En marge de son coffret collector consacré à Christine (John Carpenter, 1983) dont on va vite vous parler, l’éditeur Carlotta offre un écrin de qualité à une autre adaptation de Stephen King, le récit de chien tueur Cujo (Lewis Teague, 1983) sortie la même année. Critique mordante.
Film de niche
Nous vous en parlions déjà il y a quelques jours à l’occasion de notre chronique de l’adaptation de Dans les Hautes Herbes (Vincenzo Natali, 2019) par Netflix, le regain de popularité de Stephen King semble connaître son paroxysme autour de cette rentrée scolaire 2019. Entre sorties en salles (et streaming) de nouvelles adaptations – Çà, Chapitre 2 (Andrés Muschietti, 2019) et bientôt Doctor Sleep (Mike Flanagan, 2019) – bons nombres des précédents portages cinématographiques des récits de l’auteur se voient gratifiés de ré-éditions vidéos prestigieuses. Alors que Carlotta a offert à Christine (1983) l’un des tout meilleurs Carpenter, mais aussi l’une des toutes meilleures adaptation de l’auteur originaire du Maine un coffret ultra-collector dont on va vite vous parler en long et en large, l’éditeur vient tout juste de ressortir dans un somptueux Blu-Ray steelbook l’adaptation – parmi les préférés de King lui-même – de son best-seller Cujo : l’histoire d’un chien qui va se faire mordre par une chauve-souris enragée et devenir progressivement un véritable tueur d’humains.
Considéré comme l’un des piliers d’un genre à part entière qu’est le film d’animaux tueurs, l’œuvre de Lewis Teague – à qui l’on doit un autre long-métrage où une bébête s’en prenait déjà à tout ce qui bouge – L’Incroyable Alligator (1980) dont on dit que Stephen King l’avait tellement apprécié qu’il aurait lui-même soufflé le nom de Teague aux producteurs de Cujo – s’est taillé avec les années une réputation culte. Comme beaucoup de séries B ayant atteint, le temps passant, cette stature dit-on « indéboulonnable », sa découverte peut s’avérer décevante, tant le lustre affublé à ce travail honnête mais en rien révolutionnaire, apparaîtra, pour ceux qui le découvrent, assez surfait. Mal gaulé, endimanché d’une structure brinquebalante et d’une intrigue de drame familial poussive, le long-métrage démarre péniblement avant de finalement trouver tout son intérêt et sa puissance au contact des codes du survival movie. Ainsi, c’est seulement dans son derniers tiers, où ce Cujo prend les atours d’un film de siège, que Lewis Teague parvient enfin à nous faire un tant soit peu craindre l’animal enragé et assoiffé de sang qui nous a été promis dès le carton titre. Ainsi, une mère – incarnée superbement par Dee Wallace, qui surfe alors sur sa popularité croissante depuis le succès d’E.T L’Extraterrestre (Steven Spielberg, 1982) sorti un an plus tôt – et son fils – le jeune Danny Pintauro, absolument remarquable – sont retranchés dans leur voiture en panne tandis que le clébard attend la moindre occasion, le moindre signe de faiblesse, pour leur becter les mollets ou toute autre chose. En outre, le défi le plus brillamment réussi par Cujo est de faire d’un Saint-Bernard, gentil-toutou par excellence – rappelez-vous qu’il fut la star, quelques années plus tard, d’un chef-d’œuvre un vrai : Beethoven (Brian Levant, 1992) – l’incarnation cinématographique moderne du fameux Cerbère, molosse des enfers, enragé et suintant de partout, dont on craint les crocs et souhaite plus que tout la mort.
C’est finalement par le déploiement de sa furie animale et par l’inventivité de la mise en scène des séquences d’attaques que Cujo réussit à provoquer quelques gouttes de sueurs et faire son « petit effet ». Difficile de dire si l’on doit véritablement cette réussite au réalisateur – on ne peut pas dire que Lewis Teague ait confirmé son talent par la suite, signant entre autres la très moyenne suite de A la Poursuite du Diamant Vert (Robert Zemeckis, 1984) intitulée Le Diamant du Nil (1985) et une autre adaptation de Stephen King, le film à sketchs Cat’s Eye (1985) avant de disparaître de la circulation – tant les divers entretiens présents dans les bonus de cette édition mettent régulièrement en avant le rôle primordial du chef-opérateur dans la fabrication de ces séquences iconiques. Ce dernier, inénarrable Jan De Bont, était considéré à l’époque, à juste titre, comme étant « le plus fou d’Hollywood ». Il faut dire que le bonhomme sortait tout juste du tournage de Roar (Noel Marshall, 1981) où il avait déjà redoublé d’inventivité et de folie pour filmer des fauves au plus près, ou depuis le dos d’un éléphant en charge etc au point de finir le crâne bouffé par un lion. En dehors de son coffret métallique de toute beauté – du genre de ceux qui rendent jaloux tous les autres sur l’étagère – l’édition vaut le coup d’œil si vous souhaitez (re)découvrir ce film dans un master irréprochable, tout en prolongeant cette découverte des heures durant. Entre des entretiens passionnants avec la comédienne Dee Wallace, le compositeur Charles Bernstein et la dresseuse Teresa Ann Miller et un making-of très complet signé Laurent Bouzereau – la référence donc – c’est environ trois heures de suppléments qui vous sont offerts par Carlotta. On pourrait conclure en disant que cette édition, « dis donc, qu’est-ce-qu’elle a du chien ». Mais c’est pas notre genre.