The Shadow


L’Atelier d’images nous propose de redécouvrir le film The Shadow de Russell Mulcahy, un film de superhéros sorti en 1994 mais pensé comme un polar des années 1930.

Sur un pont citadin, où le bitume humide reflète le ciel de nuit et les lampadaires bleutés, la silhouette du personnage The Shadow, avec longue cape et chapeau, vue de face.

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Sortir de l’ombre

Alec Baldwin, en costume traditionnel tibétain, lève les mains en l'air comme pour montrer qu'il n'a rien à se reprocher ; à ses côtés, deux asiatiques, en vêtements de montagne avec peaux de bêtes et chapeaux prches d'une chapka, visent avec leur revolver tous les deux dans la même direction ; scène du film The Shadow.

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Si notre époque est à l’adaptation de comics avec pléthore de films de super-héros, il ne faut pas oublier que le début des années 1990, suite au succès de Batman (Tim Burton, 1989), a vu aussi son lot d’adaptation. À l’instar d’un Fantôme du Bengale (Simon Wincere, 1996) ou du parodique Mystery Men (Kinka Usher, 1999), The Shadow fait partie de ces productions qui ont essayé de capitaliser sur le succès du diptyque consacré à l’homme chauve-souris. Le personnage de The Shadow, est d’abord un super-héros né sous la plume du journaliste Walter B. Gibson en 1931. Dans un premier temps paru sous la forme de pulps, le héros, suite au succès remporté par ses publications, se voit rapidement adapté en feuilleton radiophonique et interprété par ni plus ni moins que Orson Welles. Son succès aidant, le super-héros fera aussi l’objet de nombreuses adaptations en bande dessinées. Il n’est pas étonnant de voir réapparaître The Shadow après le succès des adaptations de Batman par Tim Burton puisqu’il a été l’une des inspirations principales de Bob Kane et Bill Finger pour créer le double nocturne de Bruce Wayne. Figure super-héroïque très inscrite dans la culture américaine, The Shadow fut d’ailleurs elle-même naturellement convoitée par le cinéma : l’ombre est déjà apparue dans une adaptation en serial au cours des années 1940, avant que dans les années 1980, le projet d’en faire un long-métrage émerge à Hollywood, Robert Zemeckis étant envisagé pour le réaliser. Si sur le papier, avec son univers sombre et son hommage aux films noirs, The Shadow avait tout pour être le blockbuster de l’été 1994, les sorties le même mois du Roi Lion (Rob Minkoff, 1994) et du non moins culte The Mask (Chuck Russell,1994) mettront fin aux espoirs d’Universal. Cependant, le film a connu une seconde vie dans les vidéo-clubs où il a atteint le statut d’œuvre culte.

Alec Baldwin, sur un fond de ciel de nuit brumeux, tient un pistolet dans chaque main ; il porte des gants, une longe cape noire, un chapeau, et un foulard rouge lui cache la bouche ; la peau de son visage semble pâle, et ses yeux bleus ont un aspect surnaturel ; plan issu du film The Shadow.

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The Shadow, c’est d’abord l’histoire de Lamont Cranston un ancien criminel violent et sanguinaire devenu seigneur de guerre au Tibet. Désormais repenti, il combat le crime dans les rues de New-York sous le nom de… Vous l’aurez compris, The Shadow. Mais le quotidien du héros est perturbé lorsque son ennemi juré, Shiwan Khan, dernier descendant de Genghis Khan, refait surface pour contrôler le monde comme son illustre ancêtre… La première chose qui frappe dans ce long-métrage, c’est évidemment sa ressemblance avec l’univers des Batman, ce qui pourrait peut-être expliquer son relatif échec. En effet, le personnage possède beaucoup trop de similitude avec le chevalier noir (un milliardaire au passé trouble qui combat le mal la nuit), les décors du film inspiré des films noirs n’étant pas sans rappeler ceux des Batman réalisés par Tim Burton. L’ironie étant donc que l’original ayant inspiré la copie finit par souffrir de sa ressemblance avec sa copie ! Passé ses étranges similitudes qui peuvent tendre à dévaluer le film par comparaison à ses prédécesseurs, The Shadow s’avère une production plaisante à regarder. Tout d’abord, car Russel Mulcahy s’est davantage évertué à réaliser un film noir et non un film de superhéros. L’auteur maîtrise parfaitement les codes établis par des auteurs comme Dashiell Hammett et décrit un New-York des années 1930 rongé par la mafia et la corruption. Ce parti-pris permet au long-métrage de se distinguer des autres productions super-héroïques de son époque et d’assumer totalement son héritage pulp. Cet héritage est aussi accentué par la mise en scène de Mulcahy qui compose ses plans comme des cases de bande dessinés – notamment la première scène – et par la direction artistique qui donne un côté intentionnellement faux aux décors.

Si The Shadow est une réussite sur le plan technique, le scénario pâtit de quelques faiblesses qui n’entachent pas la lisibilité générale du récit. La première est le personnage principal. En effet, vouloir créer un héros au passé sombre, qui sort du cliché du superhéros vertueux, apparaît comme une bonne chose sur le papier. Cependant, ne pas développer sa rédemption et expliquer comment il devient The Shadow par un texte explicatif résulte d’un manque de profondeur du personnage. Bien que l’on puisse parvenir à déceler en filigrane l’idée qu’il doit maîtriser sa part d’ombre pour ne pas la laisser le submerger, cet aspect du personnage est mal exploité et assez peu compréhensible… La présence de Tim Curry est aussi une énigme, étant totalement inutile au récit : il semblerait qu’il fût d’ailleurs rajouté à la dernière minute par le réalisateur…

Du côté des bonus, les éditions L’Atelier d’image nous proposent des suppléments inédits en France. Ainsi, on retrouvera une présentation du film par Océane Zerbini, spécialiste de la pop culture, les interviews des comédiens et de l’équipe technique réalisés à la sortie du film ainsi que le court-métrage A Burglar to the rescue réalisé en 1931 et encore inédit en France. Une édition précieuse, car inédite et qui mérite le coup d’œil, tout comme le film qu’elle remet en lumière, et qui en avait bien besoin.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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