Ré-édité par Artus Films, Viva Django ! (Edoardo Mulargia, 1972) s’offre une seconde vie dans un Blu-Ray comprenant une version restaurée, ainsi qu’une présentation vidéo et écrite par Curd Ridel. Sorti en 1972, le long-métrage est important par son contexte de production dans une industrie en pleine essor, et par la présence de la superstar Anthony Steffen, surnommé « le Clint Eastwood italien ». L’occasion de replonger le temps d’une critique dans cette époque glorieuse du western spaghetti, où les héros ont tous le même nom : celui de Django.
Il était une fois Django
En 1966, Django (Sergio Corbucci, 1966) devient l’un des gros succès du cinéma italien, donnant ses lettres de noblesse au genre du western spaghetti qui connaîtra ses plus belles heures par la suite. Si la suite officielle ne verra le jour qu’en 1987, plusieurs productions tentent de surfer sur le plébiscite du personnage, en nommant leur protagoniste comme celui de Sergio Corbucci. Ainsi, durant presque dix ans, une multitude de westerns italiens se retrouvent avec un “Django” écrit en gros sur leurs affiches. La méthode étant tellement répandue, qu’elle s’applique également aux traductions, transformant parfois un Pay O’Brien dans la version originale en Django dans la version française comme c’est le cas avec Django le proscrit (Maury Dexter, 1965). Viva Django ! fait partie des dernières productions à emprunter le nom comme argument de vente, avant qu’un certain Quentin Tarantino remette le personnage dans la lumière : en produisant d’abord Sukiyaki Western Django (Takashi Miike, 2007) puis en réalisant Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012). Il est important d’avoir ces éléments en tête lorsque l’on découvre un long-métrage comme Viva Django ! tant il existe à la fois par lui-même, mais également comme pièce d’un puzzle plus grand. En effet, si les « Django » se suivent sans être les mêmes, le personnage, lui, est figé dans des archétypes et traits de caractère bien définis. Django, c’est le cavalier solitaire à la mine fatiguée ternie par le sable du désert, et essentiellement très peu bavard. Dans ce registre, Anthony Steffen excelle et propose une variation du personnage très intéressante, en voulant venger la mort de sa fiancée offrant une bonne dose d’humanité et un nouveau relief au symbole. Car oui, Django c’est avant tout un symbole : celui de la justice.
Ici, le scénario fait la part belle à ce sentiment de justice, par l’arc narratif de Django voulant venger le meurtre de sa femme – tuée impunément par trois bandits de l’Ouest. Alors oui, c’est un peu « bête » comme histoire, certainement très simple et maintes fois épuisé, mais Viva Django ! possède une telle volonté de divertissement de spectacle, que cela est rapidement pardonné. Cette production est un roller-coaster de tirs de colts et autres cavales à cheval, marqué par trois actes où il faudra abattre trois méchants. C’est simple, mais efficace. Si Anthony Steffen s’en donne à cœur joie dans le rôle-titre, les seconds couteaux sont également riches en couleurs. Glauco Onorato, interprète de Carranza et guide de Django dans sa quête de vengeance, ressemble à un sergent Garcia un peu plus bagarreur, entre drôlerie et gros bras. Et si ça castagne sérieusement durant près d’une heure et quarante minutes, la comédie possède également une place de choix au coeur de l’histoire. Dès le début, action et humour se côtoient gaiement avec une séquence de dynamite qui n’a rien à envier aux cascades de l’époque et au pouvoir comique d’un certain Bugs Bunny, le cartoon étant l’adjectif le plus qualifié pour Viva Django ! tant il lui emprunte chaque idée comique et chaque volonté de faire rire par le spectaculaire. Par l’image, le réalisateur Edoardo Mulargia – crédité en tant que Edward G. Muller – donne également une réelle identité moderne, très loin de l’image figée et codifiée que pouvait avoir le genre à l’époque. Ainsi, à plusieurs reprises, des plans subjectifs viennent dynamiser une séquence d’action et donner un sentiment d’immersion au spectateur. Viva Django ! gravite autour d’un héritage, à la fois du western et du personnage iconique, tout en cherchant à s’en émanciper par des pratiques nouvelles. Il faut avouer que le générique de début – des images du long-métrage colorisées en rouge et bleu, donnant une impression de négatif pop de la pellicule déjà en place dans celui de Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964) – annonce le ton de la production : colorée, divertissante et moderne. Cela sera suffisant pour éveiller votre curiosité, avant d’avoir toute votre attention quelques minutes plus tard. Un pouvoir spécial propre aux « Django », il faut croire.
De son côté Artus Films propose Viva Django ! dans une édition médiabook, avec livret, copie Blu-Ray et DVD. Les bonus sont rares mais ont le mérite d’avoir une réelle raison d’exister. D’un côté, le teaser de Django Begins, projet de long-métrage réalisé par le fils de Anthony Steffen, Manuel De Teffé. De l’autre, une présentation du film par Curtis Ridel, qui contextualise les enjeux autour de cette production. Le même Curtis Ridel signe également le livret qui accompagne la réédition, prenant pour axe la figure de Anthony Steffen dans le western. Néanmoins, la vraie prouesse de cette édition est ce nouveau master 2K restauré de Viva Django ! dont la dernière édition connue en France était sa bonne vieille VHS. Oui, ça commençait à faire long…On ne peut que se réjouir de la redécouverte d’un tel long-métrage et dans de telles conditions. Ce qui n’aurait sûrement pas été possible sans le ré-intérêt général suscité autour de l’icône du personnage grâce à Quentin Tarantino, et au marché du film de patrimoine en pleine essor. Viva le cinéma de patrimoine !