Le catalogue de la plateforme Shadowz accueille une belle nouveauté avec Hellboy (Guillermo Del Toro, 2004), film de super-héros lovecraftien qui fêtera ses 21 ans cette année et qui tient encore la dragée haute face au reste de la production super-héroïque contemporaine. On profite de cet ajout pour revenir sur ce miracle de blockbuster.

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Super au coeur pur
Alors en plein tournage de Mimic (1997), autrement dit en plein cauchemar selon ses dires, Guillermo Del Toro n’a qu’un seul échappatoire : le comic Hellboy créé par Mike Mignola et publié chez Dark Horse Comics depuis 1994. Il faut dire que le comic en question a tout pour plaire au réalisateur mexicain puisqu’on y suit les aventures d’un démon, agent pour une agence qui lutte contre les menaces paranormales… Mais surtout l’univers déborde de références mythologiques et ésotériques et l’influence de l’œuvre de Lovecraft se dessine à chaque page. L’adapter devient alors une priorité pour Del Toro or les studios ne sont pas encore prêts à le suivre. Nous sommes en 1998 et la vague des films de super-héros n’est pas encore arrivée, il faudra attendre le succès des adaptations Marvel comme Spider-Man (Sam Raimi, 2002) ou X-Men (Bryan Singer, 2000) pour que les financiers voient finalement le potentiel de ce médium. Le choix de Ron Perlman comme tête d’affiche aura également refroidi de nombreux studios : qu’à cela ne tienne, Del Toro ne voit personne d’autre pour incarner le démon cornu à l’écran. La ténacité du cinéaste finit par payer et en 2004 le long-métrage voit le jour.

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Rare sont les films de super-héros comme Hellboy où le réalisateur est autant en symbiose avec le matériel de base. A part Spider-Man 2 (Sam Raimi, 2004), difficile de trouver meilleure greffe entre un univers super-héroïque et un cinéaste. Si dans l’inconscient collectif, Guillermo Del Toro s’est surtout approprié l’univers d’Hellboy dans sa suite Hellboy 2 : les légions d’or maudites (2007), force est de constater que dès le premier opus, le cinéma du mexicain est déjà partout. On y retrouve, par exemple, son amour pour Lovecraft — dans un superbe plan où un projecteur traverse un portail multidimensionnel pour révéler une créature mythique — son attrait pour les souterrains qui servent de décor à plusieurs séquences d’action, ainsi que son goût pour le pulp, incarné par la figure du nazi occulte. On y trouve aussi des clins d’œil à L’Etrange Créature du lac noir (Jack Arnold, 1954) à travers le personnage d’Abe Sapien, et à Frankenstein avec celui de Kronen. La direction artistique, confiée à Stephen Scott, déjà présent sur la saga Indiana Jones, épouse également à la perfection l’esthétique de Del Toro.

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Côté casting, le choix de Ron Perlman paye et permet au personnage d’Hellboy de détonner dans le tout venant super-héroïque, plus habitué aux mannequins bodybuildés qu’aux gueules cassées bedonnantes. Perlman retranscrit avec brio l’aspect bourru et désabusé du personnage créé par Mike Mignola mais ajoute également à sa partition un aspect enfantin, absent du comic originel. Un aspect humoristique, initié par Del Toro et qui sera encore plus présent dans sa suite. Aux côtés de Selma Blair et du – pour l’instant – muet Doug Jones, John Hurt incarne un touchant Dr Bloom, père de substitution pour Hellboy. L’unique concession que Del Toro semble avoir accordé aux studios s’incarne dans le personnage de John Myers incarné par Rupert Evans. Cet agent du FBI fraîchement muté au BPRD est clairement ici le fish out of the water auquel le public pourra s’identifier tout autant qu’un visage humain rassurant au milieu de la galerie de monstres qui compose le récit : un véritable personnage dont la fonction n’est pas suffisamment cachée pour que l’entourloupe fonctionne. D’une manière générale, l’écriture très hollywoodienne rend le déroulé sans surprises, voire automatique. Toutefois même les passages obligés du genre comme la mort du père pour permettre au héros de prendre de la hauteur et de se réaliser en tant que personnage donne lieu à de sublimes scènes magnifiées par le talent de composition de Guilmermo Del Toro. Malgré tout son talent, le cinéaste peine néanmoins, ponctuellement, à proposer des scènes d’action à la hauteur de ce qu’il a pu confectionner sur Blade 2 (2002). Que ce soit en termes de rythme ou en termes d’idées, les multiples affrontements avec Samael manquent de peps et semblent bien mollassons en plus d’être répétitifs. A l’heure où les blockbusters super-héroïques sans âmes périclitent, il est toujours bon de rappeler qu’il n’en a pas toujours été ainsi, que parfois ces adaptations étaient surtout l’occasion d’une rencontre entre un réalisateur et un personnage, d’un véritable dialogue entre les deux et parfois, comme c’est le cas pour Hellboy et sa suite, d’une véritable histoire d’amour.