La sortie Blu-Ray du Pic de Dante (Roger Donaldson, 1997) chez ESC Éditions est l’excuse parfaite pour se replonger dans le cinéma catastrophe des années 90 ! Une époque où la candeur l’emportait peut-être un peu sur le cynisme, et où Pierce Brosnan n’avait qu’à lever un sourcil pour définir les contours de son personnage…
Magma Mia
Le film catastrophe est un genre à lui tout seul qui a connu deux âges d’or : les années 70 et les années 90. La première salve avait livré quelques productions incroyables parmi lesquelles on retrouve des œuvres cultes comme Airport (George Seaton, 1970), L’Aventure du Poséidon (Ronald Neame, 1972) ou La Tour infernale (John Guillermin, 1974). Et comme le cinéma n’est qu’un éternel recommencement, au phénomène de lassitude de ce premier âge d’or arriva une seconde grande période du film catastrophe, au moment où les effets spéciaux avaient franchi un cap dans le réalisme et les possibilités offertes aux cinéastes. Nous sommes donc dans l’ère post-Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993), celle de tous les possibles. La catastrophe est aussi bien naturelle – Twister (Jan De Bont, 1996) ou En pleine tempête (Wolfgang Petersen, 2000) – qu’extra-terrestre – Independance Day (Roland Emmerich, 1996) ou Mars Attacks ! (Tim Burton, 1996). En 1997, alors qu’un film catastrophe, Titanic (James Cameron, 1997), emporte tout sur son passage, ce ne sont pas moins de deux histoires de volcans en éruption qui échouent sur nos écrans : Volcano (Mick Jackson, 1997) et celle qui nous intéresse aujourd’hui, Le Pic de Dante (Roger Donaldson, 1997).
Harry Dalton, volcanologue, est traumatisé depuis la mort de sa compagne lors d’une éruption volcanique il y a quatre ans. Le Pic de Dante, un volcan au repos, commence à montrer des signaux d’activité et Harry se rend sur place pour estimer la situation et prévenir les autorités locales, dont la maire Rachel Wando. Comme prévu, le volcan se réveille et commence alors une course contre la montre pour s’en sortir. On le voit, le pitch fleure bon les années 90 où un héros blessé doit reprendre du service pour convaincre les institutions qu’il est le seul à avoir raison, en séduisant une femme au passage. Nous sommes certes après la misogynie crasse des années 80 mais avant un début de représentation plus juste des femmes qui s’amorcera des années plus tard. L’histoire est d’un classicisme exemplaire et s’avère être juste un prétexte à un déluge d’effets visuels novateur pour l’époque et qui tiennent encore la route aujourd’hui. Derrière la caméra, on retrouve Roger Donaldson, un vétéran hollywoodien à qui l’on doit quelques films sympathiques à défaut d’être inoubliables. Et Le Pic de Dante est probablement la meilleure synthèse de sa filmographie : divertissant mais peu mémorable.
Le film est plutôt bien emballé avec une caméra ample et dynamique – on la doit d’ailleurs à Andrzej Bartkowiak, fidèle collaborateur de Donaldson, de Joel Schumacher ou derrière la photographie de Speed (J. De Bont, 1994) – et un montage de qualité rendant l’action lisible et rythmée. Comme dit plus tôt, les effets spéciaux, entre pratique et numérique, font bonne figure presque trente ans après. Pourtant le récit accumule les types d’action et d’épreuves pour nos héros, tantôt la lave, tantôt l’eau ou les cendres. Cette générosité typique des grands spectacles de l’époque est parfaitement restituée par Roger Donaldson et ses équipes. Elle contrebalance habilement avec un scénario faisant la part belle aux inepties scientifiques en tous genres. Et puis, la patine du temps joue tout à fait pour apprécier Le Pic de Dante au regard des années 2020. Là où les productions Marvel nous habituent à des œuvres tournées quasi intégralement sur fonds verts, le film de Donaldson a pour lui ses effets pratiques et un usage presque innocent du numérique. En fait, ce long-métrage illustre à lui tout seul cette mode des années 90 où tout était prétexte à la destruction massive.
Le tout est porté par Pierce Brosnan, alors nouveau James Bond depuis GoldenEye (Martin Campbell, 1995), et Linda Hamilton, encore auréolée du succès démentiel de Terminator 2 : Le Jugement dernier (J. Cameron, 1991). Pierce Brosnan s’en sort en faisant du Pierce Brosnan, ce qui consiste à froncer les sourcils tout ayant un petit sourire en coin ; il incarne bien ce personnage archétypal. Linda Hamilton, dans le rôle de la maire/love interest/mère de famille, elle, parait bien plus passive que dans les vêtements de Sarah Connor. L’actrice nous avait habitués à des rôles plus riches et profonds, ce qui déçoit forcément. La dynamique entre les deux acteurs fonctionne, l’enrichir aurait toutefois permis un scénario et des péripéties moins convenus puisque toutes les actions des personnages sont plus ou moins attendues selon le caractère qu’ils incarnent dans l’intrigue. Nos deux héros sont, cela dit, entourés d’une jolie troupe de comédiens typiques des années 80, dont Tzi Ma, Grant Heslov ou le regretté Charles Hallahan, décédé peu avant la sortie du film en 1997.
La sortie du Blu-Ray du Pic de Dante par ESC Éditions est l’occasion de se faire un petit trip nostalgique dans les années 90 puisque le long-métrage bénéficie pour l’occasion d’une excellente qualité d’image et de son. Côté bonus, Roger Donaldson est sorti de sa retraite pour un commentaire audio en compagnie de Dennis Washington, le chef décorateur qui, vu le niveau de destruction dans le film, a forcément quelques anecdotes croustillantes à nous délivrer. « Au plus près du spectacle », un making-of d’une heure, revient sur la conception et le tournage tandis que « Amis pour la vie », un petit sujet de dix minutes, revient sur la carrière de Pierce Brosnan. Enfin, Simon Riaux, qui est décidément partout, vient livrer ses bons mots pendant près de trente minutes dans un entretien justement appelé « Un film à l’ancienne ». Cette sortie Blu-Ray est donc une belle opportunité de redécouvrir un film qui symbolise en tous points son époque et la façon dont on concevait le grand spectacle en ces temps-là.