[Entretien] Hugues Derolez, croire en Shyamalan 1


La sortie tonitruante du nouveau film du grand M. Night Shyamalan, le très beau Glass, devrait susciter de nombreuses questions et discussions. Nous y voyons l’occasion de nous entretenir avec le scénariste et écrivain Hugues Derolez, qui a dirigé l’écriture d’un ouvrage consacré à la carrière du cinéaste – Contes de l’au-delà : le cinéma de M. Night Shyamalan – paru en 2015. Nous y revenons sur ce nouveau et complexe long-métrage, ainsi que sur ce livre passionnant et singulier, et bien évidemment sur l’œuvre complète d’un réalisateur qui n’a cessé de nous passionner. Attention, nous y spoilons allègrement Glass et évidemment ses autres longs-métrages. Vous êtes prévenus.

Les mystères de la Foi

Avant de revenir sur le livre que tu as dirigé, je voudrais d’abord t’interroger sur l’actualité de Shyamalan et cet étonnant Glass. Ton avis est d’autant plus intéressant que tu faisais partie de ceux qui avaient été déçus par Split (2017), et je crois savoir que tu ne voyais pas cette suite d’un très bon œil.

D’abord, je voudrais relayer aussi l’avis des personnes qui ont écrit le livre avec moi. A part Axel Cadieux et moi qui adorons le film, tous les autres qui l’ont vu sont très déçus et j’y reviendrai souvent pendant l’entretien. De mon côté, outre le fait que j’ai été soulagé après Split – que je vois vraiment encore comme un gros accident de parcours, plus ça va et plus il m’agace pour plein de raisons – je repense beaucoup à Glass depuis que je l’ai découvert, parce que je le trouve d’une cohérence absolue avec ses précédents films. Même si au départ, les quinze premières minutes un peu « film à suite » ne m’ont pas emballées. Je me disais qu’il se lançait sur la piste qui inquiétait tout le monde, à savoir celle de faire des films qui marchent pour se faire de l’argent, et que ce début ressemblait quand même beaucoup à un Avengers. Ce début pose un problème par rapport à l’ensemble de sa carrière car la beauté de ses films passait justement par le fait qu’on nous faisait croire progressivement au fantastique. La structure nous invitait à entrer dans un monde initialement sans signe extérieur de fantastique, pour finalement croire progressivement au surnaturel, alors que Glass, dans sa logique de suite, nous intime de croire immédiatement, ce qui me gêne au départ. Mais il est finalement beaucoup plus malin que ça, peut-être un peu trop petit malin pour certains, en faisant une sorte de zigzag dans son récit, où ces mecs se battent pendant quinze minutes pour que finalement le film trouve sa véritable identité. On est enfermé dans un hôpital psychiatrique et on remet en cause une nouvelle fois toute la croyance envers des personnages qui existaient depuis vingt ans bientôt. C’est pour ça que je parle de cohérence puisqu’encore une fois le film nous interroge sur nos croyances – cette fois-ci sur des images vues dans son propre cinéma, dans Split et Incassable (200O) – et nous raconte la même chose que tous ses autres films, dès Praying with Anger (1992), Wide Awake (1998), ou Sixième Sens (1999). En même temps, je ne vais pas cacher que je ne suis pas abasourdi non plus. Ce n’est pas un chef-d’œuvre pour moi, mais j’ai très envie de le revoir. J’ai toujours besoin de voir plusieurs fois ses films. Mais je vois des limites. Par exemple, pour moi, Glass prouve à quel point Incassable était un film génial, et ce qui me dérange c’est que ça raconte un peu la même chose… C’est ce qui est intéressant aussi, mais s’il avait fait Glass il y a vingt ans, ça aurait été un film visionnaire, ce qui prouve à quel point Incassable l’était. Ce qui est quand même dément c’est que le twist final raconte qu’en fait Mr Glass était le méchant depuis le début ! Soit exactement la fin d’Incassable. C’est peut-être un poil plus compliqué que ça, mais disons qu’on en revient à la même conclusion qui lui fait dire en gros « en faisant le mal, j’ai fait le bien ». C’est d’ailleurs amusant de voir cette scène sur le parking en parallèle avec Shyamalan lui-même, où Mister Glass vante son propre génie, sa propre capacité à créer des héros. Malgré tout, c’est ce qu’était déjà la belle conclusion d’Incassable.

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A mon sens, on peut y voir une dimension supplémentaire quand même. Effectivement, contrairement à Incassable, Glass n’est probablement pas visionnaire, mais apparaît plus comme un film en réaction. Incassable arrivait bien avant la mode des super-héros, ou en tous cas au tout début, alors que Glass arrive au moment où cette mode a tout envahi et semble réagir à ça. Pour moi l’exemple le plus frappant, c’est la fausse promesse d’un climax sur le plus haut gratte-ciel de la ville, à la manière de n’importe quel Avengers, pour que finalement il se déroule sur un parking, à hauteur d’hommes, mais avec une vraie profondeur psychologique et mythologique. Là où les morts du dernier Avengers n’auront aucune conséquence sur la suite, Shyamalan tue ses héros, et les tue vraiment.

C’est sans doute parce que le film a une dimension plus politique, chose qui l’intéresse probablement plus aujourd’hui qu’à l’époque d’Incassable, qui était plus prophétique que politique. On le voit déjà, dans la continuité de Split, sur cette théorie à laquelle Shyamalan croit beaucoup – ce qui me dérange un peu mais admettons – que l’esprit peut moduler le corps, le transformer, au point de te faire devenir un super-héros. Ce que tu dis sur l’écriture du scénario est très vrai mais me semble plus être de l’ordre du clin d’œil. Là où je le trouve malin c’est qu’il ne va finalement pas vraiment dans le commentaire du film de super-héros, mais retrouve plus la mythologie des comics, comme dans le premier opus. L’ouverture d’Incassable, avec ces chiffres sur l’importance des comics aux Etats-Unis, en faisait un film qui non seulement parlait de super-héros mais aussi parlait de ceux qui lisent des comics et s’en inspirent. Shyamalan ne faisait pas du tout la même chose que Tim Burton avec ses Batman, il voulait aussi parler des collectionneurs de comics. Quelle chose étrange encore aujourd’hui ! Ça lui a été beaucoup reproché à l’époque et la beauté de Glass vient aussi du fait qu’on retrouve cette mythologie. Il disait, dans son interview à la Cinémathèque, que ce qui l’intéresse c’est la mythologie du super-héros telle qu’il l’a vécue dans son enfance, celle des comics justement. Je ne pense pas qu’il était un Elijah Price non plus mais comme beaucoup d’enfants américains, il adorait lire des comics, c’était presque une religion, ou en tous cas, il y avait des croyances qui en découlaient. Du coup Glass me semble moins parler de ce qu’est le film de super-héros contemporain, que de la croyance en ces héros, ces dieux, qu’on avait déjà à l’invention des comics dans les années 30. Dans le film on retourne dans les comics shop, on parle de l’origine des comics. Et ce qui me touche davantage, personnellement, c’est à quel point il veut raconter plutôt des histoires de « super-personnes ». C’est ce qui fait que la fin est terriblement cruelle : tous ces gens qui ont été pris pour des héros finissent par mourir de façon atroce, comme des hommes. Pour en avoir parlé avec les amis qui ont écrit le livre avec moi, beaucoup ne se remettent pas de voir David Dunn mourir comme ça ! J’ai encore du mal à voir comment le film va être accueilli mais je pense que beaucoup de gens vont trouver ça déceptif.

Ce que tu dis sur les « super-personnes » est d’autant plus juste quand on pense aux trois très beaux personnages secondaires : Joseph, Madame Price et Casey.

Oui. D’abord, ils forment de nouveau une sorte de famille recomposée, au sens shyamalanien du terme. Ensuite ce sont eux qui accomplissent la révolution enclenchée par Mister Glass, sursaut des consciences qui passeraient par les nouveaux médias. C’est un truc qu’on évoquait un peu dans le livre, parce que Shyamalan en parle depuis longtemps : ce moment où l’Humanité, après la catastrophe, va renaître. C’est un peu ce qui arrive à la fin du film, grâce à la puissance des images qu’on va utiliser avec les réseaux sociaux. Là-dessus, je vois Shyamalan qui commence à vieillir un petit peu quand même. Il est malin, mais je sens qu’il est malgré tout un peu plus vieux que dans les années 90-2000. Oui, il utilise les images différemment, mais pour avoir beaucoup parlé de mise en scène avec mes collègues rédacteurs, certains sont assez déçus. Il faut reconnaître que la façon dont il joue sur les régimes d’images, notamment sur les images filmées de l’hôpital psychiatrique, n’est pas très novatrice là où il faisait des choses plus intéressantes à mon avis avec The Visit (2015). C’est notamment pour ça que je ne parle pas encore de chef-d’œuvre mais ce n’est pas forcément mauvais signe, car ça a toujours été le cas pour moi à la sortie de chacun de ses films. J’ai de très bons souvenirs des projections au cinéma de ses premiers films, alors que j’étais encore gamin, mais où j’étais quand même toujours très circonspect. Quand je vois Signes (2002) à sa sortie à 13 ans, je trouvais ça très étrange, je n’étais pas sûr d’avoir tout compris. Et là avec Glass je retrouve cette sensation. Je suis d’autant plus content que je n’avais pas envie de ce film, la conclusion de Split ne m’avait pas vraiment excité. Il le dit en interview, il a probablement été poussé par tous les fans qui lui réclament Incassable 2 depuis des années. Je n’en voyais pas l’utilité. Sans que cela n’entache le film, j’aurais clairement préféré qu’il aille sur autre chose, qu’il se mette plus en danger. Aussi parce que je n’avais pas forcément envie de voir encore un film de super-héros, même par Shyamalan, j’en vois suffisamment comme ça. D’ailleurs je pense que ceux qui fantasment un « combat final » vont être déçus. C’est là où le film est pervers, et on reconnaît là l’ambiguïté propre à tous ses longs-métrages. Il est capable de te donner envie d’un grand affrontement final, pour finalement te dire « évidemment, c’est pas ça qu’on allait faire » et qu’on l’accepte très bien parce que c’est en fait beaucoup plus cohérent. Il est très manipulateur. Certains sont déçus aussi parce que c’est un film de super-héros à petite échelle. En ça, ça ressemble à Split, c’est très enfermé, la bataille finale se joue sur un parking, les combats ne sont pas très bien filmés…

Il est beaucoup plus fort dans la mise en scène de plans iconiques que dans les scènes d’action pures. Ça a toujours été « son problème » d’ailleurs. C’est très évident dans Le dernier maître de l’air, où les préparations des combats, la montée en gamme avant l’action, sont beaucoup plus longues et belles que les scènes d’action en elle-même qui ne sont pas fascinantes.

D’ailleurs, je n’aime pas énormément Le Dernier Maître de l’Air mais c’est quand même un film très important, et sans doute celui qui parle le mieux de ce à quoi Shyamalan croit vraiment au fond de lui. C’est évoqué dans un des chapitres que j’aime beaucoup de notre livre et qui est consacré à la spiritualité asiatique – « Le souffle asiatique » écrit par Éric Vernay.

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Ça nous fait revenir à une question évidente qu’on se pose sur le cinéma de Shyamalan, et sur laquelle vous revenez beaucoup dans le livre, qui est celle de la Foi. S’il interroge toujours les fondements rationnels de la croyance – à l’exception peut-être des films dans la lignée de La Jeune Fille de l’eau (2006) – et tout particulièrement dans Glass, celle-ci est quand même une donnée essentielle de ses films et elle peut avoir de quoi rebuter. J’ai découvert Wide Awake qui est quand même un film qui s’achève sur la rencontre avec Dieu ! Beaucoup ont parfois reproché une forme d’obscurantisme au cinéma de Shyamalan, et on peut parfois s’interroger sur ce qu’on peut bien y répondre. Il faudrait d’abord répondre à cette question : au fond à quoi croit-il vraiment ?

C’est toujours compliqué de répondre à cette question… Il reste ambigu, ce qui le rend encore plus intéressant. Je vais essayer de partir d’exemples précis. Sur la partie psychiatrique de Glass par exemple, il y a quand même vraiment beaucoup de problèmes que je découvre en discutant avec les co-auteurs du livre. Eux reprochent plusieurs choses au personnage d’Elie Staples. Premièrement, elle essaie de leur faire croire un truc qui n’est pas vrai – on l’apprend à la fin – donc pourquoi toi, en tant que spectateur, tu vas adhérer à son discours alors que c’est bidon. D’autant plus qu’on a eu selon eux, les preuves par la mise en scène d’Incassable et Split que David et Kevin étaient dotés de pouvoirs surnaturels, donc on ne peut plus le mettre en doute. Je ne suis pas d’accord avec ça parce que tout ce qui compte pour moi c’est de voir que ces personnages-là peuvent y croire. Ça marche donc quand Bruce Willis y croit. En tous cas cette très longue séquence de remise en question où les trois personnages sont réunis et mis en doute par Elie fait froncer les sourcils de pas mal de gens et risquent de le faire encore. Je pense que c’est la profonde ambivalence de cette remise en question qui interroge mais qui moi me fascine. Comment peux-tu croire, toi en tant que spectateur, que ce que tu as vu dans Incassable était vrai ? Peut-être que mes co-auteurs et moi sommes-nous trop dans l’absolue connaissance et l’amour total des films de Shyamalan pour accepter qu’on puisse remettre en question ce qu’on a vu dedans, ce en quoi nous avons cru. Pour moi, Glass est un peu son Star Wars VIII (Rian Johnsson, 2017), il est très iconoclaste, et c’est là où je vois une ultra-cohérence qui ne me sautait pas forcément aux yeux quand je regardais le film : on en revient à se poser les mêmes questions qu’il y a dans toutes ses réalisations. Sur quelles assises reposent nos croyances en Dieu, en un village protecteur, en des extraterrestres, ou autres ? La différence maintenant c’est qu’il a pris ce virage très beau, très positif depuis Split qui lui fait croire que c’est nous, c’est l’esprit humain qui est au-dessus de tout. David Dunn, peu importe qui il est, l’origine de ses pouvoirs n’est pas messianique. C’est son esprit, sa force psychologique presque, qui l’ont amené à devenir un héros. Elijah Price théorise très clairement ça, avec une phrase qui pourrait résumer le rapport de Shyamalan à la croyance, en disant que tout cela s’explique scientifiquement, mais ça n’a pas d’importance, c’est vrai quand même, ça a existé. Glass, comme ses films d’avant, confirme que Shyamalan veut plus parler d’êtres humains que de super-héros, de nymphes ou d’extraterrestres, et qu’il veut vraiment croire que ces êtres humains peuvent devenir des êtres extraordinaires aux pouvoirs surnaturels. Le cinéaste m’a fait halluciner lorsqu’il est venu en 2015 présenter The Visit à la presse pour nous dire à quel point il était fasciné par les troubles de la personnalité multiple. Pour inventer Kevin Crum, il s’est inspiré de Billy Milligan, un homme qui avait effectivement 23 personnalités. Donc Shyamalan croit vraiment à ce qu’il développe dans Split, il donne à cela des assises venues du réel, et c’est d’ailleurs sans doute ce qui me gêne dans le film. Avant de faire du cinéma j’ai fait des études de psychologie et ça rend compliqué mon rapport à ce genre de théories, encore plus quand il cherche à en donner des preuves qui sont quand même très ténues. Ce côté « preuves scientifiques » se retrouvent à plus d’un niveau dans Glass, notamment dans les arguments que donnent Elie, qui me semblent très neufs dans la carrière de Shyamalan. On va là chercher des causes physiques aux troubles, ou aux pouvoirs des personnages, dans des déformations du cerveau, pour David Dunn l’atteinte d’un lobe de son cerveau qui serait due à son accident de train par exemple. Avant, les doutes dans la Foi venaient de causes inter-personnelles – par exemple dans Signes le pasteur incarné par Mel Gibson commençait à douter après la mort de sa femme – tandis qu’ici cela vient de la parole d’un médecin, de la science. Ce qui est passionnant, c’est que malgré toutes les remises en question d’Elie, qui semblent être des remises en question de son propre cinéma, la magie l’emporte à la fin, la prière existe toujours puisque Staples et les siens ne sont finalement rien d’autres que des obscurantistes religieux, refusant l’existence des super-héros. Le doute laisse place à la croyance de nouveau, et la suprématie de l’esprit humain permettant de faire de nous des super-héros. C’est d’ailleurs le récit classique de beaucoup de suites de films de super-héros. Prenons Spiderman 2 (Sam Raimi, 2004), c’est ça ! Il doute, perd ses pouvoirs, pour mieux les retrouver par la suite. Peut-être que le problème c’est que ce nouveau film d’origines passe moins bien pour certains parce que les personnages sont nombreux et que du coup le « retour de la magie » va assez vite.

En même temps, le nombre des personnages a un sens. Ils sont nombreux parce que l’origin story de Glass est finalement celle de l’Humanité toute entière, où toutes personnes avec son téléphone, filmant ou étant spectateur, peut à son tour devenir un super-héros.

Oui, c’est la révolution humaine dont on parlait tout à l’heure.

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Elle est d’autant plus surprenante que le cinéma de Shyamalan jusqu’ici pouvait être vu comme un cinéma du confinement, de la concentration. Ghislaine Lassiaz le souligne très bien dans l’introduction du livre : « Sixième sens et Incassable allaient de lieux intimes en lieux urbains. Au début de Signes, ces échanges ville/foyer se poursuivent, mais le champ va drastiquement se réduire dans la deuxième partie du film au lieu clos, barricadé, de la maison. Subsiste encore une fenêtre sur le monde, la télévision, qui finira par cesser d’émettre, obligeant les personnages à poursuivre à l’aveugle. Avec Le Village et sa communauté d’un autre siècle, point d’écran. Le champ d’action se resserre encore, établissant l’échappée vers le monde extérieur comme un enjeu de récit ; mais nous sommes à présent loin des villes et de la multiplicité de lieux qu’elles offraient. La Jeune Fille de l’eau, enfin, et le hors-champ qu’est le monde extérieur (on ne sort jamais de ce huis clos, à l’exception de plans vers le ciel à la fin) se fait plus subtil : images télé fugaces, parfois floues, en arrière-plan ou en fond sonore, présence du dehors à travers quelques dialogues des personnages… Puis les trois films suivants ouvrent de nouveau le champ, mais de manière quasi subliminale. La menace invisible de Phénomènes est omniprésente et, pour survivre, les personnages doivent justement définir leur champ d’action, qu’ils ramèneront à la cellule la plus intime. »

Sur cette question du confinement, ça lui a été souvent reproché. Pascal Laugier disait clairement à Première il y a quelques années que « Le Village [était] un film d’extrême-droite » … Ses films ont pu s’ouvrir, notamment à la fin du Village (2004) justement, mais c’est vite remis en question avec la même ambiguïté. Cette fin est vraiment fascinante d’ailleurs, à chaque fois que je la revois j’ai l’impression d’en voir une nouvelle. Je ne sais jamais sur quel pied danser. Ils vont voter, pour savoir s’ils veulent rester ou pas ; leur vote est coupé par le retour de Bryce Dallas Howard, et on ne connaîtra pas leur décision. Même La Jeune Fille de l’eau, malgré sa très belle fin « vers le ciel », tout le monde reste finalement dans sa communauté. Signes on finit par retourner dans sa paroisse, Phénomènes dans son petit cocon familial réuni. Là, avec Glass, il ouvre, enfin. Il semble trouver une forme de salut dans une ouverture au monde.  Par ailleurs, l’ouverture au monde de la fin ne doit pas faire oublier que le film est encore très confiné dans l’hôpital psychiatrique. D’ailleurs, les choses les plus difficiles à comprendre sont dans la sortie de l’hôpital, qui n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux écrit. Elijah par exemple sort de sa chambre un peu comme il veut, quand il va rejoindre Kevin dans sa cellule il lui dit qu’il lui reste une minute, il y reste pendant plusieurs minutes finalement… Je ne veux pas dire de bêtises, mais j’ai l’impression que cette sortie de l’hôpital ne l’intéresse pas beaucoup. Comme s’il était dans un dispositif qu’il exploite pour la première fois – trois personnages enfermés dans l’hôpital psychiatrique – et dont il avait du mal à sortir. J’imagine que comme tout en chacun ses croyances évoluent. Il est vraiment dans un truc de plus en plus animiste, ou en tous cas très spirituel : une pensée où tout est connecté. Par exemple, il disait à la Cinémathèque qu’il trouvait ça incroyable à quel point James McAvoy est apparu sur sa route, devant lui, en plein milieu de l’écriture de Split (lors d’un passage commun au Comicon). Il en parle en disant que c’était le seul mec au monde qui pouvait faire ce film et le destin a voulu qu’il soit sur sa route ce jour-là. Ce ne s’apparente pas à de l’obscurantisme pour moi mais ça pose clairement débat. Certains me disent « c’est quoi de croire dans un monde aussi violent que le nôtre que tout a un sens, à part dire que nos souffrances, nos douleurs, sont des passages nécessaires de l’ordre du monde ? ». Je comprends que ça gêne, mais c’est là pour moi que Glass est encore typiquement un film de Shyamalan, il n’interprète pas, n’excuse pas, mais émet une prière, celle qu’après le traumatisme, la perte, la douleur, l’humanité pourra se ressembler et utiliser cette tristesse pour accoucher de lendemains meilleurs.

En même temps, c’est ce qu’il dit depuis le début, et Split est probablement l’aboutissement le plus fort de cette idée. Les « purs », les super-héros, ceux capables de « voir », sont ceux qui ont souffert.

C’est justement l’une des choses qui me gênent. Si tu as l’esprit pervers et retors, tu peux aller jusqu’au bout de sa logique et imaginer qu’il faut battre et violer nos enfants pour en faire des super-héros ! Tous les super-héros ont souffert en même temps, mais il pousse ça de plus en plus loin. On en parle un peu dans le livre, je pense que Shyamalan est quelqu’un qui a un très fort complexe sur cette question. Il vient d’une famille aisée, il a été tiraillé entre les croyances de son école ultra-puritaine, très catholique, qui l’amène à faire Wide Awake qui raconte plus ou moins son enfance et les croyances de sa famille venue d’Inde qu’on lui inculquait chez lui. Cet éclatement le trouble beaucoup, ce qui donne son premier film, Praying with anger et le mène à un complexe très étrange autour de la souffrance. Shyamalan quelque part aurait aimé avoir plus souffert dans son enfance. Il a eu une enfance dorée et s’en veut. Il s’invente une culpabilité, ce qui est d’autant plus criant dans le faux documentaire réalisé pour la promotion du VillageThe Buried Secret of M. Night Shyamalan (Nathaniel Kahn, 2004), documentaire produit par la chaîne câblée SyFy – où il a fait croire qu’il avait failli mourir noyé étant enfant. A la sortie du documentaire, tout le monde croit que c’est vrai ! Il a dû s’expliquer et s’en excuser derrière en expliquant que c’était un objet marketing… Là encore il se place dans l’héritage d’Hitchcock. Le cinéaste avait raconté un traumatisme qu’il avait subi quand, après une bêtise, son père l’avait envoyé à la police avec un mot. Un flic l’avait enfermé pendant plusieurs minutes… La seule trace d’un souvenir fondateur de ses obsessions qu’on n’ait dans l’enfance de Shyamalan serait un jour où il serait rentré chez lui avec ses parents. Ils auraient découvert la porte ouverte, et auraient été persuadés que quelqu’un s’était introduit chez eux. Ce qui s’avéra faux. Ce complexe est aussi tout simplement social, du fait qu’il vient d’une famille très aisée et que sa réussite est grandement due à son milieu aussi… D’ailleurs, il lutte beaucoup aujourd’hui contre les inégalités dans l’éducation. Pendant la toute petite période où il a disparu un an ou deux, il a créé une fondation, écrit un livre pour combattre les inégalités d’éducation dans le système américain. On trouve dans ce livre quelque chose qui est présent dans tous ses films : son désir que tout être humain ait pleinement accès à son potentiel. Malgré tout, c’est quelqu’un qui a des traumas, et dont le cinéma n’a cessé de raconter la façon dont on peut conjurer sa peur, ce que David Honnorat – chroniqueur à No Ciné – explique très bien dans son chapitre du livre « Une thérapie contre l’angoisse ». Sixième Sens est probablement l’un de ses plus grands films en ce sens… D’ailleurs, très honnêtement, en y repensant, c’était probablement ce film-là de Shyamalan dont j’aurais aimé voir la suite, beaucoup plus qu’Incassable. J’aurais aimé voir ce que Cole serait devenu adulte,

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Là encore, pour surmonter ses peurs, il faut croire.

Oui, on y revient toujours… La croyance est, chez lui, ce qui nous anime, nous rassemble. Dans son chapitre – « Le souffle asiatique » – Éric Vernay aborde notamment l’hypothèse Gaïa, théorie pseudo-scientifique qui dit que la planète est une sorte d’esprit conscient, se protège, et vit en harmonie avec les espèces qui l’habitent. Il y a quelque chose de très spirituel là-dedans aussi, sans doute un peu hippie. Mais il parle beaucoup de bouddhisme, et je pense que là-dessus la croyance de Shyamalan est toujours la même et n’a pas beaucoup évolué. Il dit toujours que ce qui compte c’est de croire, et peu importe ce à quoi tu crois. On en revient à La Jeune Fille de l’eau qui reste pour moi son chef-d’œuvre à ce propos : c’est la croyance qui fait qu’on n’aura un but commun et qu’on finira par tous se prendre par la main. On peut penser que la fin de Glass montre qu’il se radicalise dans cette croyance puisqu’elle appelle vraiment les spectateurs à se prendre en main, à croire en eux-mêmes, à être les super-héros de leur quotidien. Ce sont des formules qui paraissent naïves mais on y retrouve la candeur de Shyamalan qui n’a toujours pas bougé et qui le fait toujours croire à des lendemains qui chantent après la catastrophe, parce que nous aurons cru. Et Glass ajoute “parce que nous aurons cru en nous” : plus besoins de nymphes ou d’êtres immédiatement surnaturels. La mort finale des héros raconte la fin de ce besoin de manière très violente. Je pense que cette fin témoigne aussi d’une envie d’expurger ses héros. Quand même, il les tue tous, et de manière extrêmement forte. J’étais très ému. David Dunn avec son fils c’est bouleversant, et Casey face à Kevin mourant, je les aime tous les deux très fortement d’un coup alors que je n’aimais pas trop Split… Il semble nous dire qu’il faut passer par des sacrifices, par la mort de tous ces héros, pour se relever et aller vers ce sursaut global. Il semble aussi qu’il barre la route à toute potentielle suite. Du coup, cela m’excite d’autant plus pour la suite. On suggérait dans le livre qu’il reviendrait à des formes plus indépendantes de production, lui permettant de raconter exactement ce qu’il veut et d’être libre de ses moyens. Il est même allé jusqu’à faire The Visit avec ses propres économies avant de le présenter à Jason Blum, ce qui est quand on y pense totalement fou furieux. On peut quand même penser qu’en faisant Split et Glass il prend forcément moins de risques qu’à l’époque de La Jeune fille de l’eau, il semble plus penser à sa carrière. Il est plus malin, ce qui est complètement compréhensible après que tous ses films aient été reçus avec tant de violence… Peut-être que Glass est une table rase, et du coup la suite est d’autant plus excitante.

N’y aurait-il pas dans le cinéma de Shyamalan une forme de croyance dans le passé aussi ? Depuis le début, son cinéma se tourne vers des formes de narration et de mise en scène très classiques, et ses personnages sont souvent en quête de leur passé, de leur mémoire. Glass va plus loin là-dedans puisque Shyamalan semble se tourner vers son propre passé, son propre cinéma, en intégrant des scènes coupées d’Incassable dans la narration de ce nouveau. Quand je pense à son œuvre, je pense un peu à ce que dit Jean-Baptiste Thoret de l’œuvre de Peter Bogdanovitch, quand il dit que c’est un cinéaste obsédé par les années 50, le cinéma classique, coincé dans son époque moderne, les années 70, mais qui en même temps semble toujours parler en filigrane de sa propre époque. Je trouve que ça s’adapte bien à Shyamalan, qui dans des formes classiques, et une fascination pour le passé, figure finalement très fortement les doutes, les interrogations, les croyances de notre époque. Glass me semble emblématique de ça.

On peut en tous cas penser que ses films auraient mieux marché dans les années 50… C’est peut-être moi qui suis passéiste quand je dis ça, mais il y a quand même eu des évolutions du public qui ne vont pas dans le sens de ses désirs de cinéaste.  Ce qui m’a marqué dans Glass, et qui me semble raccord avec ce que tu dis, se trouve dans le discours d’Ellie Staples. Je vois dans ce personnage une forme de conspirationnisme réactionnaire que Shyamalan réprouve totalement. Elle rappelle vraiment les pires commentaires conspirationnistes sur Internet qui cherchent à tout expliquer tout le temps, à donner un sens à tout phénomène, pour finalement arriver à une forme d’irrationalité. C’est vraiment une très bonne méchante, elle a en plus une tête de Joker. Par ailleurs, les destinées tragiques de ses héros me paraissent aussi intemporelles que modernes puisqu’elles me semblent parler du monde d’aujourd’hui. C’est sans doute leur fin à tous les trois qui me marqueront le plus longtemps, et les symboles qui s’en dégagent. Voir David Dunn mourir dans une flaque, c’est hallucinant, c’est un symbole hyper fort, et rien que pour l’audace de cette fin je peux passer sur beaucoup de certaines béances du scénario. Même si j’espère être suffisamment nuancé en relayant notamment l’avis des coauteurs déçus. Dans le livre, on essayait de l’être aussi…

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Pour en revenir au livre justement : ce que je trouve passionnant dans Contes de l’au-delà c’est qu’il est publié en 2015, avant la sortie de The Visit et que vous l’écrivez donc au moment où à peu près tout le monde se foutait royalement de Shyamalan. Ses derniers films avaient tous été unanimement conspués, et ses grandes heures au box-office semblaient très loin derrière lui. D’abord, qu’est-ce qui vous a motivé ensemble pour écrire ce livre ? Et surtout, dans la conclusion du livre, que tu écris, tu dis qu’on peut être optimiste pour l’avenir du cinéaste, ce qui pouvait paraître farfelu à l’époque, mais aujourd’hui c’est totalement prophétique ! Comment t’es venue cette intuition ?

Très sincèrement, je ne sais pas encore si c’était une si bonne intuition parce qu’encore une fois j’attends ce qui va se passer après Glass. Parce que depuis le livre, il a fait The Visit, un tout petit film, quand même à mon avis très calibré pour un certain public, petit film d’horreur pour ados avec Jason Blum derrière, quelque part ça ne pouvait que marcher. Il le fait très bien, c’est un faux found footage, faux documentaire très malin, avec une belle histoire de famille. C’est bien du Shyamalan mais plein de gens sont allés le voir en se foutant totalement de qui avait fait le film. Split ne me semble pas marcher non plus sur son nom, plus sur le côté thriller et sur l’événement que constitue l’interprétation de McAvoy. Je pense que les gens vont aller voir Glass, peut-être le trouver ridicule, mais ça fait quinze ans qu’on lui demande de faire Incassable 2, et c’est assez malin et stratège de sa part de le faire maintenant. Malgré tout, il n’a pas perdu sa patte, et il sait qu’il ne doit pas la perdre. Dans le livre on cite une phrase qu’il répète souvent : « Je suis plus moi-même que les autres sont eux ». Tout ça peut expliquer mon intuition, d’autant plus qu’en 2015, Shyamalan commence à teaser son nouveau film autour du syndrome sundowning – qui fait que la nuit tombante la personne touchée peut commencer à perdre la mémoire et devenir un peu fou – long-métrage qu’il a écrit, réalisé totalement en secret et avec ses économies. Honnêtement, après l’achat de Jason Blum, ça sentait quand même très bon, et on ne pouvait que croire au potentiel commercial du projet. Il retrouve donc une forme de respectabilité, mais encore une fois j’attends le moment où il écrira un nouveau Signes ou un nouveau Le Village. Mais je ne sais pas si c’est possible, à cause de lui, à cause surtout de l’état des studios hollywoodiens, qu’il puisse faire ce genre de films dans les années 2020… Pour en revenir à des trucs plus pragmatiques sur l’écriture du bouquin : le début du livre vient d’un mémoire que j’ai écrit en 2011 sur lui. La plupart des gens qui écrivent avec moi font partie de mes amis les plus proches. Pour l’anecdote, c’est au festival des trois continents à Nantes – après une soirée démente de conclusion du festival où on a pu voir Wang Bing dansant sur Je dans le MIA – que, ivre, je suis allé voir, Christophe Beney et Hendy Bicaise, créateurs du site de festival Accreds auquel je participe à l’occasion, pour émettre cette idée d’écrire un livre sur le cinéaste qu’on adorait tous les trois. C’est parti de là. Avec tous les auteur-e-s, on a une passion commune pour lui, mais je pense que chacun a un rapport différent au cinéma de Shyamalan. Pour moi, c’est un cinéaste dont j’ai vu quasiment tous les films en salles, mais c’était des films que je n’aimais pas tant que ça, que je ne comprenais pas, qui me posaient questions. Mine de rien, tout ça a été fondateur de ma cinéphilie quand même, en y repensant. Encore une fois, Signes je vais le voir dans une grande salle d’un Pathé de province près de chez moi, avec mon frère et ma sœur, dans une très grande salle pleine. Pour un film aussi étrange c’est quand même difficilement envisageable aujourd’hui… C’est un peu bateau de le dire peut-être, mais c’était fort de voir les films d’un cinéaste vraiment hollywoodien mais aussi si mystérieux. En ça, je suis d’ailleurs très content qu’il ait maintenant une rétrospective à la Cinémathèque. Il y a encore un an, on se faisait la blague avec mes potes qu’on organiserait sa première rétrospective en 2050 ! Je pense avoir trouvé chez Shyamalan ce que j’aime aussi chez Verhoeven : un côté frondeur qui pète le système de l’intérieur. Il n’en parlera jamais car il est très propre en interview, en ça très américain, mais il a forcément conscience que son parcours est très iconoclaste, que faire les films qu’il a fait après Sixième Sens où il aurait pu faire tout ce qu’il voulait c’était quand même très audacieux.

Tu as raison de rappeler cette dimension très populaire de son cinéma. La plus grande injustice dans l’accueil des films de Shyamalan c’est peut-être qu’on lui ait reproché d’évoluer en vase clos, d’être seul dans son délire. Au contraire, c’est un cinéaste qui a toujours voulu s’adresser au plus grand nombre, mais dont les réalisations ont souvent été mal vendues. Vous citez une phrase dans le livre où il le dit bien : « je fais du thé et on le vend comme du Coca-Cola ».

Certains pensent aussi qu’il y a eu une forme de racisme dans l’accueil de ses films… Quand j’écrivais tout ça, j’étais obsédé par Shyamalan et j’avais une alerte Twitter à son nom. J’y voyais énormément de blagues sur son nom imprononçable par exemple. Plus prosaïquement, je pense qu’après Sixième Sens il ne pouvait que décevoir et que beaucoup de gens à Hollywood ont pris plaisir à le voir se casser la gueule aussi, après qu’il ait été présenté par certains comme le nouveau Spielberg, qu’il ait été considéré par tous comme l’héritier d’Hitchcock – héritage qu’il ne s’est pas empêcher de clamer – et à cause de son certain melon, beaucoup ont désiré sa chute. Mais son melon a du charme, il est très joueur, ça lui donne toujours ce côté très enfantin. Shyamalan a été énormément moqué, par exemple dans South Park ou dans les Celebrity Deathmatch de MTV, mais ce qui prouvait aussi qu’il avait atteint un statut de star, ce qui est très rare pour un réalisateur, même américain. Cependant, il était connu de plus en plus comme une caricature de lui-même, et il en a sûrement beaucoup souffert parce qu’il a toujours cherché à toucher le grand public. Glass nous ramène totalement à ça, et montre qu’il a toujours la même ambition. Dans une époque imbibée de films de super-héros, malgré tout, il fait un film de super-héros. Alors, bien sûr, ses films sont toujours « du thé », il ne peut pas faire autrement, mais c’est tant mieux.


Pour se procurer l’ouvrage :

https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/collection-cinema-et-series/contes-de-lau-dela-hugues-derolez-dir/


A propos de Pierre-Jean Delvolvé

Scénariste et réalisateur diplômé de la Femis, Pierre-Jean aime autant parler de Jacques Demy que de "2001 l'odyssée de l'espace", d'Eric Rohmer que de "Showgirls" et par-dessus tout faire des rapprochements improbables entre "La Maman et la Putain" et "Mad Max". Par exemple. En plus de développer ses propres films, il trouve ici l'occasion de faire ce genre d'assemblages entre les différents pôles de sa cinéphile un peu hirsute. Ses spécialités variées oscillent entre Paul Verhoeven, John Carpenter, Tobe Hooper et George Miller. Il est aussi le plus sentimental de nos rédacteurs. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riNSm


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Commentaire sur “[Entretien] Hugues Derolez, croire en Shyamalan