Sorti sur Netflix le 24 avril, Rebel Moon – Partie 2 : L’Entailleuse (Zack Snyder, 2024) est, sans surprise, un ratage complet qui confirme tous les problèmes déjà entrevus et largement commentés dans notre critique du premier opus. Mais plutôt que de tirer sur l’ambulance, tentons de sauver ce qui peut l’être en nous penchant sur les infimes fulgurances de ce space opera poussif qui pourrait bien être le chant du cygne de la carrière de Zack Snyder.

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Il faut sauver le soldat Snyder
Pourquoi deux films ?! C’est la première question que l’on se pose après avoir vu Rebel Moon – Partie 2 : L’Entailleuse. Pourquoi étaler une famélique histoire de rebelles aux prises avec un méchant empire sur plus de quatre heures alors qu’elle aurait largement pu tenir en un seul film compact et rythmé. Le récit de la franchise Rebel Moon est limpide, un combat à la David contre Goliath dont il aurait fallu embrasser la simplicité, ce qui lui aurait certainement conféré plus de charme. Au lieu de ça, Zack Snyder se prend une nouvelle fois pour un auteur sérieux, ce qui signifie pour lui : insister lourdement sur la profondeur et les motivations de ses héros à travers de longues scènes dialoguées et emphatiques. Il y a quelque chose de gênant à voir ces personnages, conçus comme de simples archétypes de série B, s’épancher longuement sur leurs tourments personnels à la manière de héros shakespeariens. D’autant que Snyder se sabote lui-même en insistant pour développer équitablement les sept guerriers qui forment son équipe alors que ses faiblesses de scénariste ne lui permettent même pas d’en développer un correctement ! On atteint un sommet de ridicule quand tous les personnages assis autour d’une table se mettent à raconter leurs traumatismes passés avant la bataille finale. Après un ou deux flash-back, on se dit que le réalisateur va trouver un moyen d’éviter l’effet de répétition pour dynamiser la séquence. Que Nenni ! Zack Snyder enchaîne les flash-backs en voix off comme des slips sur une corde à linge. A d’autres moments, les dialogues sont si peu naturels que l’expression “voir les coutures du scénario” se révèle un doux euphémisme. Heureusement pour nous, la dernière heure du long-métrage est une énorme scène d’action où l’absence de dialogues suffit déjà à rehausser le niveau général. L’occasion peut-être d’aller chiner enfin quelques motifs de satisfaction…

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Soyons honnête, le combat final de Rebel Moon – Partie 2 : L’Entailleuse n’est clairement pas la séquence d’action la plus inspirée du cinéma de Snyder. C’est tout de même dans le domaine du spectaculaire que le cinéaste va pouvoir exprimer ce qui reste de son talent d’esthète. Bien sûr, on peut trouver à redire sur l’orientation générale de la direction artistique, mais il faut tout de même reconnaître au réalisateur sa capacité, par exemple, à proposer des effets numériques convaincants. On pense notamment aux déplacements des vaisseaux spatiaux et à la manière dont la lumière vient se refléter sur les carlingues, ce qui leur confère une certaine consistance. On sent que Snyder comprend le travail d’intégration des effets numériques, ce qui donne à à ses films un rendu visuel plus convaincant que chez Marvel, notamment. Il arrive donc parfois à cette deuxième partie d’avoir de la gueule, le temps d’un plan d’exposition ou de transition. Ce sont, finalement, les plans photographiés en live action qui pâtissent le plus souvent d’une photographie sans saveur, voire carrément vulgaire. Dépité par l’inconsistance narrative du film, on se console en se concentrant sur des micros-détails comme les tirs de blaster. Sur le champ de bataille, Zack Snyder tourne certains plans au ralenti et en plan large pour mieux capter le mouvement de ces traits colorés qui viennent strier le cadre. Motif esthétique éculé du space opera, le tir de blaster devient ici une pure expérience plastique, ce qui n’est pas sans charme. Même chose pour l’impact des tirs sur les armures : à défaut des éclaboussures de sang, largement censurées par Netflix, Znyder a eu l’idée de faire fondre le métal des armures sur les points d’impact. Une belle idée visuelle qui permet aux scènes de combats de maintenir un certain niveau d’intensité. Le regard du spectateur est stimulé par les jeux de textures… Snyder n’est sûrement pas un très bon raconteur d’histoire, mais c’est assurément un plasticien capable d’idées visuelles stimulantes. Ainsi, le duel final à l’épée a beau être filmé sans conviction, Snyder appose un effet visuel qui découpe le mouvement des lames et intensifie la chorégraphie du combat, un type d’effet que l’on voit souvent dans les jeux vidéos et qu’un réalisateur comme Edgar Wright avait déjà utilisé dans le cultissime Scott Pilgrim vs. the world (2010). Hélas, même visuellement, le film ne parvient jamais à faire corps, comme si le réalisateur avait pris le défi du worldbuilding à l’envers, en prêtant une attention démesurée aux petits détails de son univers sans avoir pensé en amont à son aspect et à sa cohérence généraux. La saga Rebel Moon est une grande fresque murale dont on peut apprécier de très jolies motifs si on regarde de très près, mais qui ne ressemble à rien dès qu’on recule pour apprécier le travail d’ensemble.

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Le plus grand gâchis reste, assurément, le choix de caster Sofia Boutella dans le rôle de Kora, l’héroïne badass de la saga. Zack Snyder a un certain flair pour les castings. N’oublions pas que c’est lui qui a imposé Henry Cavill pour le rôle de Superman dans Man of Steel (Zack Snyder, 2013) ainsi que Gal Gadot pour celui de Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017). On ne trouverait rien à redire non plus au casting de Watchmen (Zack Snyder, 2009), rempli de gueules inoubliables même si tous les acteurs du film n’ont fait carrière par la suite. Encore une fois, Snyder est un plasticien qui sait trouver, au-delà des qualités d’interprétation des comédiens, des corps de cinéma ! Sofia Boutella fait incontestablement partie de ces corps. Sa carrure dégage quelque chose d’à la fois puissant et fragile qui capte le regard et suscite la curiosité. Notons que, malgré l’indigence de ses lignes de dialogues et le caractère parfois franchement risible des situations dans lesquelles elle se retrouve, Sofia Boutella, non seulement, ne se ridiculise pas, mais parvient à faire exister son personnage en dehors des pures séquence d’action dans lesquelles elle semble, par ailleurs, très à l’aise. Il y avait donc quelque chose d’assez courageux de la part de Snyder à faire reposer son space opera sur un personnage féminin, ce que peu de réalisateurs ont osé faire par le passé, mise à part le Jupiter Ascending (2015) des sœurs Wachowski et cela ne leur a pas malheureusement pas réussi. Reste qu’encore fois, Snyder n’est pas un scénariste et ce savoir-faire manque cruellement à ses intrigues autant qu’à ses personnages. La meilleure comparaison est sûrement à aller chercher du côté de la bande dessinée, médium dans lequel les rôles sont souvent partagés entre scénariste et dessinateur. A ce titre, Snyder est clairement un dessinateur, à l’aise dans la mise en image et la technicité propre aux arts visuels… Il serait bon qu’il se limite dorénavant à ce rôle.
Les premiers chiffres de visionnage de Rebel Moon Partie 2 ne sont pas bons et prédisent un nouveau flop qui risque de compromettre la suite de la saga de Zack Snyder, mais également sa carrière. Quel avenir, alors, pour le cinéaste ? Le salut pourrait venir de l’animation. Le réalisateur a annoncé la sortie en octobre prochain d’une série animée pour adultes produite avec sa femme Déborah Snyder. Twilight of the Gods est un projet curieux puisque le cinéaste promet du sexe et de la vengeance, le tout dans un univers proche de la mythologie nordique. Après une expérience plutôt réussie dans le domaine avec Le Royaume de Ga’hoole (2010), Snyder pourrait donc redorer son blason avec ce médium qui lui ressemble bien. On attend de voir, mais le niveau d’excitation n’a jamais été aussi bas…