La Mafia fait la loi


Nouvel opus de la collection Make my day ! de Jean-Baptiste Thoret, réalisée en collaboration avec Studio Canal, La mafia fait la loi (Damiano Damiani, 1968) ressort dans une superbe copie restaurée. Franco Nero et Claudia Cardinale partage l’affiche de ce polar aux allures de western, dans une Sicile repliée sur elle-même.

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La loi du silence

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Adapté du roman Le jour de la chouette, de Leonardo Sciascia, La mafia fait la loi (Damiano Damiani, 1968) prend place dans la Sicile des années soixante où le capitaine Bellodi enquête sur un meurtre. Seule témoin du crime, Rosa Nicolosi ne veut pas parler, par peur de représailles… Si le long-métrage possède une tension si forte durant toute sa durée, c’est bien de par cet élément scénaristique où chaque témoin préfère se taire plutôt que de collaborer. Dans cette cour des silences, l’évolution presque graduelle de Franco Nero, qui interprète le capitaine Bellodi, est très intéressante. Alors qu’il arrive du nord de l’Italie, étranger de la Sicile donc, c’est avec beaucoup de certitude et d’assurance qu’il pense résoudre ces crimes, dont les coupables sont si évidents pour tous. Néanmoins, pour tout crime, il faut des preuves ou des témoignages. Et c’est lorsqu’il se confronte au silence de l’île que, tout doucement, son caractère et son allure vont se dégrader. Alors que l’on connait l’acteur italien pour ses rôles de western, et notamment Django (Sergio Corbucci, 1966) où il arbore une barbe mal taillée et que son visage est poussiéreux, c’est rasé de très près et dans un uniforme sans un grain de sable qu’il nous apparaît dans La mafia fait la loi. Cela ne dure qu’un temps, puisqu’à chaque refus de témoignage d’un habitant, son apparence se dégrade (sueurs, traces de saletés, etc.) dans une volonté de caractériser visuellement son agacement, sa fatigue, et sa colère. Ainsi, au fur et à mesure que le long-métrage avance dans son intrigue, un poids et une chaleur prennent place, aussi bien dans le fond de l’histoire que dans la forme de l’objet cinématographique.

La mafia fait la loi est un long-métrage où l’on a chaud. Énormément chaud. Votre canapé s’en souviendra pendant un petit moment, alors que le grand verre d’eau glacé est de rigueur… Car si le silence pèse sur l’intrigue, jusqu’à se faire ressentir sur le spectateur, la mise en scène aura également un impact marquant par sa capacité à générer une sensation de chaleur. Malgré son intrigue de polar, c’est bien au western qu’il emprunte les codes de cinéma. La direction photographique de Enzo Barboni travaille un jaune éblouissant et pesant, où les zones d’ombres se font rares, venant taper sur le front des personnages comme un personnage fantôme, tellement implanté dans le décor qu’il paraît invisible. Toute la direction artistique, aussi bien les décors que les costumes, empruntent également au western. La maison de Rosa Nicolosi rappelle les villas où les portes et fenêtres recadrent l’espace extérieur, tandis que la place du village joue au duel entre les policiers et les voyous, où les deux bâtisses se font face. C’est d’ailleurs par le biais de ces bâtiments que s’exerce le véritable face-à-face entre le capitaine et les voyous, où chacun des deux s’observent et se guettent. Le personnage de Claudia Cardinale, superbe dans le rôle, devient alors le pont et le messager entre ces deux camps, où la place du village, symbole de l’opinion publique, devient le lieu à conquérir. Même si l’un finit par l’emporter sur l’autre, la dernière séquence offre un épilogue en demi-teinte et où la victoire possède un gout amer, tant la rivalité était plus stimulante que le simple fait d’arriver à ses fins. Les policiers n’existeraient pas sans les criminels, les criminels auraient bien du mal à l’être sans les policiers. Cow-boys et hors-la-loi vont de pair.

Le Blu-Ray/DVD, de la collection Make my day ! du réalisateur et historien Jean-Baptiste Thoret remplit tous les critères de qualité que l’on exige lors d’une ressortie et restauration d’un long-métrage. La copie est superbe, et deux bonus (une préface et un entretien autour du long-métrage) permettent une réflexion davantage poussée sur La mafia fait la loi. Encore une fois, même l’écrin du Blu-Ray et DVD est travaillé, et offre un visuel inédit à l’affiche originale, tout de même présente à l’intérieur du coffret. Jean-Baptiste Thoret comme accompagnant pour (re)découvrir un telle production est un atout non-négligeable et on vous le donne en mille : ça fera votre journée.


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.

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