Parfois, l’argument d’un film ne tient à rien. Dans le cas de La Mascotte (Matthew Goodhue, 2024), la promesse de voir un paresseux tout mignon se mettre à zigouiller tout ce qui bouge était suffisante pour organiser une soirée visionnage décérébrée. A l’occasion de sa sortie en VOD dans notre contrée, on revient sur ce drôle d’objet.
Hymne à la paresse
Le problème avec les nanars, c’est qu’ils ne fonctionnent que lorsqu’ils sont sincères. Comprenez que les auteurs d’un nanar ne doivent pas avoir conscience de faire de la merde et que le spectateur doit pouvoir rire aux dépens des intentions initiales. Quand un film est lancé pour devenir un nanar, on perd cette pureté innocente et on verse gentiment dans le cynisme : c’était le cas de Machete (Robert Rodriguez & Ethan Maniquis, 2010) qui reprenait les gimmicks du nanar pour essayer de conquérir le cœur des amateurs de bisseries que nous sommes. Dès lors, il convient d’être vigilant sur ce que l’on regarde, et la proposition de Renegade Studios, La Mascotte, ou Slotherhouse en version originale, rentre pile poil dans ce dilemme de spectateur. La chose est-elle pensée comme un nanar ou est-elle un nanar à son insu ? Car avec son pitch déviant – Emily, une jeune femme en quête de popularité sur son campus universitaire, adopte un paresseux sans se douter que le gentil animal va se mettre à décimer toutes les membres de la sororité Sigma Lambda Theta – avait de quoi intriguer quant à sa sincérité.
Dans un premier temps prenons La Mascotte pour ce qu’il est, à savoir l’antithèse d’un film intelligent et introspectif. Le long-métrage ne ment à aucun moment sur ce qu’il a à vendre et sur la débilité profonde de son concept. Depuis l’affiche jusqu’à sa bande-annonce, le film de Matthew Goodhue n’entretient aucune ambiguïté sur sa finesse et son idée de faire une sorte de slasher amusant. Mais est-ce que cela suffit ? Non. Si les premières mises à mort peuvent éventuellement amuser – on rappelle que c’est un paresseux qui est à l’œuvre ! – le concept devient très vite lassant puisqu’il ne propose aucune variante une fois la « surprise » passée. Alors on observe la marionnette du petit animal reproduire les mêmes gestes, dans les mêmes scènes, minutes après minutes. Et l’amusement se délite à mesure que le récit peine à avancer. La Mascotte illustre parfaitement l’idée qu’un film ne puisse uniquement reposer sur son concept, aussi farfelu soit-il. Donc on attend, beaucoup, longtemps, avant que l’œuvre ne se termine et que l’on puisse ranger ce souvenir au fin fond de notre inconscient.
Pourtant La Mascotte, contrairement à une grande majorité des nanars, soigne un minimum sa forme. Certes on peut voir les limites du budget – la scène où plusieurs animaux sont censés être enfermés et que l’on entend leurs bruitages tout en voyant que les cages sont objectivement vides est assez équivoque sur le budget – et la marionnette du paresseux fait franchement cheap, l’image est toutefois plutôt bien pensée. Rien de bien innovant, pourtant on échappe aux bêtises habituelles dans ce genre de productions dans lesquelles le réalisateur ne sait pas où placer sa caméra ni où couper son plan au montage. Là, on sent que Goodhue, dont c’est le second long-métrage après le déjà pas terrible Woe (2020), a un certain respect pour son medium. La musique de Sam Ewing fait étonnamment penser à la bande-originale de La Chèvre (Francis Veber, 1981) composée par Vladimir Cosma. Cette ressemblance inconsciente tient surtout au fait de vouloir rappeler les origines sud-américaines du paresseux… Cela rend le visionnage assez particulier sans suffire pour éviter le naufrage, mais que voulez-vous, on s’accroche, comme un paresseux, à ce qu’on peut !
Quant au casting, que dire ? Il est bien entendu composé de têtes que personne n’a jamais vues nulle part ailleurs, et que l’on ne devrait pas revoir de sitôt. Le jeu d’actrice des deux rivales Emily et Brianna, jouées par Lisa Ambalavanar et Sydney Craven, est probablement ce qui se fait de pire en termes d’acting, même dans ce genre de production, c’est dire. Quand la marionnette d’un paresseux pourtant déjà pas folichonne devient le personnage le mieux joué d’un long-métrage, on comprend que pour le bien de la profession, il vaudrait mieux qu’elles se retirent du métier après La Mascotte. Il faut dire pour leur défense que ce qu’elles ont à jouer rassemble tous les pires clichés du teen movie américain à l’heure des réseaux sociaux : course à la popularité, rivalités mal placées, etc. Des incrustations des likes et autres commentaires issus d’Instagram viennent polluer l’image en permanence et « caractériser » les personnages selon leur degré de réputation. Donc on a pêle-mêle la fille populaire, la nerd, la nympho, et j’en passe. Si on ne demandait pas une caractérisation à la Bergman, un minimum d’effort quant aux contours des personnages et leurs interactions aurait pu s’avérer salutaire.
Alors nanar ou pas nanar ? La réalisation de Matthew Goodhue peut traduire une certaine sincérité et une foi en ce qu’il fait, donc on pourrait être tenté de s’amuser de ses efforts pour une telle entreprise, ce qui est l’un des critères majeurs de cette catégorisation ! Hélas dans le fond, La Mascotte a trop conscience de son concept faussement déviant pour être honnête. Vouloir être nul pour être nul, c’est nul. Il faut penser révolutionner l’Histoire du cinéma et se planter dans les grandes largeurs pour atteindre le graal nanardesque ! Du coup, on préfèrera dans le même genre la pureté d’un Zombeavers (Jordan Rubin, 2016), qui mettait en scène des castors zombies avec ce qu’il faut d’excès et d’incompétence crasse. La Mascotte est trop clean sur lui et fait trop trainer la blague pour son propre bien…