio va des maquillages et prothèses jusqu’à la conception graphique de certains films. On lui doit par exemple le logo culte de Jurassic Park (1993) mais il a aussi travaillé sur les effets spéciaux de films tels que Abyss (1989), Men in Black (1997) ou encore The Crow (1994). C’est riche de cette expérience sur les plateaux de tournage qu’il commencera à réaliser des courts-métrages. Le plus remarqué est Batman: Dead End (2003) qui démarre par un atmosphère sombre et glaciale très proche au comic-book. Montrant le super-héros en prise avec un Joker au visage de cartoon, l’espoir est très vite perdu dès lors que l’adaptation fidèle est eclipsée par un ramassis de clins d’oeil geeks ridicules: le joker se fait tuer par un Alien, qui se fait tuer par un Predator. Batman doit donc se battre en duel avec un Predator, parvient à le tuer, jusqu’à se retrouver au milieu d’un combat entre les deux monstres qui présage déjà la bouse Alien vs. Predator (2004) que réalisera Paul W. S. Anderson, un an plus tard. Le réalisateur prendra ensuite davantage au sérieux l’univers de l’homme chauve-souris en le faisant rencontrer Superman le temps d’une fausse bande-annonce intitulée World’s Finest (2005), qui rencontra elle aussi un fort succès. Grandi par la renommée de ses vidéos – plusieurs millions de vues – Sandy se lance alors dans la production de son premier long-métrage.

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Venons en à ce long-métrage justement. Le film raconte l’histoire d’un commando “stellaire” qui se retrouve à traquer un fugitif sur une planète inconnue suite à l’accident de leur vaisseau de transport militaire, le bien nommé Promotheus. Les membres du commando qui ont survécu ont pour ordre de ramener vivant le détenu qu’ils escortaient: s’entame alors une chasse à l’homme dans le désert qui n’est pas prête de se terminer. Voilà qui est fait. Il n’y a pas plus à en dire. Hunter Prey (j’utiliserai le titre original, et pas celui de Promotheus) est à l’image des courts-métrages du réalisateur: une sorte de gloubi-boulga de références geek. Dans son nouvel univers se mélangent certaines inspirations et un design complètement volés à Star Wars: l’action du film se déroule uniquement sur une planète désertique qui ressemble assez clairement à Tatooine, et ses soldats ont des casques dont le design est à peine copié sur celui de Boba Fett, le fameux chasseur de primes créé par George Lucas. Même le casque du fugitif rappelle celui des Tusken, ce peuple des sables de la Galaxie lucasienne. Mais ce n’est pas tout, dès les premières minutes, on comprend les citations évidentes du film Enemy Mine (1985) de Wolfgang Petersen dans lequel Dennis Quaid était le dernier humain en prise avec des extraterrestres dans un univers quasi-similaire. Je n’ai pas fini, les citations ne s’étendent pas seulement au cinéma, puisque les amateurs de jeux de figurines et jeux de rôles verront bien évidement que la plupart des créatures sont des copiés-collés de créatures de l’univers de Warhammer 40000: les “héros” sont très clairement identifiables comme des copies conformes des Tau, une race de cet univers, tout comme l’autre monstre présent dans le film a une gueule d’Orque de l’espace qui n’est ni étranger à Warhammer, ni à l’univers de Warcraft.

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Ce mélange surprenant créé de prime abord une sorte d’objet de culture geek pas inintéressant d’un point de vue graphique. Les masques et prothèses sont même assez surprenants pour un film fait avec si peu de budget. Mais Sandy Collora pèche clairement sur l’aspect purement cinématographique de son bousin. Ni la réalisation, ni le récit ne sont là. Son scénario qu’il dit inspiré par le récit distendu du cinéma européen, n’est en fait absolument pas écrit, presque sans consistance, sans enjeu. Les dialogues sont d’une âpreté à l’oreille tant ils sont inconsistants et désincarnés. La chasse à l’homme tourne en rond, le rythme n’y est pas, et le réalisateur choisit de ne prendre parti ni pour le chasseur, ni pour le chassé. Leur combat fratricide, leur traque, et leur rencontre, ne finiront que par des discours moralisateurs à base de: “Tu as tué mon espèce, c’est mal” ou autres: “On voulait pas la guerre! C’est vous qu’avez commencé!”. La présence d’un ordinateur de bord – empreint là aussi, puisque évoquant plus que grandement le HAL de 2001: L’Odyssée de l’Espace (1968) de Kubrick – ne sauve pas l’affaire, et surtout pas les dialogues, puisque sa présence n’est là que pour éclipser l’incapacité du réalisateur à filmer le silence et la solitude de deux hommes en pleine poursuite. Lorsqu’arrive la fin, qui tente tant bien que mal de faire transparaître un semblant de chute, on se rend compte que cette histoire n’a aucun autre intérêt que de regarder la beauté des masques pendant une heure et demie – et encore, je suis sûr qu’un œil plus aguerri comme celui de mon compère Thibault Franquin arriverait à leur trouver des défauts! Sandy Collora aurait dû finalement rester chez Stan Winston, et continuer le métier pour lequel il a apparemment du talent. Si certains sont des touche-à-tout brillants par nature, ce n’est absolument pas son cas et sa première tentative dans le long-métrage n’arrive pas à annihiler des défauts qui transparaissaient déjà dans ses courts-métrages: l’incapacité à raconter une bonne histoire. Lui, qui ne cesse en interviews de rappeler l’influence de la bande-dessinée Métal Hurlant sur son travail – graphiquement, il y a très vaguement de ça – il devrait s’inspirer davantage de la manière si particulière de raconter les histoires de toute la bande de Métal Hurlant, car il est à des années lumières du talent de narrateur de Jean Giraud ou d’Enki Bilal…

Joris Laquittant


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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2 commentaires sur “Promotheus: Commando Stellaire

  • Jean-Baptiste

    Je vais peux être passer pour un idiot mais j’ai trouver ce film palpitant, j’ai accroché tout au long du film. Le sénario m’a semblé tenir la route, pas original certes, mais pendant la durée du film j’y ai cru. En tout cas, ça a marché pour moi. Ce film m’a fait passer un bon moment, c’est ça que je lui demandai et j’ai pas été déçu. savez-vous si il y aura une suite?

    JB

    • Joris

      Lors d’une ITW (en – mauvais – français) Sandy Collora avouait qu’il n’en était pas question pour le moment, mais qu’il avait un autre projet de science fiction, long métrage, en cours.