Scooby-Doo 1


Après plusieurs séries et téléfilms animés, Scooby-Doo et toute la bande de Mistery Inc. débarquaient au cinéma en 2002, dans une adaptation signée Raja Gosnell. Le défi était alors de taille : réaliser une production live-action dont les effets spéciaux s’occuperaient de prendre en charge la magie qui jusqu’alors était accomplie par l’animation elle-même. Adaptation fidèle du matériau d’origine ou trahison impardonnable ? Le mystère reste entier, et ce sera au spectateur-critique de trancher… Un Scoobiscuit pour la route ?

Le Scooby Gang au complet dans le film Scooby-Doo (critique)

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Le club des cinq

Samy, Scooby-Doo et un fantôme dans Scooby-Doo le film (critique)

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Scooby-Doo commence comme un James Bond le ferait : avec une enquête en cours. Nulle introduction n’est nécessaire, le spectateur sait exactement où il met les pieds. On découvre le Scooby-Gang élaborant un piège pour attraper le Fantô-Lune, et reprenant ainsi tous les éléments et ressorts propres à la série animée où la même trame se répétait : l’élaboration d’un plan qui ne fonctionne pas dans un second temps, avant de miraculeusement remplir son rôle de piège grâce à la bonne fortune de nos protagonistes. Dans cette séquence d’ouverture, le scénario de James Gunn – futur réalisateur des Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014) – joue la carte de la nostalgie. Impossible pour les spectateurs, même en ayant vu qu’une poignée d’épisodes, de ne pas reconnaître les personnages et leur univers si singulier. Après cette ouverture bondienne, et en terrain connu aussi bien pour nos protagonistes que pour les spectateurs, Scooby-Doo effectue un virage qui donnera une dynamique au long-métrage durant toute sa durée, la dissolution de Mystery Inc. Et c’est bien là le maillon fort de cette adaptation en live-action de ne pas vouloir copier un scénario déjà vu dans la franchise. Grâce à cela, bien que nos personnages ressemblent à ce que l’on connaît d’eux, une véritable évolution et nouveauté peut s’écouler de leurs péripéties. Alors oui, ce n’est pas le scénario le plus malin du monde, certains le trouveront même débile et prônant une idiocratie jusquauboutiste. On peut également regretter que la volonté initiale de James Gunn de proposer une histoire très adulte et violente (qui aurait été interdite aux moins de 17 ans non-accompagnés aux États-Unis) n’ait pas pleinement aboutie. Néanmoins, le scénario possède ce privilège de proposer une vision assez unique de l’univers de la série Hanna-Barbera, et qui vient appuyer un propos méta encore plus assumé dans le second opus toujours écrit par James Gunn. Le Scooby-Doo de Raja Gosnell se questionne sur le passé de nos personnages et sur leurs précédentes aventures. Est-ce que Fred est une personne vraiment égocentrique ? Est-ce que Daphné n’est pas là que pour se faire capturer et n’être que la jouvencelle en détresse ? Vera reste-t-elle une simple nerd coincée ? Tandis que Sammy et Scooby-Doo, étant les seuls personnages à pleinement assumer leurs identités de froussards et paresseux, servent d’ancrage pour les spectateurs qui partagent la même peine que nos deux amis lorsque le groupe se dissout. De ce point de départ, assimilé aux œuvres déjà existantes, le long-métrage se questionne sur la popularité et le marketing autour de nos détectives, comme à la fin de la séquence d’ouverture où des groupies demandent des autographes à Fred, habillées comme le blondinet de la bande. James Gunn, par son écriture, revisite l’héritage de la série animée pour lui offrir une vie réelle, avec les questionnements qu’elle soulève. En cela, la notion de “croyance” est également très importante dans ce passage de l’animation au live-action. Ce dernier, par son aspect très proche du réel, étant plus à même de révéler quelque chose de véridique. Ainsi, Scooby-Doo est la première enquête où un événement surnaturel se déroule vraiment, puisque, jusqu’alors, les méchants n’étaient faits que de masques et de plastiques. Lors d’une séquence au milieu du récit, Vera, légèrement ivre et dans les griffes de l’un des monstres, essaye, comme un réflexe lié à ses enquêtes, d’enlever un masque (inexistant) du visage du monstre. C’est lorsqu’elle comprend qu’il n’y a aucun masque, et donc de la gravité de la chose, qu’elle revient soudainement à elle. En soi, Scooby-Doo parle également de la routine, et sûrement aussi un peu d’amour, puisque c’est bien cette routine qui aura raison de nos protagonistes et qui les feront se séparer après une énième enquête, qui ressemble tant aux précédentes. C’est par cette enquête sortant de l’ordinaire, et sûrement la plus dangereuse de toutes, qu’ils retrouvent ce sentiment de cohésion, et d’amour, au sein de leur groupe, afin de repartir à l’aventure pour résoudre d’autres enquêtes. La plus belle des pirouettes reste de faire d’un ressort comique assez lourd et redondant de la série animée, l’un de ses méchants les plus réussis. On évitera tous spoilers pour les deux du fond qui seraient passés à côté de leur enfance, mais c’est comme si George Lucas avait fait de Jar Jar Binks l’un des méchants les plus bad-ass de toute la galaxie dans les opus suivants Star Wars, Épisode 1 – La menace fantôme (George Lucas, 2001). Tissa comprendre ?

Scooby-Doo et Samy dans le film Scooby-Doo (critique)

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Si le scénario propose un formidable roller-coaster d’aventure et d’humour, la forme reste le mauvais élève de cette production, malgré quelques fulgurances remarquables. Si Raja Gosnell n’est pas connu pour sa réalisation personnelle et empreint d’une certaine patte artistique – préférant n’être qu’un yes man pour productions hollywoodiennes adressées aux plus petits – il réalise quelques petites merveilles dans ce Scooby-Doo, notamment lorsqu’il s’agit de poser les bases d’une ambiance, à l’image de la séquence d’ouverture. Il y a quelques séquences clés, très gothiques à l’image – un mélange entre une atmosphère presque burtonienne mêlé d’un cartoon à la Bugs Bunny – qui se révèlent être les clés de voûte de l’imagerie du long-métrage. La séquence d’ouverture donc, la découverte du château et de la salle des commandes secrète, ou encore le climax prenant place dans les souterrains de l’île possèdent une réelle vision artistique, où le gothique et le cartoon se côtoient pour le plus grand plaisir des spectateurs, retrouvant le charme et la qualité propre du matériau d’origine. Dans les séquences plus lumineuses, en extérieur et de jour, un autre imaginaire est présent : celui de la génération MTV. Dans de nombreuses critiques qu’a subi Scooby-Doo à sa sortie, beaucoup pointaient du doigt le côté presque clipesque de la mise en scène, se servant de la notoriété de la chaîne télévisée pour attirer les jeunes adolescents dans les salles. Or, bien plus qu’un simple moyen d’attraction, James Gunn amène une réflexion très engagée pour ce genre de divertissement. Dans l’histoire de Scooby-Doo, la plupart des jeunes présents à l’écran, nos protagonistes en tête de liste, ressemblent à ce que certains décrivent comme “la génération MTV”, une génération de jeunes élevés aux clips, aux sports extrêmes et aux looks marginaux pour l’époque. Le mystère qui englobe Spooky Island, et qui se trouve être la raison de la présence de nos détectives sur l’île, est que les jeunes qui en partent se retrouvent changés, laissant leur « attitude MTV » au placard pour arborer un style plus calme et moins dégénéré. On apprend plus tard que leurs âmes ont été volées, pour que celles des monstres puissent prendre possession de leur corps. En soi, l’image du gendre idéal, comme le voudrait certainement leurs parents, n’est possible que parce que leur corps est habité par un démon ancestral. James Gunn, dont l’esprit punk et mauvais garçon fera plus tard la réussite des Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014), livre une morale assez forte, bien que secondaire dans la narration, où il conseille aux plus jeunes d’être ce qu’ils sont, tout en diabolisant les adultes qui voudraient transformer ces “marginaux” en petits modèles de bienséance. Ce propos a encore davantage sa place dans l’univers de Mystery Inc. puisque nos quatre membres humains, en pleine adulescence dans le long-métrage mais souvent présentés comme de vieux adolescents dans la série animée, ne font jamais mention de leurs parents, à aucun moment, ce qui n’est plus le cas dans les productions récentes. Le rapport qu’ils entretiennent à l’absence de parents, associés au fait qu’ils soient des outsiders dans chacune de leur classe sociale rappelle les personnages principaux de The Breakfast Club (John Hughes, 1985) et rejoint cette notion d’appartenance à un groupe, Mystery Inc. en l’occurrence, et cette volonté de ne pas chercher à ressembler à ce que les autres souhaiteraient. Fred, Daphné, Vera, Sammy et Scooby-Doo sont de magnifiques losers, perdus dans leur soif de mystère et de surnaturels et qui trouvent un équilibre dans le fait d’être ensemble. Scooby-Doo les suit de leur dissolution à leur réunification, et durant ce voyage – où ils croisent la route d’une vielle connaissance qui veut les tuer et de monstres démoniaques – leur plus grande peur reste celle de ne plus avoir les autres membres de Mystery Inc. pour amis. De toutes les questions que le long-métrage se pose, il n’y en a qu’une qui plane au-dessus des autres : et si la chose la plus surnaturelle au monde serait que Scooby-Doo et ses amis ne résolvent plus d’enquête ensemble ?


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.


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