Kevin McCallister, 8 ans, se retrouve par une suite de hasards saugrenues, tout seul à Noël, dans la vaste demeure bourgeoise de sa famille, convoitée par deux cambrioleurs. A lui de surmonter ses peurs et tenter de repousser les brigands en attendant que sa famille revienne… Critique de Maman, j’ai raté l’avion (Chris Columbus, 1990) film de Noël dont on ne se lasse jamais, placé sous le signe du saint patron John Hughes et de son disciple Chris Columbus.
Sweet Home Chicago
A l’occasion de notre calendrier de l’avent, on ne pouvait pas décemment passer à côté de Maman j’ai raté l’avion ! (1990) ce film de Chris Columbus qui a fêté l’an dernier ses 30 bougies, tant il s’est imposé comme un jalon de la pop culture assez incontournable, en plus d’être devenu un classique de Noël. Le pitch à la fois simple et brillant – un home invasion en culottes courtes – a été repris, copié ou parodié à de nombreuses reprises et a fait l’objet de multiples suites ou reboots, la dernière venant tout juste de sortir sur Disney +. Macaulay Culkin, l’interprète de Kevin McCallister est devenu par là-même, à lui tout seul, le représentant quasi-officiel de cette étrange caste à part que sont les enfants-acteurs. Un temps déchu et en perdition, il bénéficie aujourd’hui d’un retour en grâce – et présente même son propre podcast. Son visage enfantin, les mains enserrant ses joues, figé dans une expression de peur rappelant le célèbre tableau de Munch est peut-être plus célèbre que le film lui-même. Ce visuel de l’affiche originale est en soi devenu un symbole de pop culture, identifiable entre mille et exploité encore de nos jours sous la forme de mugs et autres chaussettes à imprimés. Pourtant malgré son statut culte, ses innombrables rediffusions et la réutilisation perpétuelle de ses gimmicks, Maman j’ai raté l’avion ne nous lasse jamais. Alors pourquoi continuer d’en parler ? Et surtout, pourquoi continuer de le regarder ? Laissez-nous-en quelques lignes lister quelques raisons de revoir, comme à chaque noël, Kevin McCallister botter le train du gang des Casseurs Flotteurs.
L’attrait toujours renouvelé de Maman j’ai raté l’avion, vient d’abord de la simplicité et de l’efficacité de son récit, touchant presque au registre de la fable. La famille McCallister va fêter Noël à Paris. Mais la veille du départ, un malheureux concours de circonstance entraîne une dispute entre Kevin et le reste de sa famille, le poussant à formuler un souhait prophétique la disparition de sa famille. Le petit Kevin est par un deuxième enchaînement d’événements fâcheux, oublié au grenier quand la famille prend l’avion le lendemain. Il réalise ainsi son souhait sans le vouloir : sa famille a disparu, il est désormais seul à la maison et plus personne n’est là pour l’importuner. Tout compte fait, Maman j’ai raté l’avion pourrait presque être une revisite enfantine d’un autre grand classique de Noël, La vie est belle (Frank Capra, 1946). Ici le hasard a remplacé l’élément de magie et de fantastique, mais le principe reste similaire. Une fois le vœu réalisé, Kevin va réaliser tout comme James Stewart avant lui que la vie sans son entourage n’a pas beaucoup d’intérêt, tout spécialement à l’approche de noël. Quand Kevin McCallister se trouve devant la télévision, ce n’est donc pas un hasard de le voir regarder un grand classique américain, qui est, je vous le donne en mille : La vie est belle !
Impossible d’aborder Maman j’ai raté l’avion sans mentionner également l’un de ses notables créateurs, John Hughes. Scénariste du long-métrage, l’empreinte de Hughes y est omniprésente. On pourrait ainsi aborder l’amour sincère qu’il porte à ses personnages, comme celui tenu par exemple par son ami et collaborateur régulier, John Candy. Visage incontournable de la comédie américaine, protagoniste d’Un ticket pour deux (John Hughes, 1987) et de Oncle Buck (John Hughes, 1989), John Candy campe le second rôle le plus mémorable de Maman j’ai raté l’avion, Gus Polinski, le « roi de la Polka du Midwest », chanteur itinérant acceptant gracieusement de prendre la mère de Kevin en stop – la faisant du même coup otage des incessants airs de polka de son orchestre. Mais surtout, qui d’autre que Hughes aurait pu créer un protagoniste comme Kevin McCallister, tour à tour insolent, malin, froussard, et, finalement, débrouillard ? Comme à son habitude Hughes traite avec le plus grand sérieux, sans la moindre trace d’ironies, toutes les péripéties de Kevin : sa frousse du sous-sol ou du vieux voisin à la mine lugubre, ses demandes au père noël du marché ou ses escapades à l’épicerie locale. Dans cette histoire somme toute rocambolesque, on ne prend jamais de haut cet enfant de huit ans, mais on vit toutes les péripéties à ses côtés. Chris Columbus l’a bien compris en plaçant sa caméra constamment à la hauteur de Kevin, regardant systématiquement les adultes en contre-plongée et s’offrant quelques moments de purs gags visuels hérités du cartoon. C’est peut-être là une des clés du succès sans cesse renouvelé du film : dans la peau de Kevin McCallister toutes les inquiétudes, toutes les péripéties, toutes les facéties d’un enfant de huit ans, même les plus saugrenues, réussissent, encore et toujours, à prendre vie.