Un couple emménage dans une nouvelle maison et entend des bruits suspects. Le pitch ne vous fait pas lever les yeux au ciel ? Foncez à vos risques et périls regarder le téléfilm M6… Ah non, pardon, l’énième nanar Netflix Aftermath (Peter Winther, 2021).
La nullité à l’état peur
La scène d’ouverture nous induirait presque en erreur : l’hécatombe d’un meurtre-suicide filmé sous tous les angles avec têtes explosées. Une éventuelle promesse de gore ? Raté. Arrive l’équipe de nettoyage dont fait partie le protagoniste. Peut-être l’histoire sera-t-elle ancrée autour de ce métier pour le moins atypique ? Encore raté. Le pitch reste aussi banal que possible. Kevin – joué par Shawn Ashmore qu’on a notamment vu dans la saga X-Men – et son épouse Natalie – Ashley Greene de Twilight – emménagent dans la maison où a été commis l’homicide car bien sûr ils l’ont acheté pour une bouchée de pain. Ah, le fameux cliché du couple en crise qui emménage dans un logement atypique pour tout recommencer à zéro et qui ne va pas tarder à se rendre compte que leur nouveau logis cache un lourd secret… La femme est bien évidemment la première à se douter de quelque chose, mais son cher et tendre la rassure : « Enfin, chérie, c’est notre seconde chance, ne t’inquiète pas ! ». Kevin et Natalie se retrouvent harcelés par un individu qui rôde autour de la maison, leur envoie des magazines porno, et poste des annonces à caractère sexuelle sur internet en leur nom. Tout est fait pour déstabiliser le couple déjà fragilisé par une infidélité. Aftermath est vendu comme “inspiré d’une histoire vraie”, mais seule cette partie l’est réellement. En effet, un couple américain (Janice Ruhter et Jerry Rice) a bien été harcelé de manière similaire par une femme qui leur en voulait d’avoir acheté la maison qu’elle convoitait elle aussi. Tout le reste du film, y compris son ouverture et surtout son plot twist final, est totalement fictif.
La scénariste Dakota Gorman n’a clairement fait aucun effort quant à l’inventivité du script, et la révélation finale me fait sincèrement demander comment une idée aussi mal exécutée a pu être approuvée. Le niveau tombe au plus bas, et c’est dommage car le jeu de fausses pistes ne fonctionne quand même pas trop mal pendant une grande partie du récit. Est-on face à une menace fantastique ? Réelle ? Extérieure ou intérieure ? Certains reprocheront à la maison d’être dénuée de tout potentiel horrifique car c’est une maison d’architecte très moderne, mais d’autres salueront ce changement d’environnement qui s’éloigne des vieilles baraques hantées classiques aux codes de représentation éculés. Ce plot twist qui transforme un film passable en nanar grotesque est certes le point le plus négatif d’Aftermath, mais il y en a beaucoup d’autres. Ashley Greene n’a toujours pas pris de cours depuis son rôle de vampire guillerette, et reste toujours aussi “mono-expression” dans son interprétation. De même pour Shawn Ashmore aussi passif que son rôle de mari boudeur est agaçant. Le thème du couple accapare presque tout le récit pour ne laisser filtrer que de petits moments pseudo-horrifiques, en réalité plus proche du thriller psychologique (ou romantique en l’occurrence). Cette insistance sur la relation amoureuse entraîne le passage sous silence de certaines actions qui auraient mérité plus de visibilité, notamment certaines morts qui ne semblent pas toucher les protagonistes et les font donc passer pour des égocentriques écervelés. Ce manque de travail sur la caractérisation des personnages fait gravement chuter le capital empathique du long-métrage auprès des quelques spectateurs qui ne l’auraient pas déjà arrêté en plein milieu…
Qu’on réussisse à atteindre ou non la fin des deux heures (assez mal rythmées) de cet éprouvant visionnage, on n’échappera pas à cette impression d’avoir regardé un téléfilm indistribuable en salles qui aura donc fatalement atterri sur Netflix. L’année 2021 n’aura pas marqué de grands changements de qualité à ce sujet : Aftermath rejoint l’étagère (ou plutôt la catégorie numérique) des films de paranoïa produit par Netflix aussi vite vus qu’oubliés, tels que Dans les angles morts (Shari Springer Berman & Robert Pulcini, 2021) qu’Amanda Seyfried ne sera pas parvenue à sauver, ou La Femme à la fenêtre (Joe Wright, 2021) dont nous vous disions, il y a quelques semaines, à quel point sa mise en scène s’engluait de références lourdingues à Hitchcock. Non vraiment, on peine à croire qu’un renouveau du cinéma d’horreur américain trouvera grâce sur les plateformes, malgré quelques pépites bien cachées dans les tréfonds de son catalogue tel que The Block Island Sound (McManus Brothers, 2020) encore faut-il savoir les trouver.