Kill the Irishman


Sorti en direct-to-video en septembre dernier, Kill the Irishman (en VF: Irish Gangster ou Bulletproof Gangster selon la version du DVD) est un curieux film de gangsters, qui rappelle Les affranchis ou Casino. Pour raconter cette histoire vraie, Jonathan Hensleigh passe pour la troisième fois derrière la caméra.

Mafia blues

Cleveland, années ’70. Danny Greene (pas le mec qui joue dans les films des frères Farrelly) travaille vers les docks, où le poids et l’ennui lui courbent le dos. Devenu président de son syndicat de travailleurs, il détourne des fonds et fricote avec le crime organisé. Jusqu’à ce qu’il soit appelé par Shondor Birns, ennemi public n°1 de Cleveland, en tant qu’homme de main pour certaines opérations: à partir de là, Greene va rencontrer du beau monde, dont les gangsters les plus puissants de la ville; on parle même de lui à New York. Mais voilà, Greene se sent pousser une âme de guerrier celtique, va se mettre tout le monde à dos, ses amis compris, et va fonder son propre gang de warriors Irlandais. Birns, John Scalish, les ritals, tous voudront la peau de l’Irlandais, qui se révèle coriace…

C’est sur un livre (presque) éponyme relatant toute la vie de Daniel Greene que s’est appuyé Jonathan Hensleigh pour écrire et réaliser Kill the Irishman. Scénariste de renom (Die Hard 3, Armageddon, Jumanji…), passé pour la première fois derrière la caméra en 2004 pour The Punisher, puis en 2007 pour le très mauvais Welcome to the Jungle, scandaleux direct-to-video basé sur le principe de Cannibal Holocaust. Kill the Irishman est donc l’occasion pour lui de se reprendre en main, ce qui est effectivement bien le cas. Ray Stevenson, lui-même irlandais, interprète Danny Greene, rôle que n’aurait sûrement pas renié le Gene Hackman de la grande époque. Vincent D’Onofrio marque un retour en grâce au cinéma, et Val Kilmer et Chris Walken sont égaux à eux-mêmes: l’un très moyen, l’autre toujours huge (malgré la rareté de ses scènes). Petit plus qui fait toujours plaisir: dans des rôles secondaires de boss mafieux ritals dont les trois passions sont les spaghettis, les flingues et la gomina, on retrouve les habitués du genre Tony Lo Bianco et Paul Sorvino.

Si Kill the Irishman louche sur les films de gangsters italo-américains (la scène d’introduction est, à peu de différences près, la même que celle de Casino), Jonathan Hensleigh n’est malheureusement pas Scorsese: sa réalisation est convenable et bien rythmée, mais on a l’impression qu’il n’y croit pas toujours, le rendu à l’image a parfois l’air d’un téléfilm policier, à mille lieues de la grandiloquence visuelle qui caractérise la mafia de Scorsese. Les scènes d’action sont efficaces, mais on a du mal à croire aux explosions: le making-of du DVD nous montre l’équipe mettant en place de vraies explosions de voitures, mais le produit fini fait plutôt penser à un After Effects de chez Asylum. J’exagère un peu, mais en voyant l’explosion initiale, j’ai vraiment craint que le niveau du film soit aussi bas que le niveau de crédibilité de l’effet. On sent que le réalisateur veut nous faire vivre une aventure à la Scorsese, qui ait la saveur d’un grand film de gangsters, et c’est tout à son honneur. Mais, même si elles sont vraies, certaines séquences évoquent explicitement Les Affranchis ou Casino, à tel point qu’on en est à se demander si Jonathan Hensleigh l’a fait exprès… On appréciera tout de même les morceaux de musique irlandaise qui donnent une allure particulière au film.

Niveau scénar’, Hensleigh n’a plus à faire ses preuves: on reprochera néanmoins une voix off (celle de Val Kilmer, en plus!) un peu envahissante, et pas toujours très intéressante, ainsi qu’un développement parfois trop brut. Mais l’histoire est très bien menée, et la psychologie du protagoniste, parfaitement cernée. Car Greene est tout sauf un gangster ordinaire: proche de certains mafieux italo-américains, chez qui tout tourne autour du respect, des codes d’honneur, l’Irishman fait preuve d’un mépris profond de ces règles. C’est là qu’on retrouve le vaillant guerrier celtique en Danny Greene, celui qui n’utilise pas une seule fois une arme à feu lorsqu’il se retrouve en face d’un ennemi, celui pour qui ses compatriotes irlandais valent de l’or, celui qui, à force de s’isoler, aura précipité sa chute.

Kill the Irishman est plus ou moins sorti dans l’indifférence générale, directement en DVD et Blu-Ray chez Universal, sans passer par la case cinéma. Et il prouve que cette forme de distribution n’est pas forcément significative de la qualité du film, puisque celui-ci est de bonne facture, malgré ses quelques points négatifs. Dans le DVD/Blu-Ray, on retrouve comme bonus un making-of/interviews, ainsi que deux scènes coupées. Le film de Jonathan Hensleigh mérite vraiment d’être découvert, car on passe un bon moment, avec tout le plaisir que l’on peut avoir à regarder un film de gangsters “à l’ancienne”. Et Ray Stevenson est excellent.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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