Lors de l’annonce de la sélection de la quinzaine des réalisateurs du dernier Festival de Cannes, la présence de Kung Fury fut remarquée comme une ouverture vers un autre cinéma : de genre, fauché, plus à destination d’un public geek que de l’habituel peuple cannois, rarement bienveillant envers tout ce qui gravite à la marge d’un certain cinéma auteurisé.
In your balls !
Avant de débarquer sur la croisette, le court-métrage Kung Fury du suédois David Sandberg avait largement fait parler de lui sur le web puisqu’il a été essentiellement financé par une campagne kickstarter. Après le buzz de sa bande-annonce totalement what the fuck puis d’un clip musical trusté par un David Hasselhoff en grande forme, le film que l’on annonçait comme l’un des événements à ne pas manquer du dernier Festival de Cannes y est passé finalement un peu inaperçu. C’est finalement lors de sa diffusion gratuite sur internet que nous avons pu découvrir ce grand n’importe quoi orchestré de mains de maître.
Après avoir été frappé par la foudre et mordu par un serpent – en même temps – un jeune policier – un mélange entre Johnny Depp et Mark Dacascos – devient un super-combattant maître en Kung Fu et en répliques qui claquent : le Kung Fury. Il est chargé de rétablir l’ordre dans sa ville en bottant le cul des méchants, mais aussi des bornes d’arcades vivantes. Un jour, après avoir quitté son job de flic parce qu’on lui avait filé un co-équipier Tricératops, il prend conscience qu’il doit remonter le temps et aller au source du mal. Son but ? Vaincre le maître Kung Fu nommé Adolf Hitler et qui se fait appeler le Kung Fürher. Aidé par Hackerman, le plus grand Hacker de tous les temps, accessoirement fabricant express de machine à remonter dans le temps, il se lance dans son aventure et remonte les ans. Comme une aventure spatio-temporelle au cinéma se déroule rarement sans accrocs, Kung Fury se retrouve téléporté trop loin dans le temps, à une époque étonnante et inconnue des livres d’histoire, où les vikings chevauchent des dinosaures et se baladent dans le Valhalla peinard, mitraillettes en bandoulière.
A grand renfort d’effets numériques, pyrotechniques et gores volontairement approximatifs – leur réalisation ne l’est pas du tout, il y’a un réel travail de titan derrière la création de ce film – le film convoque toute une galerie de personnages loufoques et kitsch : du dieu viking Thor, en passant par des Raptors-Lasers ou encore un aigle nazi géant et robotique. Vibrant hommage au cinéma bas de gamme de l’ère VHS des années 80 – l’un des running-gag est d’ailleurs de modifier la qualité d’image du film pour donner au spectateur l’impression qu’il regarde une VHS usée sur un magnétoscope poussiéreux – le film tire sa force dans sa capacité assez déroutante à faire revivre une patine que l’on croyait disparu depuis vingt an. L’autre richesse du film et de ne pas se cantonais (rires dans l’audience) au simple pastiche de film de kung-fu fauché. Tous les sous-genres y passent en réalité : le body cops movie bas de gamme, la science fiction approximative, le cinéma d’exploitation de guerre, le péplum bad-ass façon Connard Le Barbant, le dinosaur movie et j’en passe…
Même si l’on ne niera pas avoir franchement ri pendant une bonne partie du film, on accordera tout de même qu’à la longue, le filon s’épuise. Difficile donc d’imaginer qu’une aventure de Kung Fury puisse donner à l’avenir un long-métrage culte et drôle de bout en bout – Robert Rodriguez s’était déjà cassé quelques dents avec, dans le même style, sa saga Machete, qui peinait déjà à pleinement convaincre sur la longueur. On préfère considérer ce petit court-métrage totalement barré comme un voyage dans le temps, et comme l’un des plus bel hold-up d’un cinéma non-auteurisé sur le microcosme cannois depuis plusieurs années.
Joris Laquittant
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