L’Appel de la Forêt


Harrison Ford reprend du service pour une aventure au bout du monde. Au programme, pas d’Arche d’Alliance, pas de Demi-Lune ou de Sean Connery, mais un gros chien un peu laid. Malheureusement, L’Appel De La Forêt (Chris Sanders, 2020) n’a rien d’un Indiana Jones.

Harrison Ford et son chien vus de dos, contemplant une vallée montagneuse à la fois verte et nuageuse, scène du film L'appel de la forêt.

                                    © Tous droits réservés

Un Homme et son Chien… de synthèse

Décidément Jack London a le vent en poupe au cinéma ces derniers temps. Le légendaire auteur américain avait vu l’an dernier son récit autobiographique adapté pour la deuxième fois dans l’histoire du cinéma. Martin Eden (Pietro Marcello, 2019) reprenait le roman éponyme et le retranscrivait magnifiquement en Italie. En ce début d’année 2020, c’est au tour d’une autre de ses œuvres de connaitre une nouvelle adaptation cinématographique. Voici donc que débarque dans nos salles L’Appel de la Forêt ou The Call of the Wild dans sa version originale. Là s’arrête cependant la comparaison entre les deux œuvres, tant des mondes les sépare. L’une est une magnifique adaptation, originale et fourmillante d’inventivité, l’autre a un chien en images de synthèse. Fans de grande littérature ou de grand cinéma ? Passez votre chemin. Fans de Air Bud (Charles Martin Smith, 1997), de Beethoven (Brian Levant, 1992), ou de La Double Vie d’Eddie McDowd (Mitchel Katlin, 1999-2002) ? Restez un peu pour voir.

Sur fond enneigé, le chien Buck regarde John Thornton, interprété par Harrison Ford, scène du film L'Appel de la Forêt.

                                © Tous droits réservés

Un détail nous fait tiquer avant même le début du film. Pour la première fois on le voit sur grand écran, le logo mythique de la 20th Century Fox affiche désormais 20th Century Studios. Passé ce petit pincement au cœur, celui qui sera notre protagoniste déboule dans un décor de Far West. Entre donc en scène, Buck, un chien massif, dont le récit tracera le parcours du sud des États-Unis, jusque dans le grand nord sauvage du Yukon. Là aussi on tique : ce chien entièrement en images de synthèse est vraiment mal fichu, et nous fait directement entrer dans une sorte de vallée de l’étrange canine. Vous le savez peut-être, chez Fais Pas Genre, on n’a rien contre les productions ayant pour star un gros chien de synthèse, si bien que Scooby Doo, Le Film (Raja Gosnell, 2002) est un titre culte des années 2000 pour certains d’entre nous. Et justement, la comparaison des deux toutous ne joue pas en faveur de L’Appel de la Forêt. Les effets spéciaux de ce dernier sont en effet à peine plus crédibles que ceux du film sorti dix huit ans auparavant car jouant la carte du réalisme et non du cartoon, la pilule passe d’autant moins bien. C’est donc là le gros défaut de ce divertissement assez orienté pour la jeunesse : il se noie dans des effets spéciaux, jamais très réussis, souvent très laids. Les décors censés être majestueux sont, la moitié du temps réalisés en CGI. Les aurores boréales qui donnent à l’image une teinte verdâtre, les paysages enneigés, les rivières, les forêts, et la faune, tout passe à la moulinette d’un numérique de très pauvre facture. Et c’est d’autant plus triste lorsque le long-métrage déploie, de temps en temps, des paysages en prise de vue réelle : on s’aperçoit que L’Appel de la Forêt aurait pu être, bien plus plaisant pour nos cataractes.

Omar Sy se penche vers le chien Buck dans un paysage enneigé, scène du film L'appel de la forêt.

                                     © Tous droits réservés

Qu’est-ce qui pourrait alors sauver ce film d’aventures ? Certainement pas son scénario, cousu de fil blanc, même pour ceux qui n’auraient pas lu le roman. Les gentils sont très gentils, le méchant est très très méchant : Dan Stevens (un Matthew de Downtown Abbey méconnaissable pas forcément dans le bon sens du terme) incarne un nouveau riche obsédé par les rivières d’or du Yukon et en fait des caisses dans son costume bien évidemment trop propre pour la prospection en Alaska. Omar Sy, pour une fois dans sa carrière hollywoodienne, a le droit à un personnage plus important qu’un gros caméo style Jurassic World (Colin Trevorrow, 2015), mais son personnage sympathique disparaît tout de même bien vite. Les gags eux aussi sont éculés. Coïncidence ou molle référence, le film rejoue même, sans grand succès, un sketch d’Indiana Jones et la Dernière Croisade (Steven Spielberg, 1989) lorsque Omar Sy pense perdre son compagnon canin. La mise en scène de Chris Sanders – réalisateur habituellement de projets d’animations tels que Lilo & Stitch (2002), Dragons (2010) ou Les Croods (2013) – ne viendra pas non plus à la rescousse d’une production qui a tout d’une catastrophe. Travail strictement fonctionnel, sans aucun éclat, sans aucun plan réellement marquant qui se détache ou nous marque.  Alors quoi ? Rien pour sauver les meubles ? L’Appel de la Forêt est raté, mais même pas assez catastrophiquement drôle pour rentrer dans la catégorie « accident industriel nanardesque ». Il reste donc une chose. Ou plutôt une personne. Notre professeur Henry Jones Junior, notre Han Solo, notre Rick Deckard, Harrison Ford en personne (Lire notre article Plus Ford que Jamais) . Son personnage de bougon casanier, qui s’exile à la suite de la mort de son fils, lui va plutôt bien, tel un Jean-Pierre Bacri hollywoodien. Il instille parfois dans le film une douce tristesse, qui font jaillir les seules vraies émotions ressenties pendant cette heure quarante de métrage. On ne se lasse pas de lui, même dans un rôle qui restera marginal dans sa carrière, même en service minimum. On se surprend par ailleurs à avoir un certain plaisir méta à s’imaginer Harrison Ford caresser une doublure 3D devant un fond vert pendant le tournage. Harrison qui dialogue avec un gros (faux) chien dans un canoë, voilà surement la seule image que l’on gardera de L’Appel de la Forêt. En fait le film ne s’adresse qu’aux inconditionnels de Ford. Ou aux inconditionnels des canidés. Surtout n’hésitez plus si vous appartenez à la catégorie, très rare, des inconditionnels de ces deux éléments réunis…


A propos de Martin Courgeon

Un beau jour de projection de "The Room", après avoir reçu une petite cuillère en plastique de plein fouet, Martin eu l'illumination et se décida enfin à écrire sur sa plus grande passion, le cinéma. Il est fan absolu des films "coming of age movies" des années 80, notamment ceux de son saint patron John Hughes, du cinéma japonais, et de Scooby Doo, le Film. Il rêve d'une résidence secondaire à Twin Peaks ou à Hill Valley, c'est au choix. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riwIY

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

2 × 1 =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.