Film testament du « Duke » John Wayne et western différent touchant à la vieillesse douce-amère, Le Dernier des Géants de Don Siegel (1976) est proposé dans un très sympa combo DVD/Blu-Ray par Sidonis Calysta. Retour sur un film gentiment crépusculaire qui marque bel et bien la fin d’une époque et d’un genre.
© Tous Droits Réservés
Le chant du cygne
© Tous Droits Réservés
Alors que Sergio Leone est à l’honneur à la Cinémathèque Française et avec lui le western spaghetti pour lequel il est le mètre étalon, la vision d’un western tel que Le Dernier de Géants (1976) sonne avec une note particulière. Puisqu’il est toujours bon de commencer une semaine cinéphile avec une synthèse présomptueuse forcément incomplète, je m’avance à écrire que le western a, à l’instar d’autres genres aussi codifiés, eu sa période de gloire, puis de remise en question, de détournement, enfin de destruction et je dirais même de recueillement. La période 30-40 correspondrait au western classique dont les réalisateurs ont posé la mythologie et pour certains pris un sacré coup de vieux par la suite, les 50’s quant à elles marqueraient les remises en question. Le cas Leone marque lui la rupture traumatique en ce qu’il détourne et détruit du même coup : après l’invention du spaghetti, même le western américain ne peut plus se regarder tout à fait en face et le besoin de retourner considérablement est criant (ça donnera les westerns d’Arthur Penn par exemple). Pour le recueillement enfin, on a un exemple via Le Dernier des Géants édité chez Sidonis Calysta, par ce cinéaste on ne peut plus marquant qu’est Don Siegel et que votre serviteur ne rate jamais une occasion de lustrer. Il a, parmi tant d’autres genres allant du film de guerre, noir ou de science-fiction en passant par L’Inspecteur Harry (1971), en effet aussi œuvré sur les étendues du Far West. Nous vous avions notamment parlé des Rôdeurs de la Plaine (1960), rare produit avec Elvis Presley qui vaut le coup d’œil et qui d’ailleurs a un lien certain avec Le Dernier Des Géants : celui de mettre en scène une grande personnalité médiatique sur laquelle le film discourt en mode méta. En effet, dans Le Dernier… Siegel filme ni plus ni moins que John Wayne, dans un long-métrage en forme de chant du cygne. Un double éloge funèbre de son interprète et du genre qui l’a rendu célèbre.
J.B. Books (John Wayne) est une légende de l’Ouest. Selon la réputation il est le meilleur tireur de l’histoire, ayant semé de nombreux cadavres derrière son cheval. Son nom fait encore frémir ceux qui le croisent lorsqu’il arrive dans une petite ville du Nevada sauf que le temps a fait son œuvre dévastatrice puisque Books est atteint d’un cancer. Ses jours sont comptés, cela commence à se savoir et ceux qui ont quelque chose à lui reprocher – nombreux, comme vous pouvez vous en douter – comptent bien en profiter pour abattre le vieil homme dans son moment de faiblesse… Bien que ce pitch laisse figurer autre chose,
The Shootist (titre en VO) est un western singulier, très calme, auquel le terme de « recueillement » sied on ne peut mieux. On a dit Don Siegel, donc il y a quelques séquences de violence – notamment un touchant climax qui respecte un des poncifs du western, le gunfight « un seul contre tous »- mais
Le Dernier Des Géants est un récit posé,
introspectif, chevillé aux réflexions douces-amères de personnages du troisième âge
dont la légende est assez dénudée. John Wayne incarne un Books usé par ses combats et ses choix de vie, la patronne de l’hôtel où il crèche est une Lauren Bacall veuve, en souffrance et sensible, son toubib un James Stewart aux tempes grises, ami de longue date qui constate l’œuvre destructrice du Temps. Avec eux, seul le jeune Ron
Solo : A Star Wars Story Howard période
Happy Days laisse voir les jours futurs avec lueur
, mais l’avenir et la gloire semblent être derrière. Pour ces stars dont les visages vieillissants frappent et touchent le spectateur qui les a connus en pleine beauté de la jeunesse, c’est bien l’heure du bilan et de se préparer à mourir. Un rôle d’autant plus autobiographique que John Wayne lui-même se sait atteint d’un cancer lors du tournage et avec un certain cynisme, on pourrait même dire que ça fait du bien de le voir fragilisé, tomber ce masque qui l’a rendu mythique mais bien peu attachant. Évidemment que le discours à travers ce scénario, l’effacement et la délicatesse d’un réalisateur qui nous a pourtant marqués auparavant par un style nerveux et musclé, sont surtout allégorie de la mort d’un genre et d’un certain Âge d’Or hollywoodien alors que le Nouvel Hollywood vient de tout chambouler. Dans un autre registre, on pourrait d’ailleurs placer ce film aux côtés de Fedora de Billy Wilder (1978), variation autrement plus tortueuse et sombre – on est chez Billy Wilder – sur le même thème.
Vous l’aurez compris les friands d’action, de course-poursuite ou d’opératisme westernesque devront clairement passer leur chemin, mais ceux qui aiment le cinéma pour la fêlure, pour ses personnages, pour la sensibilité d’une narration ou la justesse d’une posture existentielle, voire même les fans de John Wayne qui pourront y voir un de ses plus beaux rôles, peuvent insérer avec un intérêt certain la galette du Dernier des Géants dans leur lecteur. Au rayon des westerns crépusculaires c’est certainement un des plus tendres, alors que le genre est à cette époque souvent détruit ou détourné à l’image de l’ironie mortelle des westerns de Robert Altman, John McCabe en tête (1971)… D’autant que Sidonis Calysta propose l’objet en combo DVD/Blu-Ray dans leur collection Westerns de Légende avec un artwork assez sympa un chouïa différent de leurs sorties habituelles. Aux suppléments, on ne change pas une équipe qui gagne si j’ose dire, puisqu’on retrouve les présentations de Patrick Brion et du cinéaste Bertrand Tavernier.