La Femme à la Fenêtre


Hommage très appuyé à Hitchcock, La Femme à la fenêtre (Joe Wright, 2021) fait certainement partie des plus gros ratés de l’année sur Netflix, et ce malgré un casting de premier choix.

Gros plan sur le visage d'Amy Adams les cheveux mouillés, derrière un appareil photographique ; son regard n'est pas dirigé vers l'écran de contrôle de l'appareil mais vers l'horizon ; plan issu du film La Femme à la Fenêtre.

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La curiosité est un vilain défaut

Amy Adams renfrognée derrière une fenêtre, entre deux rideaux couleur moutarde dans le film La Femme à la Fenêtre.

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Dès la scène d’ouverture, La Femme à la fenêtre joue la carte de l’honnêteté lors d’un panoramique dans une grande maison new-yorkaise qui laisse apercevoir une scène de Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954) sur l’écran de télévision. À l’époque, le protagoniste immobilisé en fauteuil roulant joué par James Stewart était convaincu d’avoir assisté à un meurtre dans l’appartement d’en face. Presque soixante-dix ans plus tard, Amy Adams joue ici le rôle d’Anna, une psychologue cloîtrée chez elle car agoraphobe, persuadée d’avoir vu sa voisine (Julianne Moore) se faire poignarder par son mari (Gary Oldman). La différence – et non des moindres –, c’est qu’Anna est immédiatement dépeinte comme ce qu’on appelle en littérature un narrateur non fiable : entre sa tentative de suicide, ses problèmes d’anxiété et de paranoïa, ses traitements médicamenteux mélangés à l’alcool, et l’éloignement de son mari et sa fille, le spectateur est amené à questionner tous ses faits et gestes. Cette formule somme toute classique donne malheureusement libre cours à d’innombrables facilités scénaristiques déguisées en plot twists. Où se trouvent donc le mari et la fille qu’on ne voit jamais à l’écran ? Qui est réellement la voisine ? Anna a-t-elle imaginé le meurtre ? Dommage, en réalité, que ce va-et-vient entre réalité et hallucinations s’étalant sur toute la durée de La Femme à la Fenêtre finisse par lasser, et porte surtout à confusion. C’est justement cette confusion durant les premières projections test qui a donné lieu à l’intégration de nouvelles scènes censées désépaissir le brouillard. C’est donc raté…

La Femme à la fenêtre devait en effet sortir fin 2019, mais a bel et bien dû être repoussé après des projections test insatisfaisantes. Notre chère pandémie aura eu à cœur de retarder encore et encore la sortie du projet en salles jusqu’à ce qu’il atterrisse sur Netflix en dernier recours. Que ce soit avec Les Heures Sombres (2017) ou l’indémodable Orgueil et Préjugés (2005), on a connu le réalisateur britannique Joe Wright plus en forme. Il faut dire que le roman sur lequel se base le récit a déjà une histoire sulfureuse : son auteur A.J. Finn (en réalité Dan Mallory) a été sous le feu des critiques pour deux raisons distinctes. D’abord, la ressemblance de l’histoire avec le film Copycat (Jon Amiel, 1995) où Sigourney Weaver jouait déjà une psychologue agoraphobe qui mène l’enquête ; puis les mensonges du romancier qui s’était présenté comme un diplômé d’Oxford ayant perdu sa mère d’un cancer et son frère d’un suicide alors qu’il n’en était rien du tout. Le personnage un peu tordu d’Amy Adams n’a soudainement plus grand-chose d’étonnant… Mais alors pourquoi vouloir adapter un roman et un auteur aussi bancals (en dehors du fait que les ventes étaient bonnes) ? Peut-être justement pour jouer le jeu à fond, et transformer le film en un hommage général à Hitchcock. Sauf qu’entre clin d’œil astucieux et hommage ultra poussif, il y a un fossé, et Joe Wright tombe en plein dedans.

Gros plan sur le visage d'Amy Adams sur un lit d'hopital, l'oeil gauche victime d'un large bleu, issu du film La Femme à la Fenêtre.

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La bande-son (composée quand même par Danny Elfman) et les effets de mise en scène n’ont de cesse de rappeler les thrillers du milieu du 20e siècle. Le personnage d’Anna passe d’ailleurs son temps à regarder des films noirs où la parano et les soupçons de meurtre vont bon train, comme par exemple Laura (Otto Preminger, 1944). Mise en abyme ingénieuse ou lourdingue ? À chacun d’en juger. De la musique à coups de violons dignes de Psycho (Hitchcock, 1960), en passant par les nombreux plans sur les escaliers à la Sueurs froides (Hitchcock, 1958), on en vient à se demander si le metteur en scène n’aurait pas mieux fait de réaliser un documentaire sur le maitre du suspense. Déjà affaibli par un scénario alambiqué, le long-métrage se noie dans un flot de références criardes qui finit par transformer tout moment de tension en instant comique. Et c’est sans compter sur l’abominable séquence de confrontation entre Anna et le meurtrier présumé qui change le ton du film de thriller rétro à slasher débile où on croirait regarder un mauvais Scary Movie. Même une Amy Adams excellente comme toujours – si vous n’avez pas encore vu la mini-série Sharp Objects (2018), foncez ! – et un casting au top ne peuvent sauver ce désastre. Dans la même veine, on recommanderait plutôt Paranoïak (D.J. Caruso, 2007) qui s’en sortait haut la main en étant plus direct et plus crédible, et avec un jeune Shia LaBeouf qui n’était pas encore devenu insupportable.


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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