Vous ne connaissez peut-être pas son nom, vous ne connaissez sûrement pas son visage. Et pourtant, Doug Jones est l’un des acteurs fétiches de Guillermo Del Toro. À l’occasion de la sortie en salles du nouveau film du réalisateur mexicain, La Forme de L’eau (2018), nous nous offrons un retour sur la carrière de ce comédien hors-norme.
50 Shapes of Doug
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« Dès que je voyais un acteur grand et maigre qui faisait des choses amusantes, je me disais :
Ah, peut-être que je trouverai ma place dans ce monde un jour, en fin de compte … »
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Alors qu’il fait ses premières armes dans le milieu artistique en étant contorsionniste, c’est en 1992 que démarre la carrière au cinéma de Doug Jones, alors âgé de 32 ans, pour ce qui n’est, pour l’instant, qu’un rôle de figuration dans le nouveau film de Tim Burton : Batman, le défi. Il y campe un clown longiligne et filiforme. Repéré dés sa sortie de l’université (ou il a étudié l’art du mime et le théâtre) grâce a son physique rare et imposant que pourrait lui envier Boris Karloff, le comédien enchaîne alors des seconds rôles, principalement dans des films fantastiques. Il passe d’un mort-vivant, Billy, dans Hocus Pocus (Kenny Ortega, 1993) à celui d’un Alien dans Men In Black II (Barry Sonnenfeld, 2002), en passant par des épisodes des Contes de la Crypte (1989-1996), Au-delà du réel : L’Aventure Continue (1995-2002) ou encore Buffy contre les vampires (1997-2003). Bref, les comédies romantiques ne sont pas accessibles à qui ne ressemble pas à Hugh Grant, mais cela ne semble pas déplaire à Doug Jones, grand fan de Jerry Lee Lewis, de Boris Karloff ou de Ben Chapman. L’acteur se sent au contraire chanceux de pouvoir prêter son visage et son corps atypiques pour faire vivre des personnages fabuleux. Et tant pis si l’on ne le reconnaît pas de prime abord, puisque de son propre aveux, travailler avec des artistes maquilleurs et créateurs d’effets spéciaux est l’une des choses qu’il préfère dans son métier. Avoir la chance de pouvoir donner vie à des créatures imaginaires et parfois magiques est un moteur pour le comédien. Et en parlant de personnages fabuleux, c’est en 2004 que sa carrière fait un véritable bond en avant grâce au réalisateur Guillermo Del Toro – pour qui il avait cependant déjà joué dans Mimic en 1997 – pour le rôle d’Abe Sapiens, dans le premier volet de la saga Hellboy. Mais quand on pense à Doug Jones, ce n’est pas tant le surfeur d’argent dans Les 4 Fantastiques et le Surfer d’Argent (Tim Story, 2007), qu’à l’homme à la tête de choux dans Gainsbourg : Vie héroïque (Joan Sfar, 2010) bien que ces deux rôles soient assez majeurs dans la carrière de Doug Jones. Non, quand on pense à l’acteur, on voit bien évidemment le faune du Labyrinthe de Pan (Guillermo Del Toro, 2007), incontestablement sa plus belle créature, sa plus incroyable interprétation. Une performance qui se voit concurrencée aujourd’hui par son rôle d’humanoïde amphibien dans La Forme de L’eau. Grâce son travail, il accède alors à la place très convoitée d’icône de cinéma bien que peu de spectateurs ne connaissent son vrai visage. Mais sa collaboration avec Guillermo Del Toro ne s’arrête pas là, on le voit de nouveau dans la suite Hellboy II : Les Légions d’or Maudites (2008), mais également en fantôme dans Crimson Peak (2015), ou encore dans la série The Strain (2014-En Cours). Fructueuse collaboration donnant naissance à de nouvelles et fascinantes créatures auxquelles il donne vie et empathie avec talent.
Dans un entretien, Doug Jones explique qu’il a grandi avec les Universal Monsters, ces films que nous chérissons tant au sein de la rédaction, et qu’il entretient un attachement particulier à ces personnages de monstres car la plupart d’entre eux dégagent une humanité, une grande souffrance. « En voyant Boris Karloff jouer le monstre de Frankenstein, on comprend qu’il n’a pas voulu revenir à la vie ainsi, et que son destin est une tragédie ». C’est ainsi que le comédien aborde chacune de ses compositions, en se demandant si l’on peut éprouver de la sympathie, voir de l’empathie pour ces monstres tout comme il a pu en ressentir devant ces malheureux monstres sacrés de ces vieux longs-métrages Universal. Tous sont des victimes collatérales, faisant peur malgré eux aux humains qui les entourent, ne connaissant pas les codes sociaux pour interagir avec eux. C’est typiquement ce qui arrive dans La Forme de l’eau, lorsque cet homme amphibie, surpris par un pauvre chat domestique, le tue et le dévore sans concession – pour ensuite câliner les autres chats, une fois qu’il a intégré qu’ils étaient des compagnons quotidiens – soudainement la créature devient nuisible, fait peur aux humains bien qu’on ne puisse pas vraiment lui en vouloir. Pour Guillermo Del Toro il était impensable que sa créature d’homme-poisson ne soit qu’un costume porté par un (simple) cascadeur, car cette créature n’est pas un monstre, mais le personnage principal du film. Aussi, il lui a vite paru évident qu’elle devait être incarnée par Doug Jones. Si l’acteur avait déjà incarné un personnage amphibien en la personne d’Abe Sapiens, il ne cède pas à la facilité et ne se contente pas de recycler ses acquis en ne reprenant ni la démarche ni les mouvements expressifs de son précédent personnage. Au contraire, il invente à ce nouveau monstre une gestuelle qui lui est propre, d’une grande délicatesse et apprend avec subtilité le langage des signes pour discuter avec Élisa. Son design et sa posture lui confère une étonnante sensualité, je ne vais pas m’attarder sur ses lèvres ni son derrière, mais on peut comprendre aisément l’attirance que ressent le personnage d’Élisa pour lui.
Si vous ne connaissez pas le visage de ce comédien, son omniprésence sur les écrans s’étend même aux séries télévisées puisqu’il incarne aussi l’extraterrestre Saru dans la récente série Star Trek : Discovery (2017), produite et diffusée par Netflix. Si l’on imagine bien qu’il sera à nouveau à l’affiche des prochains films de Guillermo Del Toro, donnant l’occasion au réalisateur mexicain d’à nouveau donner corps et âmes aux monstres qui hantent son esprit gothique, nous l’attendons avec impatience dans le costume du Comte Orlok dans le remake de Nosferatu (David Lee Fisher, 2018) qu’il ne faut pas confondre avec un autre remake de ce classique qui devrait être réalisé, quant à lui, par Robert Eggers et prévu la même année.
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