Alice Cooper dans un film de loups-garous, ça vous tente ? Oui ? Eh bien c’est Noël avant l’heure grâce au Chat qui fume qui édite cette petite série B italo-espagnole comme on les aime : Monster Dog (Claudio Fragasso, 1986). Une belle copie, comme toujours avec cet éditeur, qui ne peut malheureusement pas rattraper tous les défauts du film…
Les chiens de paille
Si l’on peut se permettre d’y aller franco : non Monster Dog n’est pas un hit du cinéma international, ni même un petit film culte de niche. C’est un nanar presque réjouissant dans lequel tous les acteurs sont en surchauffe et où le réalisateur lâche les commandes à plusieurs endroits. Le film commence comme une curiosité. Alice Cooper pousse la chansonnette, l’ambiance se pose peu à peu… Et puis les freins lâchent en pleine descente. Claudio Fragasso, ici crédité Clyde Anderson, alterne les moments où il oublie qu’il a une histoire à mettre en scène et ceux où il meurt d’envie de tout mettre dans une seule séquence. Son pitch était pourtant simple : la star du rock Vince Raven, incarnée par Alice Cooper, embarque sa chérie et des amis pour aller tourner un clip dans la maison de son enfance, isolée en pleine campagne et à l’abandon depuis le décès de ses parents. Sur le chemin, la petite troupe croise le shérif local qui les avertit que récemment plusieurs personnes sont mortes déchiquetées par un groupe de chiens qui rôdent dans les environs. Qu’importe, l’art n’attend pas. Et le petit groupe de continuer ses projets…
Claudio Fragasso, pour resituer un peu, aime à surfer sur ce qui marche. Westerns, monstres, policiers… Tout y passe pourvu que ça engrange et pour pas cher. La vague de Hurlements (Joe Dante, 1981) et du Loup-garou de Londres (John Landis, 1981), il fallait bien qu’il la prenne, et c’est dans ce contexte, où on ne sait plus très bien si c’est l’inspiration artistique ou l’appât du gain qui est à la source du projet, qu’arrive Monster Dog. Quoiqu’il en soit Fragasso parvient à poser une atmosphère crédible et prenante dans ses premières minutes, ce avec des moyens franchement dérisoires. La promesse est belle, inattendue même, et puis patatras. Une fois les personnages arrivés dans le manoir dont on ne comprend jamais véritablement la topologie, le récit se met à faire du surplace et à ne plus savoir quoi raconter. Alors on invente une mythologie autour d’une malédiction, on laisse les personnages avoir peur d’une ombre, s’accuser entre eux, et on installe progressivement un ennui profond doublé d’un progressif désintérêt. On comprend les contraintes budgétaires impliquant une économie des apparitions canines, mais il y avait ici matière à jouer sur l’attente avec plus d’efficacité.
Tout à coup, alors qu’on entrait doucement vers un premier cycle de sommeil, Monster Dog nous réveille en proposant du spectacle. Foutraque, grand-guignolesque et finalement inoffensif, ce dernier acte a en tous cas le mérite de vouloir montrer autre chose que de jeunes adultes assis. C’est là que Claudio Fragasso en profite pour faire de son film une bande-démo géante en mettant un peu de tout : l’arrivée des loubards du coin lorgne tout à fait vers le western avec ses gunfights à la clé ; les hordes de toutous enragés grappillent des points sur le terrain du film d’horreur animalier ; bien sûr le boss final, le fameux monster dog du titre, rappelle que nous sommes dans un long-métrage à base de lycanthropie. Cela fait beaucoup à encaisser, surtout après une pause forcée de quarante minutes – le film en fait quatre-vingt-quatre – et cela ressemble à un melting pot pas franchement heureux de références mal digérées où, on le sent, le réalisateur à la barre ne prend même pas plaisir. Ce ne sont malheureusement pas les personnages qui amèneront une quelconque dose d’humanité ou de projection de notre part, pauvres spectateurs, puisque le casting joue aussi bien que dans un Uwe Boll des mauvais jours. Le seul intérêt de la présence d’Alice Cooper est de voir à quel point, les cheveux plus courts que d’habitude, il ressemble à Michael Scott de The Office (Greg Daniels, 2005-2013).
Reste que l’édition du Chat qui fume est encore une fois spectaculaire. Sur le plan technique, étant donné que le long-métrage était encore inédit sur le sol français et que c’est donc une découverte, nous n’avons pas de points de comparaison, mais il parait évident qu’un gros travail de restauration a été exécuté sur Monster Dog. L’image est stable, précise et la colorimétrie est profonde et d’un niveau de détails habituel de la maison d’édition. Le son, quant à lui, est clair et les dynamiques sont parfaitement retranscrites. Au rayon des bonus, comme souvent chez Le Chat qui fume, on est servis puisque, outre une petite bande-annonce, nous avons le droit à onze minutes de scènes coupées – et on comprend qu’elles aient été retirées du montage final – et, surtout, à un témoignage de quarante-trois minutes de la scénariste Rossella Deuidi, du producteur Roberto Bessi et du réalisateur Lamberto Bava qui reviennent sur la création de Monster Dog et offrent quelques anecdotes savoureuses. Bref, cette édition est une raison unique de découvrir ce film clairement méconnu. Elle ne rend pas la proposition meilleure mais elle nous replonge avec plaisir dans une époque, celle des vidéo-clubs, où il était monnaie courante de se tromper en ne se fiant qu’à un joli boîtier…