Deadpool 3


Après une première apparition dans X-Men Origins : Wolverine (Gavin Hood,2009) qui a fait hurler les fans de comics ainsi que son interprète Ryan Reynolds, Deadpool revient dans un film qui se veut plus proche du matériau d’origine et qui arbore avec fierté sa classification rated R – classification américaine pour un film interdit aux moins de 17 ans non accompagnés – ou son bannissement du territoire chinois comme un étendard. Mais est-ce un gage de qualité ou juste un coup de pub qui pourrait avoir l’effet d’un pétard mouillé ?

deadpool1-gallery-image

Un grand pouvoir implique une grande irresponsabilité

Les films de super-héros ont la côte de nos jours, quel euphémisme ! Les studios hollywoodiens nous ont même prévu nos futures sorties ciné jusqu’en 2020 au bas mot. Depuis Avengers (Joss Whedon, 2012), ça ne s’arrête plus. Rien que pour l’année 2016, on peut compter quatre films ! Entre le retour d’un Captain America qui se demande s’il va purger son compte Facebook de quelques amis ou le combat de titan entre l’Homme d’acier et le Caped Crusader – mais si, le gars qui a une tendance fétichiste pour les chauve-souris -, on peut se demander comment un film appartenant à ce sous-genre peut-il encore tirer son épingle du jeu ? Dans la tourmente depuis le fiasco Les 4 Fantastiques (Josh Trank, 2015), la Fox espère que la réponse se prénomme Pool. Deadpool.

deadpool-gallery-06-gallery-imageCréé en 1991 par Rob Liefeld et Fabian Nicieza, Wade Wilson a.k.a Deadpool était à l’origine un antagoniste au sein de l’univers Marvel de par sa profession d’assassin. Mais comme le personnage de Wolverine – et tant d’autres dans l’histoire des comics, tout éditeurs confondus – le personnage va jouir d’une popularité certaine entraînant la création de sa propre série. Mais en quoi ce dernier est-il différent ? Deadpool, c’est un assassin mais surtout un psychopathe notoire, mégalomane, arrogant, schizophrène avéré, amateur de blagues vraiment plus que douteuses, avec des super-pouvoirs mais surtout un super-héros qui est conscient de son statut de personnage de fiction ce qui lui permet de briser, que dis-je, d’exploser le quatrième mur. Voilà Deadpool, c’est l’incarnation cool et méchante d’une volonté de casser les codes du comics et c’est ce qui rendait ardue la mise en chantier d’une telle adaptation. On doit le film à Tim Miller – créateur du magnifique spot TV Awakening pour le jeu Halo 4 ainsi que du générique de début de la version américaine de Millenium – Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (David Fincher, 2011) et superviseur des effets spéciaux de l’excellent Scott Pilgrim vs the World (Edgar Wright, 2010) – qui signe ici son premier long-métrage en tant que réalisateur. Une lourde tâche pour lui mais aussi pour Reynolds qui y voit une occasion de faire oublier la version Origins du personnage mais surtout son rôle de Hal Jordan dans le film Green Lantern (Martin Campbell, 2011).

C’est une mise en scène fluide et inspirée – assez inventive et loufoque dans les tueries : merci Deadpool ! – que nous livre Miller et ce dès le générique d’introduction qui donne le ton. Les scènes d’actions sont jouissives et spectaculaires et ce, malgré le budget que l’on devine restreint. C’est violent aussi. Bon, il faut quand même admettre que ce n’est pas aussi extrême que l’on aurait pu le souhaiter mais, force est de constater que cela reste relativement inédit dans un blockbuster de ce calibre. Le film fait également la part belle à l’humour. C’est grossier – voire très grossier parfois ! – mais pile dans l’esprit du comic : punchlines, blagues salaces et autres métaphores capillotractées se mêlent pour créer un cocktail un peu spécial – et parfois pour notre plus grand bonheur – sans tomber dans une espèce de lourdeur. Autre attrait de l’humour dans ce film c’est que tout le monde en prend pour son grade : Deadpool critique tout. De la pop culture aux créateurs du film. Tout y passe à grands coups de clins d’œil et autres remarques cinglantes sur le manque cruel de budget. Deadpool va même deadpool-gallery-03-gallery-imageplus loin en interagissant directement avec la caméra. Autre bon point : je pense que l’on tient le meilleur caméo de Stan Lee de tous les temps ! Mais, malgré une réussite dans la retranscription de l’esprit deadpoolesque , le film a néanmoins des limites.

Et la première est le scénario. Ecrit par Rhett Reese et Paul Wernick – à qui l’on doit le jubilatoire Bienvenue à Zombieland (Ruben Fleischer, 2009) – l’intrigue n’a aucune véritable originalité. Si les moments où Deadpool brise le quatrième mur sont source de comédie mais aussi d’habiles transitions vers des flashbacks qui, sans trop casser le rythme de l’histoire, permettent de placer les origines du mercenaire, ces moments ne parviennent pas à rendre le film aussi subversif que l’on pouvait le penser. Des films comme Kick Ass (Matthew Vaughn, 2010) ou encore Super (James Gunn, 2011) usent de la violence et d’un langage fleuri dans le but de critiquer voire de démonter le concept de super-héros en le ramenant à la réalité et versent du coup dans une certaine forme d’amoralité…Que Deadpool n’acquiert qu’en surface. L’autre problème vient des personnages. Si Weasel, meilleur ami de Deadpool et fournisseur en armes, incarné par T.J. Miller – que l’on a pu voir dans Cloverfield (Matt Reeves, 2008) ou plus récemment dans la série Sillicon Valley (Mike Judge, 2014) – sort un tant soit peu du lot grâce à son aptitude quasi-comparable de débiter des horreurs verbales comme Deadpool – je vous jure que c’est quand même drôle -, la majorité des personnages ne sont là que pour mettre en valeur notre protagoniste. L’antagoniste Ajax – Ed Skrein, le nouveau Frank Martin dans Le Transporteur l’héritage (Camille Delamarre, 2015) – a des allures de silhouette faussement menaçante, sans but identifiable et bien plus lisse que dans les comics. On a même l’impression qu’il doit son statut de « méchant » grâce à la nature même de sa mutation. Même topo pour les personnages de Vanessa – incarnée par Morena Baccarin – très connue des fans du whedonverse pour son rôle d’Inara dans la série Firefly (2002-2003) deadpool-gallery-05et Serenity, L’ultime rébellion (2005) – et Al, la vieille femme aveugle confidente et prisonnière de Deadpool. Si quelques moments comiques sortent du lot avec ces personnages, ces derniers n’ont la sympathie du spectateur de par leur proximité avec Wilson.

Deadpool peut être vu comme un pari réussi. Un pur divertissement irrévérencieux qui réussit à se démarquer de ses homologues super-héroïques de par l’amour et la grande compréhension du personnage par les créateurs de ce film. Dans un monde où les films de super-héros font la pluie et le beau temps et tendent à n’être qu’une copie d’une copie d’une copie, il est agréable de voir quelque chose de différent. Rien de révolutionnaire comme cela aurait pu être le cas, mais honnête. Pour ma part, je suis impatient de voir si la version director’s cut – dont l’existence à été confirmée par l’acteur T.J. Miller – verra le jour, sachant que ladite version serait encore plus trash. Ah et restez bien jusqu’à la fin, la scène post-générique vaut le détour.


A propos de Mathieu Pluquet

C'est après avoir découvert Le Voyage de Chihiro, Blade Runner et L'Exorciste que Mathieu se passionne pour le cinéma; depuis cette passion ne l'a pas quitté. Sinon il aime les comics, le café et est persuadé qu'un jour il volera dans le TARDIS et rencontrera le Docteur (et qu'il pourra lui piquer son tournevis sonique). Ses spécialités sont la filmographie de Guillermo Del Toro, les adaptations de comics et le cinéma de science-fiction.


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

huit + 16 =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 commentaires sur “Deadpool